SNCF : Mettons le climat sur les rails !

mercredi 16 octobre 2019.
 

La crise climatique préfigure déjà d’un effondrement du vivant qui entraine à son tour une crise civilisationnelle profonde et durable. Mais, à rebours des nécessités, la politique du « tout camion » se poursuit : actuellement 85% du transport des marchandises en France est effectué par des poids lourds qui consomment 94,1% des énergies fossiles quand le train ne dépasse pas 1,8% !

La complémentarité des modes de transports devrait pourtant conduire à revoir en profondeur l’approche des transports de masse. Ce n’est pas le choix effectué depuis 30 ans par les gouvernements successifs. Tous se sont attaqués au modèle durable du train pour en faire aujourd’hui une variable libérale, qui opère loin de l’intérêt général, sa mutation vers un système exclusivement productif, socialement précaire. La réglementation nationale et européenne a permis, dans les transports routiers, une véritable casse sociale sur fond de dumping avec les salariés des pays voisins, mais aussi une négation absolue des effets de ce mode de transport en terme de pollution, d’encombrement des voies de circulations, d’accidents etc… Une réglementation qui profite au lobby routier, surtout étranger, avec la généralisation des poids lourds de 44 tonnes, le cabotage (possibilité pour un transporteur étranger d’assurer du fret en France et sur courte distance), le transit des poids lourds qui traversent le territoire national pour livrer leur marchandise dans d’autres pays, et représentent 13,6% des transports sur le territoire, supérieur à la part totale du fret ferroviaire de 9,9% !

Fret ferroviaire sacrifié

Les transports de marchandises sont essentiellement réalisés par la route. La part modale (route vers rail) du transport de Fret a diminué de 22,6%, passant de 9,2 milliards de tonne-km en 2008, à 7,5 en 2016. Le report modal rail-route s’effectue, soit par containers, soit par combiné semi-remorque. Dans les deux cas, cela nécessite des infrastructures et des matériels spécifiques, confère le système Modalor (wagon spécial pouvant accueillir un PL complet tracteur+remorque) dont l’infrastructure se trouve à Aiton en Savoie. Cette part essentielle de transport combiné diminue, consécutivement à l’effondrement du fret ferroviaire. Ainsi sur les 334,8 milliards de tonnes de marchandises transportées par km en France, la part du train est de seulement 32 milliards de tonne-km. Cela représente 9,9% du trafic, c’est une baisse de volume de fret ferroviaire de 21% sur la période 2006 à 2016. La part du transport routier quant à elle, s’élève à 287,7 milliards de tonnes au km soit 85% des marchandises transportées.

En France il y a eu d’abord le 7 mars 2003 l’ouverture du transport international de Fret, puis le 31 mars 2006 l’ouverture du transport interieur de Fret, ce qui a conduite à une destruction du fret ferroviaire. Ce processus sert aujourd’hui de laboratoire à la libéralisation totale de la SNCF et particulièrement du transport de voyageurs. L’exigence d’austérité soumise à l’opérateur public pour absorber une dette dont la nation est comptable va conduire la SNCF à scier la branche du Fret et à produire années après années un empilement de réformes destructrices pour le secteur du train et ses salariés.

En à peine 10 ans la SNCF est passé de 350 à environ 1000 filiales (développement à l’international, ou encore de l’intelligence artificielle, du TGV etc). La SNCF fait figure de start-up qui n’hésite plus à investir dans des produits à fort rendement en dépensant de manière démesurée dans la communication, c’est en tout cas ce que relève la cours des comptes, en 2013 (rapport sur la communication SNCF), ou encore en 2014 (rapport sur le train de vie du TGV). En même temps le réseau secondaire est négligé ce qui est désastreux, comme le confirmera le ministre socialiste, Cuvillier en octobre 2013 … Tout cela avec une dette qui continuera de courir pendant que les trains payeront à prix d’or le droit de circuler sur « des sillons » (péages).

Réseau rabougri

La casse du fret a commencé par la mise à mort de la gestion des wagons isolés. Ce sont, quotidiennement, des milliers de wagons acheminés chez les clients qui ne peuvent affréter un train entier, cette structuration nécessitait de nombreux faisceaux de triages sur l’ensemble du territoire qui sont aujourd’hui, pour la plupart d’entre eux, à l’abandon ou en sursis ! Des grands espaces rouillés qui aiguisent les appétits financiers du secteur immobilier. Désormais le réseau ferroviaire français atteint 28 000 kms contre 40 000 en 1950 et continue de fondre sous la chaleur des mauvais choix politiques.

Le fret ferroviaire continue sa longue agonie, le transport combiné ne connait pas d’essor, malgré un engorgement et une pollution exponentielle et particulièrement dans les vallées Pyrénéennes et Alpines. Le fret ferroviaire ne représente plus que 10% des transports de marchandises, quand il était de 75% en 1970 et les camions représentent 85% du trafic.

Le dogme de la concurrence libre et non faussée s’impose à l’État, à la politique, à l’intérêt général ! En 2014 le gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayrault, puis de Manuel Valls, validait la fermeture de 7500 kms de lignes ferroviaires ! Le gouvernement d’Édouard Philippe a poursuivi en février 2018 en annonçant, après la remise du rapport Spinetta sur l’avenir du transport ferroviaire, la fermeture de 9 000 kms de lignes de type UIC 7 à 9, des voies de service et faisceaux de triages pour le fret et les petites lignes à faible trafic voyageur.

Le Gouvernement Macron a scellé le destin funeste de la SNCF qui deviendra dès le 1er janvier 2020 une Société Anonyme (SA) à capitaux publics comme en 1937 !

Quant à savoir, dans la concurrence libre et non faussée, la place du Fret ferroviaire déjà exsangue, il suffit d’observer la dépense totale des transports !

En 2016 elle était de 386 milliards d’euros, soit 17,3% du PIB. 73,4% de la dépense est dirigée vers les transports routiers, quand seulement 7,1% vont au ferroviaire, 6,3% pour l’urbain, 7,3% pour l’aérien et 5,9% pour le fluvial et maritime. Le secteur privé, dont les concessions autoroutières bénéficient outrageusement de la richesse publique ! Dans ces proportions le sauvetage écologique est aussi crédible que celui, raté du train Perpignan-Rungis ou encore l’arrêt définitif de l’auto-train le 14 décembre 2019 ! Ces deux grands malades de la libéralisation éloignent un peu plus les espoirs d’un transport ferroviaire vertueux au profit de l’intérêt général humain.

Bernard Borgialli


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