Emmanuel et Brigitte Macron reçoivent chaleureusement l’ultra-droite royaliste à l’Elysée. Qu’en penser ?

mardi 18 février 2020.
 

Dirigeant de l’Action Française il y a encore quelques mois, nostalgique de Pétain et de la collaboration, adepte de Charles Maurras et de son "antisémitisme d’Etat", Elie Hatem a été reçu par Emmanuel et Brigitte Macron, qui l’a manifestement trouvé sympathique. C’est inacceptable.

1) Emmanuel Macron, royaliste caché dans sa vision de la présidence et saint simonien affiché pour la société ? (Jacques Serieys)

Bien avant d’être élu président de la République, Emmanuel Macron avait donné un entretien à la Revue "Le 1" le 8 juillet 2015, d’un haut niveau intellectuel mais relevant aussi d’une cohérence réactionnaire du pouvoir personnel fort, faisant du Roi, l’absent indispensable que le 1er et le 2d empire ont essayé de remplacer puis Charles De Gaulle. Maurice Duverger avait caractérisé la 5ème république comme une "monarchie républicaine" ; Emmanuel Macron confirme et veut s’installer sur ce fauteuil de président-roi.

La démocratie s’incarne toujours de manière imparfaite, à des moments historiques, dans des formes plus ou moins violentes et antagonistes... Personne n’adhère à la démocratie. Sauf ceux qui ne l’ont pas. La vraie difficulté aujourd’hui, c’est que le concept est vide et laisse place à des prurits identitaires toujours plus forts...

La démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude, car elle ne se suffit pas à elle-même. Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du Roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le Roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu.

Nous vivons un moment de tâtonnement démocratique. La forme démocratique est tellement pure et procédurale sur le plan théorique qu’elle a besoin d’incarnation momentanée : elle doit accepter des impuretés si elle veut trouver une forme concrète d’existence. C’est la grande difficulté. Nous avons une préférence pour les principes et la procédure démocratiques plutôt que pour le leadership. Et une préférence pour la procédure délibérative postmoderne plutôt que pour la confrontation des idées au réel. Or, si l’on veut stabiliser la vie politique et la sortir de la situation névrotique actuelle, il faut, tout en gardant l’équilibre délibératif, accepter un peu plus de verticalité. Pour cela, il faut proposer des idées. Si l’on est en capacité, grâce à des propositions, d’expliquer vers quelle société on veut aller, c’est-à-dire vers une République plus contractuelle et plus européenne, inscrite dans la mondialisation avec des formes de régulation qui correspondent à la fois à notre histoire et à nos souhaits collectifs, alors on peut mobiliser...

L’Alliance royale a parfaitement analysé cette confession « Le ministre pose pertinemment la question de la légitimité politique de la république et parle d’un périmètre politique laissé vacant par le chef d’État républicain depuis De Gaulle. »

Il serait trop long de critiquer ici en détail les propos philosophiques d’Emmanuel Macron sur la démocratie et la république. Je signale seulement un point. A mon avis, le grand absent du système politique français depuis la fin de la royauté, c’est le peuple qui n’est appelé que momentanément à élire des représentants dont la figure est aujourd’hui l’insigne vacuité de la grande majorité des députés LREM, symboles terribles d’une démocratie représentative laissant toute sa place au pouvoir personnel du président.

3b) Emmanuel Macron adoubé par Philippe de Villiers

Un an après cet hymne à la royauté, Emmanuel Macron s’est rendu au Puy du Fou assister au spectacle et féliciter Philippe de Villiers en tant qu’"entrepreneur culturel"

Le baron vendéen n’a pas manqué de discuter avec lui puis de féliciter le jeune ministre de l’Economie « Je pense qu’il y a pour M. Macron, devant lui, un avenir pour conduire toute sorte de char", a poursuivi le fondateur du MPF. Emmanuel Macron, "c’est quelqu’un qui est ouvert au monde de l’entreprise (...) et doté d’une qualité de plus en plus rare, c’est la curiosité", a estimé Philippe de Villiers. »

La revue Le Point titre « Emmanuel Macron, plus royaliste que socialiste » et poursuit « Ce qui manque à la France ? Un roi ! C’est ce qu’affirmait le ministre de l’Économie de Manuel Valls dans un entretien paru il y a tout juste un an. Sa petite phrase du jour, qui plus est prononcée au Puy du Fou au côté d’un Philippe de Villiers goguenard, va encore faire jaser dans le landerneau politique : "L’honnêteté m’oblige à vous dire que je ne suis pas socialiste !"... Selon le jeune ministre de l’Économie de François Hollande, le peuple français n’a pas vraiment voulu décapiter Louis XVI. Et depuis, la personne royale demeure la grande absente du système politique français. »

3c) Le roman national vu par Emmanuel Macron

Les références historiques ne sont jamais neutres, particulièrement pour une personnalité politique.

