L’insécurité est le sujet numéro un permanent. C’est un fonds de commerce bien achalandé dans l’espace médiatique. C’est aussi le carburant officiel de nombreux candidats à l’élection présidentielle. On connaît. Mais une insécurité peut en cacher une autre. Pour ma part, j’entends tirer la sonnette d’alarme au sujet d’une insécurité majeure bien moins souvent évoquée : l’insécurité alimentaire.
D’après le Secours Populaire, 8 millions de Français sont touchés. Concrètement, une personne sur huit n’a pas la possibilité de se procurer une alimentation de qualité et/ou en quantité suffisante. Peut-on regarder a côté ?
Je crois important de prendre la mesure de la crise alimentaire qui frappe le pays. La faim ne se contente pas de frapper aux portes de la cinquième puissance mondiale. Elle est désormais bien installée. Le dernier baromètre du Secours Populaire indique que la situation s’est aggravée. En 2018 déjà, une personne interrogée sur cinq déclarait ne pas pouvoir se procurer une alimentation saine lui permettant de faire trois repas par jour. En 2021, c’est pire : près d’une sur trois.
Il faut étudier de près la situation pour comprendre l’ampleur du désastre. C’est d’abord une question de quantité. Ainsi, le Secours Populaire révèle qu’un Français sur cinq saute des repas pour des raisons financières. C’est le cas pour près de la moitié des ménages ayant des revenus mensuels inférieurs au SMIC. Les jeunes non plus ne sont pas épargnés : un tiers des moins de 35 ans et un étudiant sur deux n’ont d’autre choix que de sauter des repas.
La précarité alimentaire est aussi une question de qualité. En effet, un tiers des Français ne peuvent pas consommer des fruits et des légumes frais tous les jours. Encore une fois, certains publics sont particulièrement concernés. Ainsi, la moitié des enfants consommaient moins de 2 fruits et légumes par jour. On retrouve là encore les étudiants : selon une étude réalisée cet été, sept étudiants sur dix ne peuvent s’acheter ni viande ni poisson. Et la moitié n’achètent quasi jamais de fruits.
Évidemment, tout cela est lié à l’état de pauvreté générale croissante du pays. On compte désormais 10 millions de pauvre et six millions de chômeurs. Mécaniquement, la carte de la pauvreté se superpose à celle de la précarité alimentaire. Ainsi, parmi les bénéficiaires de l’aide alimentaire, la moitié sont des femmes et un tiers sont des enfants. Sans surprise, les mêmes fournissent les gros bataillons de la pauvreté. Le covid-19 n’a fait qu’aggraver leur situation. Mais la pandémie a bon dos.
C’est avant tout une question économique, et donc sociale. L’agro-industrie n’a pas pour objectif de nourrir l’humanité. Son obsession, c’est la réduction des coûts pour toujours plus de profits. Les fermes-usines nous ont fait entrer dans l’ère des pandémies. L’illusion productiviste maintient un agriculteur français sur cinq sous le seuil de pauvreté tandis que la moitié des fruits et légumes sont importés. La grande distribution s’octroie des marges de près de 40% sur les pâtes ou le café. En bout de chaîne, le consommateur, est réduit, faute d’argent, à choisir le moindre coût, c’est-à-dire des produits parfois bien dangereux pour la santé et l’environnement. Le tout, influencé par 15 000 stimulis publicitaires par jour, 338 additifs alimentaires et des taux de sucre et de sel très lourds. Le désastre est complet.
Le pays est désormais en état d’insécurité alimentaire collective. Premièrement l’insécurité est collective car les conséquences sanitaires de la malbouffe se sont répandues dans la population au point de devenir des vraies épidémies. Je parle ici de l’obésité, du diabète, des cancers, etc. Le nombre d’obèses a par exemple doublé en un quart de siècle. Deuxièmement, elle est collective car ces fléaux suivent la progression des inégalités sociales. Ainsi, l’obésité est 4 fois plus importante chez les enfants d’ouvriers que chez les enfants de cadres. La pandémie a révélé combien la pauvreté, et donc l’insécurité alimentaire, sont un terrain d’exposition au virus. Par exemple, la Seine-Saint-Denis est le troisième département de l’hexagone le plus touché par le diabète. Un puissant facteur de co-morbidité en pandémie. Le département a atteint un taux record de surmortalité durant la première vague.
Elle est collective aussi car les coûts sont supportés par tous. Sauf bien sûr par ceux qui en tirent un maximum de profit. Ainsi, dans le cadre d’une commission d’enquête parlementaire réalisée en 2018, le député Loïc Prud’homme a évalué le coût collectif de la malbouffe à 50 milliards par an. Cela représente cinq fois le budget de la PAC en France et 30 fois le coût du dispositif d’aide alimentaire. Telle est l’équation de l’absurde ! Il faut désormais frapper fort. Je le dis : il est possible de reprendre le contrôle de la production pour manger tous et manger mieux. Je propose pour cela une loi de sécurité sanitaire. Concrètement, nous avons besoin d’un ministère de la Production alimentaire avec des objectifs quantitatifs et qualitatifs.
D’abord, pour produire en France et nourrir le pays, il faut 300 000 paysans ! Pour les trouver nous devons faire une réforme agraire. Il s’agit de réserver des surfaces prises aux grandes exploitations à de jeunes agriculteurs pour qu’ils s’installent. Nous interdirons les fermes-usines et donnerons la priorité aux culture vivrières. Il faut aussi aider ceux pris en étau par l’agro-industrie. Pour cela, je propose de geler les dettes des paysans qui passent au 100% bio.
Manger mieux et tous c’est possible tout de suite. Nous avons déjà fait plusieurs propositions de sécurité alimentaire : interdire les produits les plus dangereux tels le glyphosate et les néonicotinoïdes, mettre un terme au modèle des fermes-usines, interdire la publicité alimentaire à destination des enfants, limiter les additifs à ceux utilisés en agriculture biologique mais aussi rationner le sucre et le sel dans l’alimentation selon les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé. Les macronistes les ont toutes rejetées.
Pour garantir l’accès de tous à l’alimentation, des mesures urgentes sont également nécessaires. Je propose pour cela cinq fruits et légumes à petit prix bloqués. Bien sûr, il faut aussi garantir un prix suffisant aux paysans et empêcher les marges indues de la grande distribution. Pour cela, une solution existe : l’encadrement des prix par un coefficient multiplicateur. Enfin, la cantine scolaire est un outil formidable pour garantir l’accès des plus jeunes à la nourriture. Viser 100% bio et apprendre à manger moins de protéines animales sont des objectifs d’intérêt général.
On ne va pas passer la campagne à parler sécurité et immigration. C’est la vie quotidienne qu’il faut poser sur la table. Et faire table rase de tout ce qui produit l’insécurité alimentaire. Une election aussi centrale que la présidentielle ne doit pas être gâchée. Il faut faire les grand choix.
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