330 000 enfants victimes de violences sexuelles : le rapport choc sur l’Église

samedi 9 octobre 2021.
 

Fruit de deux ans et demi d’enquête, le rapport Sauvé, présenté ce mardi 5 octobre lors d’une conférence de presse, estime qu’entre 2 900 et 3 200 prêtres ou religieux pédocriminels ont sévi dans l’Eglise en France depuis près de 70 ans.

L’ampleur des abus mis en lumière par la Ciase (Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Eglise) est bien supérieure à ce qu’on imaginait. Et bien plus importante dans l’Eglise qu’ailleurs.

330 000 victimes depuis les années 1950.

Depuis quelques jours déjà, la hiérarchie catholique tentait de préparer les esprits à un « chiffre effarant ».

En effet, le nombre de victimes de pédophilie au sein de l’Eglise catholique se révèle bien supérieur à tout ce qui avait été évoqué jusque-là. Impressionnant, choquant (inimaginables pour certains), ce chiffre révèle à quel point l’institution a longtemps refusé d’ouvrir les yeux et a posé un voile discret sur les crimes portés à sa connaissance. Désormais, avec la lumière crue que jette le rapport de la commission Sauvé (du nom de Jean-Marc Sauvé, ex vice-président du conseil d’Etat, qui l’a dirigée), plus personne ne peut nier la profondeur du drame.

Dans l’Eglise, les crimes n’étaient pas l’apanage du seul clergé. Sur les 330 000 cas, les deux-tiers (soit 216 000) ont été commis par des prêtres, des religieux et des religieuses. Des abuseurs (la Ciase en a identifié 2900 à 3200, une « estimation minimale » selon Jean-Marc Sauvé) qui ont particulièrement profité du pouvoir spirituel qu’ils exerçaient.

On apprend par ailleurs que plus de 30% des abus ont été commis par des laïcs, salariés ou bénévoles, présents dans les aumôneries, les établissements d’enseignement catholique, les camps de vacances. Un risque trois fois plus élevé dans l’Eglise que dans les autres lieux accueillant des mineurs.

Pas question, pour autant, d’en conclure, comme le font certains catholiques, que ce qui s’est passé dans l’Eglise n’est que le reflet d’un phénomène de société plus large. Le rapport de la Ciase est, sur ce point, sans aucune ambiguïté. En chiffres absolus, la pédocriminalité dans l’Eglise se situe au-delà des autres institutions accueillant des enfants : la commission Sauvé estime à 141 000 le nombre de victimes dans les écoles publiques, 103 000 dans les activités sportives, 103 000 également dans les colonies de vacances et autres accueils collectifs et 51 000 dans les activités culturelles et artistiques. Et le taux de prévalence (le risque couru par un enfant d’être victime d’abus dans une institution rapporté au nombre de mineurs fréquentant cette institution) est sans appel : il est de 1,16% dans l’Eglise, contre 0,36% dans les colonies, 0,34 dans les écoles publiques et 0,28% dans le sport.

Soit un risque deux à trois fois plus élevé dans l’Eglise catholique qu’ailleurs.

Les victimes attendent beaucoup du rapport Sauvé et de ses 45 préconisations face aux réticences de l’Eglise. Jusqu’à ces derniers jours, celle-ci refusait, en effet, de reconnaître sa responsabilité collective, une partie du clergé, des fidèles et de l’épiscopat estimant qu’ils ne pouvaient l’assumer au nom de prêtres et de religieux déviants. En établissant le caractère quasi institutionnel du silence, voire de la dissimulation, dressé autour des abus sexuels et de la protection accordée aux coupables, la Ciase oblige toute la communauté catholique à assumer les dérives commises en son sein. Elle l’incite à reconnaître formellement sa responsabilité. Demande de reconnaissance des victimes.

« Réparer » le mal fait aux victimes implique « la reconnaissance de la qualité de victime des personnes, par une institution indépendante mise en place par l’Eglise », a estimé Jean-Marc Sauvé mardi. « La question de l’indemnisation n’est pas un don, c’est un dû », a-t-il ajouté, plaidant pour cette solution plutôt qu’un allongement des délais de prescription.


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