Mon petit village de Prades le Lez vivait vraiment en paix avec ses cours d’eau. Parfois, quelques orages de saison venaient contrarier cette harmonie mais les terres des vignes de la plaine savaient juguler le trop plein des débordements du Lez en folie et de ses affluents. Tout redevenait calme et apaisant. La vie continuait.
Puis, sans bruit, disparaissait un jour d’été la "Fleurette", simple petit ruisseau gazouillant au pied de la colline de Garaste où Roger Allègre, père de Claude, l’ancien ministre, cherchait et trouvait parfois de vieux silex plus ou moins bien taillés. Un "hurluberlu" murmurait sous le boisseau la cantonade béotienne !...
Disparaissait notre "Fleurette" comme allait s’évaporer un peu plus tard la "Fontainette ", merveilleux trou d’eau jaillissant au pied du petit sommet de la colline de Montauban. J’imagine encore les résidents du voisinage venant y puiser à la pompe une eau fraîche pleine de saveur. L’enfant un peu plus mûr que je devenais commençait à comprendre que les hommes y étaient pour quelque chose.
La Fleurette, La Fontainette , j’aime encore me souvenir de ces noms donnés depuis longues dates par nos ancêtres. Tout danse comme une carmagnole dans ces appellations ! Pour eux, assurément, l’eau de ces sources était une des magies de la vie courante. Elle avait un sens, elle avait son utilité pour le présent et les générations en devenir. Des jeunes qui de plus en plus découvraient le secondaire et son ouverture intellectuelle sur le monde. Une ouverture, certes, vers la vive connaissance mais sans le bon sens ! Là était le danger et nous y entrions de plein pieds.
Nos beaux ruisseaux avaient disparu comme allaient disparaître en fanfare les deux "Cantarelles", petits ruisselets tonitruants les jours de pluie comme des oueds de l’Atlas. C’était soudainement l’inondation dans les rues basses du bourg d’autant que nous y établissions des barrages. Nous n’avions pas la mer mais nous avions nos "Cantarelles" pour y faire flotter nos "navires" en écorce de pin. Là aussi, les sources devenaient muettes même les jours de grand orage. Nous savions désormais que la ville de Montpellier, insatiable goulue, se servait au plus profond de nos garrigues à même les nappes voire même plus profondément.
Nous pénétrions mois après mois dans les proches " trente glorieuses" de nouveaux besoins de plus en plus absolus. Mon petit village d’enfance prend petit à petit de la dimension. De 450 en 1940, il frôle désormais les 5000 habitants.
La plaine des vignes aux cépages aramon disparaît, laissant la place aux maisons, aux voitures, aux rues, aux vastes places ou aires de jeux. Montpellier étend sa périphérie en direction du Nord englobant ainsi les villages alentour.
Et le Lez d’aujourd’hui ? Sa source aux eaux merveilleusement claires demeure toujours aussi belle à l’ombre des platanes. Oui, un lieu encore privilégié pour quelques pique-niques improvisés. Un éden ! Puis, soudain, les orages de saison ! Il pleut à verse et encore et encore. L’eau dévale des garrigues, voire des collines sur les sols bitumés ou cimentés. Nos "cantarelles" d’antan ne sont plus là pour, telles des Shadocks, pomper et guider le supplément vers le lit de la rivière. Le peu de terre arable restant n’a plus les moyens de corriger cet afflux de liquide en folie. Montpellier et son pourtour boivent la tasse.
Retour à la case départ. Le soleil brille, il fait à nouveau très beau. Mon Lez retourne sagement dans son lit en espérant que les décideurs comprendront enfin que, lui aussi, a parfois besoin d’un peu plus de latitude pour s’épanouir. Bonjour l’incohérence !
Demain, je vous parlerai du Lirou, son affluent.
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