Les règles menstruelles sortent du domaine de la seule intimité

vendredi 28 février 2020.
 

Sujet occulté, gênant, voire tabou, les règles sortent du domaine de la seule intimité pour entrer dans celui du politique. Un rapport parlementaire présenté par les députées Laëtitia Romeiro Dias (LRM) et Bénédicte Taurine (LFI) a été publié le 11 février. Il consigne 47 recommandations pour “la déconstruction des tabous”, agir pour que les règles soient moins génératrices “d’angoisses et de souffrances”.

Parmi ces prescriptions : rendre plus transparente la composition des protections périodiques, favoriser leur distribution gratuite aux femmes en situation de précarité, informer et éduquer dès le plus jeune âge, “lancer une grande campagne d’information dès la classe de 6e en dissociant d’abord ce sujet de l’éducation à la sexualité”…

On se souvient que l’abaissement de la TVA à 5,5 % sur les protections périodiques, autrefois taxées à 20 %, avait d’abord été recalé à l’Assemblée nationale avant d’être adopté au Sénat, et d’entrer en vigueur le 1er janvier 2016. La “précarité menstruelle” est maintenant devenue un sujet politique et économique, si bien qu’un amendement au projet de loi de finances, fin 2019, a consacré un budget d’un million d’euros à la lutter contre.

Comme le rappelle la professeure de science politique Camille Froidevaux-Metterie dans Le Corps des femmes. La bataille de l’intime (Philosophie magazine Éditeur, 2018), “au XVIe siècle, les règles se disaient catimini, du mot grec katamênia désignant les menstruations (pluriel substantivé de katamênios, de chaque mois). Nous en avons conservé l’expression qui désigne ce que l’on fait de façon dissimulée ou hypocrite. Pourtant ce sang est aussi la production corporelle la plus têtue ; chaque mois, pendant plus de quarante ans, chaque femme saigne, toutes les femmes saignent. Comment a-t-il pu se faire qu’une expérience aussi universelle, aussi banale, aussi nécessaire même dans sa raison d’être physiologique échappe ainsi à toute représentation et à toute considération ?”

L’explication ne tient plus ni à la tradition ni aux coutumes. Elle est sociale et commerciale, liée aux injonctions publicitaires et à l’action des marques de protections hygiéniques, qui laissent penser que les menstruations doivent être indétectables pour être acceptables. “C’est ainsi que les femmes souscrivent à ce que la philosophe américaine Iris Marion Young appelle ‘l’étiquette menstruelle’, soit un ensemble de prescriptions relatives aux conduites et aux produits qui leur permettent de faire “comme si” elles n’avaient pas leurs règles.”

Les nouvelles dispositions législatives sont-elles le signe d’un changement culturel, social et des mentalités ? Alors qu’une marque de serviette a décidé – mais en 2019 seulement – de mettre fin à l’hypocrisie en troquant le bleu pour le rouge, lorsqu’il s’agit de représenter le sang des règles, il semble “que le temps de la dissimulation et de la honte en arrive à son terme” comme le souligne Camille Froidevaux-Metterie.

Pour l’universitaire, en s’appropriant le contrôle de leur règles – entre la possibilité de les faire cesser chimiquement ou de réinvestir au contraire leur signification – les femmes échappent à “des millénaires d’asservissement aux rythmes de la nature” : “au regard de l’histoire, c’est une rupture anthropologique majeure.”


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