Dopage . L’ancienne ministre des Sports Marie-George Buffet s’insurge contre les médecins défendant un dopage encadré

samedi 25 août 2007.
 

Au nom du pragmatisme en matière de lutte antidopage, considérant qu’ "un sport parfaitement propre qui exclurait le dopage est un idéal inatteignable, un peu similaire à l’idéal d’une société sans drogue", le chercheur suisse Alexandre Mauron prônait dans nos colonnes une politique de réduction des risques, comme l’a fait la Suisse à l’égard des drogues illicites (voir sur ce site rubrique SOCIETE, Sous-rubrique SPORT).

Impossible de renoncer à se battre, réagit en retour l’ancienne ministre des Sports Marie-George Buffet, actuelle secrétaire nationale du PCF. Entretien.

Qu’est-ce qui vous fait réagir dans cette posture, partagée par certains spécialistes de la lutte antidopage, voulant que « le sport ne soit pas différent d’autres activités humaines où se développent des "pratiques dopantes", c’est-à-dire d’augmentation des performances par des moyens plus ou moins technologiques », comme nous le déclarait récemment un chercheur suisse, Alexandre Mauron ?

Marie-George Buffet. C’est ce renoncement prôné à travers cette interview. Personne ne peut affirmer que demain le sport sera entièrement « clean », etc. Mais est-ce que ça vaut le coup ou pas de se battre pour faire reculer des pratiques dopantes de plus en plus humiliantes pour les individus ? Alors que nous allons déjà vers des « biomen », trimballant des pochettes de sang pour pratiquer des transfusions sanguines ? Je pense que ceux qui prônent une codification au fond des pratiques dopantes concourent à ce que le spectacle sportif se perpétue comme le moyen pour les sponsors d’êtres récompensés de leurs efforts.

C’est selon vous une atteinte au sens même du sport.

Marie-George Buffet. Alors que le sport devrait être avant tout le dépassement individuel, le plaisir collectif, le beau geste, l’incertitude... Nous assistons au contraire à la construction d’hommes et de femmes sportives dans le but d’atteindre une performance donnée. C’est comme de considérer qu’il est tout à fait normal de consommer autant d’antidépresseurs, qu’il faut cela pour que des salariés en butte à des conditions de travail dégradées continuent à travailler, pour que la rentabilité de l’entreprise perdure à son niveau. C’est une atteinte aux individus. Car la pratique dopante est dure pour l’individu, dure pour le corps.

...et pour son entourage également.

Marie-George Buffet. Bien sûr ! J’ai parlé avec des compagnes de coureurs cyclistes. Certaines m’ont remerciée d’avoir mis leur mari en prison, parce qu’elles n’en pouvaient plus. Des coureurs font leurs transfusions sanguines dans la baignoire familiale ! Et le réfrigérateur est rempli de produits, au milieu des aliments...

Le pragmatisme défendu, un encadrement du dopage, vise la santé de l’athlète.

Marie-George Buffet. Le vrai pragmatisme, c’est de ne pas prendre le dopage de manière isolée. Que le sportif trouve dans les antennes régionales de lutte contre le dopage l’écoute nécessaire : cela suppose de leur accorder des moyens. On réduit trop souvent le dopage à la seule pratique de haut niveau. Si la lutte contre le dopage se contente de lutter contre les réseaux et de punir sportivement l’athlète, on n’arrivera à rien. Il y aura toujours appel quelque part à des pratiques dopantes. Il faut à la fois jouer sur le dopage lui-même, mais aussi changer les conditions de pratique du sport. Que l’argent ne dicte pas sa loi au sport. Or les clubs ont maintenant la possibilité d’être cotés en Bourse. On voit apparaître des structures privées comme le Team Lagardère où les sportifs sont, quelque part, sortis des fédérations et du mouvement sportif.

Votre loi antidopage de 1998, toilettée récemment, a bientôt dix ans : des raisons d’espérer ?

Marie-George Buffet. En 1998, lorsque j’étais ministre des Sports, c’est contre les contrôles des douanes que des coureurs du Tour de France avaient mis pied à terre, en disant : « Laissez-nous faire ce que l’on veut... » En 2007, des coureurs du Tour mettent pied à terre pour dire leur ras-le-bol des coureurs dopés. C’est bien qu’il s’est passé entre-temps quelque chose dans le mouvement sportif.

Entretien réalisé par Lionel Venturini


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message