Ainsi parlait Assa Traoré

samedi 6 juin 2020.
 

Près de quatre ans après la mort d’Adama Traoré, sa famille ne cède pas : elle veut la vérité, la justice. Le 2 juin, une manifestation a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes derrière ce combat. Historique.

Dans l’atmosphère pesante et douloureuse de la crise sanitaire et du début de confinement, les manifestant.e.s du rassemblement devant le TGI ce 2 juin 2020 ont vécu un enthousiasme collectif. À l’appel d’Assa Traoré et du Comité Vérité et Justice pour Adama, 80.000 personnes ont répondu présentes malgré l’interdiction avancée par la préfecture de police. Après les rebondissements de la journée et l’annonce d’une expertise confirmant le rôle du plaquage ventral dans la mort d’Adama, cette manifestation a couronné des années de combat que mène la famille.

Cette foule immense était très jeune et notons-le bien plus racisée que les rendez-vous militants qu’organise en général la gauche. Entassé entre le parvis et le site d’un chantier, chacun pouvait assister aux chants qui prenaient par endroit et se répondaient. Faute de pouvoir écouter le discours d’Assa Traoré ou le chant de Camélia Jordana, celles et ceux qui guettaient au loin affichaient la sérénité d’un devoir accompli. Électrisés par le contexte de révolte aux États-Unis et le meurtre de George Flyod, qu’ils étaient magnifiques ces empêcheurs de tourner en rond. En réclamant sans concession que justice soit faite, le combat Adama est devenu le parangon d’une cause qui le déborde. En fracturant les verrous et les portes qui s’opposent à l’exercice d’un bilan critique du racisme systémique de notre société, ces militant.e.s infatigables sont rentrés en écho avec une génération qui ne veut plus s’astreindre à rester passif ou à demander poliment une solution. « Pas de justice, pas de paix. »

« Les personnes noires, les personnes arabes, les personnes racisées, nous avons le droit de participer à la construction de ce monde, de cette France. Nous avons le droit de participer à la construction de notre propre vie, ils n’ont pas le droit de mort sur nos vies », a déclaré Assa Traoré, acclamée. Ce rassemblement est un avertissement diplomatique et une adresse à notre camp social. Nous ne pouvons plus manquer à l’appel de certains combats que nous avons parfois négligé parfois soutenu du bout des lèvres. Racisme endémique, violences policières, héritage colonial, islamophobie sont des questions fondamentales que soulèvent pas à pas ces mouvements pour la vérité et la justice car ce sont des réalités vécues que notre pays enfouit.

Dans la joie partagée et cette communion collective entachée seulement par la provocation policière de l’interdiction et d’un gazage gratuit, nous avons pourtant vécu un moment précieux d’optimisme. L’on s’y est retrouvé entre camarades séparés par nos chemins politiques et l’on s’y est perdu au milieu d’inconnus, d’une relève à la rage digne et à la détermination intacte. Hier, s’est écrite une étape indispensable des luttes, et la période appelle avec force à de semblables succès.

Elsa Faucillon et Clémentine Autain


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