Les combats inachevés des Communardes

mercredi 4 août 2021.
 

« … il est vrai, peut-être que les femmes aiment les révoltes. Nous ne valons pas mieux que les hommes mais le pouvoir ne nous a pas encore corrompues. » Louise Michel, La Commune (éd. La Découverte, 2015, p. 167)

Cette remarque de Louise Michel ouvre à propos de la période de la Commune un questionnement plus général sur les rapports au travers de l’histoire entre les femmes – quelles femmes ? – et leur protestation contre l’ordre établi – en défense de leurs droits propres ou plus généralement en soutien des hommes ? – . Le terme de révolte interroge aussi sur les formes éventuelles de violence qu’elles déploient en ces occasions et sur celles qu’elles subissent.

En ce 150e anniversaire du 18 mars 1871, il faut souligner que les racines de la révolte sont bien antérieures à cette date : la situation des travailleuses (dont beaucoup à domicile) est particulièrement misérable et, par ailleurs, avec la guerre l’implication féminine n’a pas attendu cette date pour prendre les formes qui vont se développer sous la Commune proprement dite : le 4 septembre 1870, devant l’Hôtel de Ville, les femmes sont présentes lors de la proclamation de la République, et le 8 au même endroit, une manifestation menée par André Léo et Louise Michel réclame des armes pour lutter contre les Prussiens. En octobre le droit de participer aux postes avancés des combats pour porter aide aux blessés ne leur est pas davantage accordé… Cependant dans les arrondissements où sont créés des comités de vigilance, les femmes y participent (Louise Michel à Montmartre). Présentes encore, Louise Michel et André Léo le 22 janvier 1871 quand les plus militants des membres de la Garde nationale tentent d’occuper l’Hôtel de Ville et d’instaurer un gouvernement révolutionnaire.

Le siège de Paris affecte en priorité les femmes et les enfants des classes les plus pauvres. Le restaurant coopératif La Marmite fondé par Eugène Varlin et Nathalie Lemel offrait nourriture mais aussi initiation au socialisme. Dans les nombreux clubs et sociétés populaires qu’elles fréquentaient – et où d’aucuns pensaient qu’elles ne venaient que pour se réchauffer – les femmes purent aussi se frotter aux idées progressistes.

L’historienne britannique Marisa Linton dans une remarquable étude traduite en français en 1997 (1) ne se contente pas des écrits des principales protagonistes ou commentatrices (Maria Deraismes) de la Commune, mais pour avoir travaillé sur les archives peut écrire :

« Ce serait faire erreur que de présumer que le sens donné à la Commune par Elizabeth Dmitrieff, Louise Michel ou André Léo, entre autres femmes instruites sachant s’exprimer, était nécessairement le même que pour les femmes des classes ouvrières, lesquelles constituaient la grande majorité des femmes qui apportèrent leur soutien à la Commune. Les problèmes qui préoccupaient surtout ces dernières étaient en effet de nature très concrète. Ainsi, le droit de vote n’avait pour elles que peu d’importance par comparaison avec des questions comme le droit des femmes au travail, à un salaire honnête, à l’éducation et à une protection sociale pour elles-mêmes et pour leurs enfants en cas de besoin. Peu nombreuses étaient celles qui se souciaient des théories complexes portant sur la lutte des classes. Moins nombreuses encore étaient celles qui s’intéressaient beaucoup aux droits des femmes. »

En effet les Communardes sont d’origines fort diverses même si la présence en très grand nombre des femmes du peuple est une caractéristique marquée. Selon Françoise Bazire (sur le site des Amis de la Commune de Paris) :

Elles sont de tout âge : la plus jeune a 14 ans, la plus ancienne 71 ans.

Elles viennent de partout, ce sont surtout des provinciales. Seulement 10 % sont natives de Paris et 12 % sont étrangères, essentiellement belges. Les Russes et les Polonaises forment également un bon contingent. Elles sont souvent très politisées.

Avoir des enfants a sans doute été un obstacle à l’engagement de ces femmes (seulement 15 % sont notées comme mère de famille).

Ce sont d’abord des femmes du peuple : les Communardes travaillent massivement. Seules 15 % sont sans profession.

Les ouvrières dominent avec plus de 53 % de couturières et ouvrières de l’habillement, de blanchisseuses. Tout le petit peuple féminin est représenté, parfois le plus misérable.

La petite bourgeoisie artisanale et commerçante est représentée, surtout des très petits commerces.

Enfin les professions intellectuelles (institutrices, femmes de lettres, journalistes) sont nombreuses.

Si au 18e siècle la plupart des émeutes auxquelles ont participé les femmes étaient liées à la disette, la marche des femmes sur Versailles en octobre 1789, destinée à ramener Louis XVI à Paris et à donner du pain au peuple, a presque son pendant le 5 avril 1871 avec la tentative de marche sur Versailles de femmes ayant pour mission d’infléchir le gouvernement national à la clémence et d’éviter l’effusion de sang, sortie que les dirigeants de la Commune ne soutinrent pas. D’autres pourtant, note Marisa Linton, utilisent leur autorité et leur courage pour encourager les hommes à se battre et, comme on le sait, après avoir tenté d’endosser l’uniforme, s’organisent pour appuyer les combattants : le 11 avril est créée l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés, dont les principales dirigeantes sont Nathalie Lemel et Élisabeth Dmitrieff – cette dernière arrivant de Londres avec les yeux de Marx. L’Union proclame :

« … nos ennemis, ce sont les privilèges de l’ordre social actuel, tous ceux qui ont vécu de nos sueurs, qui toujours se sont engraissés de nos misères,

… nous voulons le travail pour en garder le produit, plus d’exploiteurs, plus de maîtres,

… toute inégalité et tout antagonisme entre les sexes, constituent une des bases du pouvoir des classes gouvernantes. »


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