En mars 2017, Emmanuel Macron candidat, est reçu par La Fabrique de l’histoire. Il défend sa propre vision de la "vraie identité française", du nécessaire "roman national". "Dans le roman national, il y a des grands repères qui aident à construire notre appartenance à la Nation, qui sont le rapport à notre Histoire et à ses grandes figures que sont les Clovis, les Jeanne d’Arc etc."

En décembre 2018, en pleine crise des Gilets jaunes, la parole d’Emmanuel Macron est attendue. Au-delà de quelques mesures, il développe une analyse de le crise sociale comme une crise d’identité de la nation française d’où la nécessité de « rebâtir un roman national ».

Il donne donc un rôle central à l’homogénéisation identitaire du peuple français au travers de son histoire.

Ses différents écrits, interviews et discours de ces dernières années sont cohérents sur un point : il refuse de revendiquer la période politique 1792 1794 dans son roman national. Il se réclame donc de la même tradition que Nicolas Sarkozy. Il se place même à droite de républicains nationalistes libéraux comme Clémenceau pour lesquels "la révolution est un tout".

En excluant de ses références l’abolition de la royauté, l’avènement de la République, la Constitution de l’An1, la naissance d’un enseignement public obligatoire et gratuit, la naissance des droits sociaux sa philosophie est parfaitement intégrable par la droite et même tolérable par de nombreux royalistes.

Dans son ouvrage passionnant "Jacobins ! Les inventeurs de la République", Alexis Corbière résume parfaitement la question.

3d) Emmanuel Macron, royaliste caché dans sa vision de la présidence et saint simonien affiché pour la société

Emmanuel Macron intègre lie sa rapport non républicain au « roman national » à une vision libérale saint-simonienne du passage d’une hiérarchie de naissance à une hiérarchie de "compétences" et de fonctions dans la société industrielle.

Ceci dit, cette vision de droite est complétée par une revendication de filiation historique saint simonienne qu’il ne faut pas sous-estimer. La Révolution française serait un moment fondateur pour passer d’une société fondée sur une classe dominante de naissance à une société industrielle, une hiérarchie de talents où notre pays serait administré par ses membres les plus compétents particulièrement les industriels. « J’accepte tout à fait cette filiation comme j’accepte la filiation avec un libéralisme politique français. » La révolution française comme fondateur, oui, à condition d’en exclure Robespierre promoteur de "la vertu comme une promesse intenable."

Jacques Serieys

2) L’avocat d’extrême droite Elie Hatem a-t-il été invité par Emmanuel Macron à l’Elysée ? (Libération, extrait)

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Ces photos sont authentiques. De sources concordantes, elles ont été prises le 8 novembre au soir. Toutefois, Elie Hatem n’était pas l’invité principal de cette soirée.

Ce jour-là, Emmanuel Macron a reçu à l’Elysée, pour les décorer, les acteurs Robert Hossein et Jean-Paul Belmondo, et le couturier Ralph Lauren. Différents clichés de cet événement existent sur Instagram.

Il est également fait allusion à cette cérémonie dans l’agenda du Président et de la première dame, mais respectivement sans mention des récipiendaires, et sans précision de la date...

Elie Hatem, qui s’affiche volontiers au côté de Jean-Marie Le Pen sur son profil Facebook, est un fervent défenseur de l’écrivain antisémite Charles Maurras. Au mois de mars, Libération racontait comment les royalistes de l’Action française avaient pris leur distance avec le Franco-Libanais : « Elie Hatem est aussi proche de personnes ouvertement racistes. Ainsi, il était prévu au programme d’une conférence réunissant le 19 janvier à Paris les pires figures de l’antisémitisme, telles que Hervé Ryssen, auteur "anti-Juifs", Jérôme Bourbon, directeur de l’hebdo négationniste Rivarol, Yvan Benedetti, animateur du groupuscule pétainiste Jeune Nation, ainsi que le multicondamné pour incitation à la haine raciale Alain Soral. Elie Hatem n’est finalement pas venu "pour des raisons d’emploi du temps".

Source : https://www.liberation.fr/checknews...

