Macron regarde passer les trains

vendredi 11 juin 2021.
 

Le transport est un secteur clé de la bifurcation écologique. En effet, c’est le secteur le plus polluant. D’une façon ou d’une autre nous avons besoin d’une révolution du transport individuel et du transport de marchandises. La mobilité individuelle en véhicule automobile est une option qu’on devra repenser de fond en comble. Leur forme, leur usage en intelligence artificielle et en autopilotage sont un enjeu du futur immédiat. Quant au transport des marchandises, nous savons qu’il faut un mix de moyens : canaux, dirigeables, et bien sûr surtout le fret ferroviaire. Voilà le cœur de notre conviction sur le sujet : le train a tous les avantages. Sur le plan écologique, un trajet en train pollue 100 fois moins que le même trajet en avion, et jusqu’à 40 fois moins qu’en voiture. C’est aussi valable pour le transport de marchandises. Ainsi, la tonne de marchandise transportée par fret ferroviaire émet 9 fois moins de CO2 que par transport routier. C’est aussi un atout sur le plan social. En effet, le réseau ferré permet une desserte fine de l’ensemble du pays. Il crée par ailleurs de nombreux emplois qui ne sont pas délocalisables. En effet, il est impossible d’entretenir les rails ou de conduire des trains depuis une start-up à l’autre bout du monde

Il faut donc miser sur le ferroviaire pour réduire le plus rapidement et le plus massivement les émissions de gaz à effet de serre. Je veux ici parler de deux usines essentielles à cette tâche. En effet, les usines France Rail Industry d’Hayange (Moselle) et Ascoval de Saint-Saulve (Nord) sont les principaux fournisseurs de rails de la SNCF. Leur destin est lié depuis leur rachat par le groupe britannique Liberty Steel, filiale du groupe GFG Alliance. C’était en juillet 2020. Or, la société Grénille, principal financeur de GFG Alliance, a fait faillite il y a deux mois. Moins d’un an après leur rachat, elles sont donc de nouveau en vente.

Or, le développement du ferroviaire passe par la rénovation des lignes et la mise en service de nouveaux tronçons. La tâche est d’ampleur. Nous avons perdu la moitié de nos lignes depuis 1950 et le fret ferroviaire ne représente plus que 9 % du transport de marchandises contre 89 % pour la route. De plus, le réseau est vétuste. Les voies ont en moyenne 30 ans, les caténaires 40, les appareils de voies 29 et les appareils de signalisation 26.

Il y a donc urgence à faire revenir Ascoval et France Rail Industry dans le giron français. Pour l’heure, trois repreneurs étrangers sont sur les rangs. Fin mars, Bruno Le Maire déclarait : « les salariés d’Hayange, d’Ascoval, de Dunkerque doivent savoir que l’État sera derrière eux ». C’est-à-dire que « s’il y a des difficultés financières, l’État saura faire le pont, trouver des solutions alternatives, mais je ne laisserai pas tomber des salariés que j’ai soutenu depuis 2017 ». Mais l’outil industriel continue d’être balloté d’un investisseur à un autre sans qu’Emmanuel Macron ne bouge le petit doigt.

Ces deux entreprises sont pourtant en bonne santé. Ainsi, ces derniers mois, l’aciérie Asocial a multiplié sa production et son chiffre d’affaires par cinq. Pour sa part, France Rail Industrie présente un bilan positif depuis des années. Elles font travailler tout un écosystème d’entreprises spécialisées et mobilisent des savoir-faire précieux. Par exemple, France Rail Industry fait travailler 450 personnes et pas moins de 40 entreprises locales.

Il faut croire que le gouvernement met un point d’honneur à brader nos industries. En effet, les dégâts ne se limitent pas à ces deux entreprises abandonnées à leur sort. Ainsi, Alstom va devoir se séparer de son usine d’assemblage de TER hybrides à hydrogène située dans le Bas-Rhin. Ils consomment pourtant 20% d’énergie en moins. Les commandes se multiplient. Mais cette cession a été ordonnée par Bruxelles. C’est une condition à l’autorisation du rachat de Bombardier par Alstom. Macron n’a rien fait pour s’y opposer.

Le fret est également coulé un peu plus chaque jour. Le train des primeurs Perpignan-Rungis n’est toujours pas relancé. Cela a remis 25 000 camions supplémentaires sur les routes. La SNCF a aussi décidé de vendre sa filiale ERMEWA de location de wagons de marchandises à des Québécois et des Allemands. Cette filiale aux 100 000 wagons est pourtant un leader européen de la location de wagons industriels. Elle est aussi numéro un mondial de la location de conteneurs-citernes. Elle emploie 1.200 personnes et son activité est florissante. Elle a dégagé en 2020 une marge opérationnelle de 271 millions d’euros. Qu’a dit Macron ? Rien.

Pourtant, la France vise un développement du transport ferroviaire de +27 % d’ici à 2030 et +79 % en 2050. C’est l’objectif fixé par la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Or, pour planifier, il faut investir. Outre la protection d’industries stratégiques, nous avons besoin d’un plan d’investissement sur 10 ans. Selon un rapport de l’association Réseau Action Climat, au total, près de 3 milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an jusqu’en 2030 sont nécessaires pour atteindre nos objectifs.

Le rapport entre dans le détail des différents domaines dans lesquels nous devons progresser. Pour entretenir de manière satisfaisante les lignes et les gares les plus importantes, il manque 720 millions d’euros par an. Pour les « petites lignes », moins fréquentées mais indispensables pour désenclaver beaucoup de communes, il faut à nouveau ajouter 700 millions par an de travaux. Ne pas faire cela nous conduirait à fermer 4000 km de voies ferrées d’ici 2030. Le rapport préconise par ailleurs de mettre sur la table 1,5 milliard d’euros par an pour le fret et 150 millions d’euros pour les trains de nuit.

Ce rapport constitue une feuille de route précise de ce que nous devons faire. Cela confirme l’intuition des Insoumis depuis des années : l’énergie populaire est disponible pour réaliser la bifurcation écologique. Les syndicats et les associations ont produit des plans d’action précis et concrets. Les travailleurs du rail et des industries de la métallurgie savent le mettre en œuvre. Il ne manque qu’un chef d’orchestre pour coordonner et gérer le temps long : l’État planificateur.


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