Nous sommes à la veille de la rentrée scolaire de septembre, et l’inquiétude se manifeste au sein des communautés éducatives. Je la lis dans les déclarations des syndicats de personnels et des organisations de parents d’élèves dans la presse nationale. Je la perçois en écoutant les remontées des enseignants et parents de ma circonscription, à Aubervilliers et Pantin. Depuis le début août, les indicateurs épidémiques sont alarmants. Le gouvernement dit craindre une deuxième vague de COVID-19. Les dispositions de prévention sanitaire sont renforcées, dans les espaces publics clos, dans les rues, dans les entreprises. Mais le ministère de l’éducation nationale a publié un protocole sanitaire élaboré en juillet dernier…et qui prévoit d’assouplir les précautions sanitaires ! La distanciation physique, la limitation du brassage ne seraient pas obligatoires, le port du masque de protection ne serait pas systématique. Les acteurs de terrain, enseignants, personnels, parents craignent une rentrée dans l’impréparation générale. J’ai donc posé une question écrite au ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, pour lui demander de clarifier les conditions dans lesquelles se fera la rentrée scolaire, afin de garantir que toutes et tous soient protégés.
Ma question écrite au ministre
Monsieur Bastien Lachaud interroge M. le Ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, sur le protocole sanitaire applicable à la rentrée scolaire de septembre 2020 dans les établissements scolaires, dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Coronavirus Covid-19.
Selon la presse, ce protocole sanitaire, daté du 9 juillet dernier, aurait été transmis aux recteurs d’académie le 20 juillet, sans faire l’objet d’une communication officielle auprès du grand public. Il a été publié ce 7 août 2020 sur le site officiel du Ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Bien que le document soit désormais ouvertement accessible à tous, cette méthode peut interpeller, quand il s’agit d’un sujet de santé publique, d’intérêt général, et qui suscite les interrogations et les craintes de l’ensemble des communautés éducatives de notre pays. Il semble par exemple que certains des corps intermédiaires et instances représentatives, qui auraient pu être associées à l’élaboration du protocole afin de s’assurer de son efficacité ne l’aient pas été, notamment parmi les représentants de parents d’élèves. M. Bastien Lachaud souhaite donc connaître de M. le Ministre les conditions exactes dans lesquelles les mesures envisagées à la rentrée ont été élaborées et diffusées à l’ensemble des échelons concernés.
Au-delà de cette question de méthode, c’est la nature même des mesures prévues qui peut interroger. Il semble en effet que celles-ci tendent toutes à assouplir les précautions sanitaires, afin de permettre partout une reprise des cours pour la totalité des élèves. La distanciation physique ne serait plus obligatoire dans les espaces clos (salles de classes, ateliers, bibliothèques, réfectoires, cantines, internats, etc), ni dans les espaces extérieurs (cours de récréation) « lorsqu’elle n’est pas matériellement possible ou qu’elle ne permet pas d’accueillir la totalité des élèves ». La limitation du brassage entre classes et groupes d’élèves lors des transports scolaires et des activités collectives ne serait pas non plus obligatoire. L’accès aux jeux, aux bancs et espaces collectifs extérieurs, tout comme le partage d’objets (ballons, jouets, livres, etc) serait désormais autorisé. En contrepartie, le port du masque serait obligatoire pour l’ensemble des collégiens et lycéens, à l’intérieur comme à l’extérieur, dans le cas où la distanciation d’un mètre ne peut être respectée. Le port du masque ne serait plus obligatoire pour les personnels à l’école maternelle ; à l’école élémentaire, au collège et au lycée, il ne serait plus obligatoire dès lors que la distance de un mètre peut être respectée. Ces décisions posent question, notamment de la part des représentants de parents d’élèves, dans la circonscription de M. Lachaud, à Aubervilliers et Pantin, comme au niveau national.
Le protocole élaboré au mois de juillet dernier n’est-il pas désormais en deçà des enjeux ? De fait, l’assouplissement des dispositions sanitaires en milieu scolaire interroge, alors même que le Premier ministre, s’exprimant ce 11 août 2020, a fait part des craintes du gouvernement et du conseil scientifique quant à la possibilité d’une reprise et d’une seconde vague de l’épidémie de Covid-19. Cet assouplissement interroge a fortiori, dès lors qu’il semble aller à contre-courant du renforcement des mesures de précaution sanitaire, mis en œuvre par le gouvernement à la fin du mois de juillet et au mois d’août 2020 (obligation du port du masque dans les espaces publics clos puis dans un nombre croissant d’espaces extérieurs, systématisation du port du masque dans les entreprises à partir du mois de septembre 2020). Le Président de la Fédération Nationale des Conseils de Parents d’Elèves (FCPE), M. Rodrigo Arenas, déclarait ainsi à la presse ce 10 août 2020 : « On a l’impression que le ministère de l’Education nationale continue de prendre des décisions un peu en cavalier seul (…) On renforce les gestes barrières et on les accélère parce qu’il y a un regain de l’épidémie mais dans les écoles, apparemment, c’est une autre situation. C’est un peu le village d’Astérix face au Covid-19. » M. Bastien Lachaud partage cette perplexité et souhaiterait avoir les lumières de M. le Ministre à ce sujet.
Certaines dispositions plus spécifiques interrogent particulièrement, notamment concernant la disponibilité et l’usage des masques du protection.