3) L’UEJF dénonce la venue d’Elie Hatem à l’Elysée (extrait)

https://www.facebook.com/watch/?v=6...

« Comment est-ce possible Emmanuel Macron qu’Elie Hatem, ancien membre de l’Action Française, fervent défenseur de Charles Maurras et complotiste d’extrême droite, puisse être reçu à l’Elysee avec les honneurs ? », a écrit l’association anti-raciste.

Professeur de droit, avocat, ex-conseiller de Jean Marie Le Pen et ancien cadre de l’Action française, l’homme est une figure de l’ultra-droite...

Fin janvier, des militants de l’UEJF avaient perturbé un cours de droit donné par Elie Hatem à Bobigny. Un mois plus tard, l’université Paris-13 se séparait de son professeur.

« Vous faîtes partie d’un mouvement antisémite, un mouvement qui soutient Charles Maurras. Est-ce que vous êtes proche d’Alain Soral, de Serge Ayoub, de Fréderic Chatillon ? », l’avait questionné Sacha Ghozlan, alors président de l’UEJF.

A cette liste de figures à l’antisémitisme éprouvé, et parfois condamné par la justice, Elie Hatem, sarcastique, avait répondu : « Et de Jean-Marie Le Pen ! ».

Sacha Ghozlan avait alors expliqué qu’Elie Hatem « a participé à beaucoup de conférences ces derniers mois, des conférences où il rend hommage à Pétain, où il appelle à appliquer intégralement les théories de Charles Maurras, donc des propos assez virulents ».3a) Il veut pour la France un pouvoir personnel "vertical" de type "figure du Roi"

4) Devant les députés LREM le 11 février 2020, Macron invoque Maurras pour parler du régalien

https://www.lemonde.fr/politique/ar...

Lors d’une rencontre à l’Elysée, le chef de l’Etat a évoqué le « pays légal » et le « pays réel », distinction théorisée par le dirigeant de l’Action française durant la première moitié du XXe siècle.

En septembre 2019, Emmanuel Macron réclamait aux députés de sa majorité de « regarder en face » le sujet de l’immigration. Mardi 11 février, il leur a demandé d’ajouter à leur panier les sujets de l’insécurité et du « séparatisme ». Des questions que l’Elysée estime prioritaires afin que le chef de l’Etat ne se retrouve pas submergé par le Rassemblement national (RN) en 2022. Pour convaincre ses troupes de l’urgence, le président de la République a usé d’une rhétorique pour le moins surprenante de la part du héraut revendiqué du progressisme.

« Le problème qu’on a politiquement, c’est qu’on a pu donner le sentiment à nos concitoyens qu’il y avait un pays légal et un pays réel, et que, nous, on savait s’occuper du pays légal – moi le premier –, et que le pays réel ne bougeait pas. Sur le sujet de la sécurité, en premier chef, il faut faire bouger le pays réel, a estimé Emmanuel Macron devant les députés de sa majorité, réunis à l’Elysée. L’insécurité, c’est le sentiment d’insécurité. Il faut y aller, s’investir sur le terrain, faire bouger les choses, faire aboutir ce Livre blanc [sur lequel travaille le ministère de l’intérieur]. Après, sur certains points, il faut faire bouger le droit. Sur le sujet immigration, sécurité du quotidien, lutte contre les séparatismes, je souhaite qu’on puisse [les] réinvestir, avec des initiatives parlementaires et avec une stratégie d’ensemble. » « Plan de reconquête républicaine »

Charles Maurras, penseur nationaliste et dirigeant de l’Action française, avait théorisé durant la première moitié du XXe siècle cette distinction entre « pays légal » et « pays réel ». Une manière d’opposer des élites nécessairement déconnectées à un peuple en prise avec le « réel ». Aujourd’hui encore, cette notion de « pays réel » est régulièrement convoquée à l’extrême droite. En reprenant à son compte ce vocable, Emmanuel Macron entend montrer qu’il serait à l’écoute des catégories populaires – en partie séduites par le RN –, contrairement à l’image qui lui est accolée depuis le début du quinquennat. En septembre 2019, M. Macron avait utilisé le même argument pour justifier sa volonté de se saisir du sujet migratoire. « Les bourgeois n’ont pas de problème avec ce phénomène parce qu’ils ne les croisent pas. Les classes populaires vivent avec ça », avait-il justifié devant les parlementaires de la majorité.

5) Elie Hatem en bonne compagnie avec Jean-Marie Le Pen

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6) En majesté à l’Elysée avec le président de la République française

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6) En discussion avec le président de la République française

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