26 mars 1791, l’adoption révolutionnaire du mètre

mercredi 27 mars 2024.
 

Le 26 mars 1791, l’Assemblée nationale approuve le rapport de l’Académie des sciences qui définit une unité de mesure de la longueur à portée universelle. Mais tout n’est pas encore gagné pour le mètre, dont l’adoption se fera... pied à pied.

Uniformité des poids et mesures : Décret de la Convention montagnarde le 1er août 1793

La mesure des longueurs est chose délicate. Il est difficile d’exprimer dans la même unité la distance entre les villes, la longueur d’une bande de tissu, l’éloignement du voisin, les tailles de la Terre, d’un individu ou d’un objet. Pour les grandes distances, on utilisait la lieue, parcourue en une heure. Les bannis étaient éloignés à une lieue, une heure de marche, de la cité, c’est l’origine de banlieue  !

Pour les petites distances, la longueur d’un pied était bien commode… encore fallait-il se mettre d’accord sur le pied de référence. Celle-ci était souvent la longueur du pied du gisant d’un souverain défunt. Pour les longueurs plus petites, le pouce  : un douzième de pied, la ligne  : un douzième de pouce, enfin le point  : un douzième de ligne. Quelques autres unités étaient utilisées  : la toise (envergure des bras, six pieds), l’aune (quatre pieds), la coudée (longueur de l’avant-bras, du coude à l’extrémité du majeur). Tout cela manquait cruellement de précision et restait localisé.

La longueur du pendule battant la seconde

En 1583, Galilée, âgé de 19 ans, découvre que la durée du battement d’un pendule ne dépend que de sa longueur, quelle que soit la masse de l’objet oscillant. Dans les années 1650, Christiaan Huygens met au point un pendule qui bat la seconde. On pense alors avoir trouvé un étalon universel de longueur. Il est proposé que la longueur du pendule battant la seconde mesure trois pieds horaires  ! 86 400 secondes séparant le retour du Soleil au méridien, on dispose d’un étalon universel et précis. L’Italien Tito Livio Burattini propose de nommer ce pendule metro, issu du grec metron, la mesure. C’est ainsi que trois pieds horaires, une moitié de toise, vont s’apparenter au mètre. Malheureusement, on découvre rapidement que la longueur du pendule battant la seconde dépend du lieu où elle est mesurée. Il est nécessaire de procéder à des ajustements.

Les travaux de Picard sur le méridien

Au XVIIe siècle, la précision des mesures menées par les astronomes permet d’établir enfin les grandes distances. Pour passer des mesures angulaires (longitude, latitude) aux distances (lieues), il faut mesurer avec précision la longueur d’arcs terrestres. C’est ce qu’avait entrepris Picard, en mesurant la longueur d’une portion du méridien passant par l’Observatoire de Paris. Dès 1672, à partir de la mesure de la plus grande base accessible dans le royaume de France – la distance Paris-Cayenne –, la distance de la Terre au Soleil est enfin établie  : 33 millions de lieues de 2 000 toises de Paris, ou toises du Châtelet, dont la longueur «  universalisée  » est établie à partir de celle du pendule à seconde.

Le 26 mars 1791, l’Assemblée nationale adopte un rapport de l’Académie (encore royale) des sciences ayant pour objectif de réaliser un système de mesures «  ne présentant rien d’arbitraire, ni de particulier à la situation d’aucun peuple sur le globe  ». L’Assemblée avait confié la préparation de cette étude à l’Académie dès mars 1790, l’étude étant officialisée le 8 mai et avalisée par Louis XVI le 22 août de la même année. Il est proposé que l’unité de longueur soit la dix millionième partie du quart du méridien terrestre et que l’unité soit calculée à partir de mesures qui seront faites entre Dunkerque et Barcelone. Les astronomes Méchain et Delambre sont chargés d’établir la longueur du méridien. Ils poursuivent les travaux initiés en 1669 par Jean Picard, puis suivis, depuis plus d’un siècle, par La Hire, Lacaille, les Cassini concernant la mesure de la Terre, dont les premières mesures fiables remontent au IIIe siècle avant l’ère moderne.

Le trajet parcouru dans le vide par la lumière

Les mesures de la ligne Dunkerque-Barcelone commencent en juin 1792, à quelque temps de la chute de la royauté… Méchain et Delambre se heurtent à de nombreuses difficultés, ils sont pris pour des espions. Les autorisations validées par Louis XVI semblent suspectes, l’accès aux points élevés des Pyrénées est extrêmement difficile. Le travail avance très lentement. La Convention décide d’adopter un mètre provisoire, issu des mesures faites en 1740. L’Académie est dissoute, la mission est interrompue fin 1793 et reprend le 7 avril 1795, pour se terminer à l’automne 1798. La longueur du mètre est adoptée, légèrement plus courte que celle du mètre provisoire (1/3 de millimètre). Les étalons sont construits en juin 1799, en platine iridié, alliage particulièrement solide et indéformable (90 % de platine, 10 % d’iridium). Le système métrique va pouvoir s’imposer presque partout dans le monde.

Les longueurs des étalons matériels ne peuvent être mesurées qu’à la précision d’un cent millième de millimètre. Cela est insuffisant pour les mesures de longueur d’ondes lumineuses et pour les mesures spatiales… Il a donc fallu améliorer la précision de l’étalon. Une nouvelle définition du mètre a été adoptée en 1960  : longueur égale à 1 650 763,73 fois la longueur d’onde correspondant à une transition particulière du krypton 87. Depuis le 20 octobre 1983, le mètre est la longueur du trajet parcouru dans le vide par la lumière en 1/299 792 458 seconde. L’unité «  universelle  » de longueur est ainsi liée à la vitesse de la lumière… qui fut mesurée pour la première fois en 1676, à l’Observatoire de Paris.

Jean-Louis Heudier


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message