La France est un pays de cocagne. Ses entreprises du CAC 40, durant la période 2009/18, ont reversé 71% de leurs bénéfices à leurs actionnaires laissant loin derrière les États-Unis avec 48%. Championnes du monde nous dit donc le rapport de juin d’Oxfam qui nous apprend aussi que sur cette période, tandis que le SMIC progressait de 12%, la rémunération des PDG du CAC 40 s’enflait de 60% et les versements aux actionnaires augmentaient de 70%. Sans qu’il soit besoin pour les entreprises en question de faire des bénéfices : Engie par exemple a versé 6 fois plus de dividendes qu’elle n’a fait de bénéfices dans les dix dernières années.
De quoi rester pantois mais pas sans explications. Les actionnaires profitent d’un « contexte de dévoiement des politiques publiques », qui vont des baisses des taux d’intérêts, de celles des impôts sur les sociétés (supérieurs à 40% dans les années 80 à moins de 25% aujourd’hui), aux crédits d’impôts, aux allègements de « charges »… soit un montant de 140 milliards d’euros, supérieur à la recette totale de l’impôt sur les sociétés et sur la production. Opérations légitimées au nom de « l’investissement » diminué pourtant de 5% sur la période, en partie siphonné en faveur d’un rendement en hausse : de 5,1% à 6,2%… Pas d’argent magique mais du vrai profit accentué par le trading à haute fréquence. Aux USA, en légère avance sur nous, le temps de détention d’une action est passée de plus de 2 ans en 1980 à 22 secondes aujourd’hui. A quoi bon des investissements productifs ?
D’autant que ceux dans les secteurs les plus carbonés demeurent des valeurs sûres, prisés par les banques. Dans un rapport de mai dernier, Greenpeace notait que pour 2018, les dividendes versés par BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, Total et Engie dépassaient les 16 milliards d’euros, « soit le montant du déficit d’investissement annuel dans la transition écologique en France ». 100 € de ces « sales » dividendes versés par exemple par la Société Générale équivalent à 30 aller-retour Paris-New York en avion, ce qui relativise la responsabilité des ménages sur lesquels reposent entièrement la taxe carbone ! « L’inadéquation du néolibéralisme et du capitalisme financier avec les objectifs de l’accord de Paris » est flagrante constate Greenpeace. Et Macron, en zélé serviteur du CAC 40 vient de révéler ses vraies intentions pour le monde d’après en repoussant la taxe de 4% sur les dividendes et en refusant de renégocier le CETA, deux propositions de la Commission citoyenne pour le climat.
Jean-Luc Bertet
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