La mise à disposition des équipements de protection soulève des questions. Le protocole sanitaire précise ainsi qu’il « appartient aux parents de fournir des masques à leurs enfants ». Une telle disposition fait fi des réalités économiques. La presse a estimé le coût mensuel de l’équipement en masques chirurgicaux à 200 à 300 euros pour une famille avec deux enfants. Peu de français pourront en supporter le coût – en particulier dans les villes et les quartiers populaires comme dans la circonscription de M. Lachaud, à Aubervilliers et Pantin. La fourniture par les établissements de masques dits « grands publics », pour les enfants qui ne pourraient s’équiper, ne semble pas pleinement suffisante pour pallier à cette difficulté. Le degré de protection offert par ces masques grands publics étant inférieur à celui des masques chirurgicaux, il en résulterait une inégalité entre les élèves équipés de différents types de masques. En outre, dès lors que les masques en tissus doivent être changés toutes les quatre heures pour garantir une protection satisfaisante, l’on peut douter de ce que les établissements disposent toujours de stocks suffisants. Seule la disponibilité et les gratuité généralisée des masques chirurgicaux semble à même de garantir à toutes et tous une protection satisfaisante – M. Lachaud a déposé une proposition de loi dans ce sens au printemps dernier. Il souhaite apprendre du ministre quelles mesures il compte prendre pour garantir que tous les élèves et les personnels – qui, comme tous les salariés, doivent être protégés par leur employeur – disposent des meilleurs équipements possibles.
Les conditions d’usage des masques interrogent également. Le protocole sanitaire pose une alternative entre le respect de la distanciation physique et le port du masque, le second n’étant obligatoire que dès lors que la première ne peut être respectée. Une disposition qui pose question, dès lors que le port du masque est obligatoire dans l’ensemble des espaces publics clos, ainsi que dans certains espaces extérieurs, indépendamment de la distanciation. Pourquoi l’école ferait-elle exception à cette mesure ? L’avancée des connaissances sur la transmission du virus dans l’air semble conduire les experts à préconiser d’appliquer à la fois la distance sociale et le port du masque dans les lieux clos. C’est pourquoi un collectif de professionnels de santé plaidait récemment dans la presse pour le port systématique du masque dans les salles de classe, en rappelant le risque de transmission par aérosol viral. L’on peut aussi s’interroger sur l’exemption du port du masque pour les personnels en maternelle, qui semble reposer sur l’hypothèse d’une faible contagiosité des très jeunes enfants. Une hypothèse que certaines récentes études scientifiques semblent devoir conduire à réviser, affirmant au contraire que les enfants de moins de cinq ans seraient au contraire bien plus contagieux que les enfants plus âgés et les adultes. En tout état de cause, l’absence de consensus scientifique, pourrait légitimement amener à l’imposer le port systématique du masque, au nom du principe de précaution. M. Lachaud souhaiterait donc connaître les études sur lesquelles le ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports s’est appuyé pour élaborer son protocole sanitaire et savoir si ces dispositions pourront faire l’objet d’une révision au vu des études récentes.
A côté des mesures prises, les silences du protocole sanitaire soulèvent eux aussi un certain nombre de questions. Car de nombreuses mesures complémentaires paraitraient nécessaires. Pour ne citer que quelques-unes des pistes évoquées par les syndicats des personnels et de parents d’élèves : un moratoire sur les fermetures de classe à la rentrée de septembre 2020, dès lors que les faibles effectifs sont le meilleurs moyen d’empêcher la propagation de l’épidémie ; la mise à disposition de sanitaires mobiles pour que les enfants puissent se laver les mains à chaque occasion ; une meilleure formation des enseignants, les parents et les enfants aux gestes barrières, mais aussi à l’enseignement à distance, dans l’éventualité d’une reprise de l’épidémie. Autant de dispositions qui n’ont pas manifestement été prises ; a fortiori dans la circonscription de M. Lachaud, en Seine-Saint-Denis à Aubervilliers et Pantin, où les établissements scolaires continuent de manquer cruellement de moyens humains et matériels, une situation pointée de longue date mais face à laquelle les instances responsables demeurent passives. Dans ce contexte, certaines organisations syndicales telles que le SNUipp-FSU envisagent un report de la rentrée afin de permettre aux équipes enseignantes d’organiser au mieux l’accueil des élèves. M. Lachaud souhaiterait apprendre de M. le Ministre quelles mesures il compte prendre pour remédier à la situation présente avant le début de septembre. Il souhaiterait savoir si un report de la rentrée pourrait être envisagé dans le cas où toutes les conditions ne seraient pas réunies.
A la lumière des différentes interrogations soulevées ci-dessus, un flou semble entourer les conditions dans lesquelles se fera la prochaine rentrée scolaire, situation que face à laquelle le président de la FCPE exprimait dans la presse le sentiment qu’il « y a une forme d’amateurisme » de la part des instances responsables de l’Éducation nationale. Un tel flou risque de nourrir la suspicion et de saper la confiance de nos concitoyens dans les autorités compétentes, alors même que toutes les énergies collectives doivent être mobilisées dans la lutte contre l’épidémie. M. Lachaud souhaite donc apprendre de M. le Ministre toutes les mesures qu’il compte prendre pour dissiper les incertitudes, rassurer les communautés éducatives, et faire en sorte que la prochaine rentrée scolaire s’opère dans des conditions sanitaires à même de garantir la sécurité de toutes et tous.
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