Les textes budgétaires pour 2019 cochent toutes les cases d’un budget de recul social alors que les inégalités de revenus et de patrimoine atteignent des sommets.
Comme beaucoup d’observateurs l’ont noté, l’antiphrase est reine en Macronie. Dans son discours au Congrès versaillais du 9 juillet dernier, le chef de l’État en exercice déclarait « n’aime[r] ni les rentes, ni les privilèges », être « obsédé par les inégalités de destin » et soucieux d’élever l’éducation au rang de « combat de notre siècle ». Rien de moins.
Las, les textes budgétaires pour 2019 que nous proposent le banquier d’affaires et ses équipes – le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale – sont à l’opposé de ces pétitions de principe.
On pourrait même dire qu’ils cochent toutes les cases d’un budget de recul social alors que les inégalités de revenus et de patrimoine atteignent des sommets, avec :
la suppression de plus de 2 000 postes dans l’Éducation nationale, alors que la France apparaît dans les classements internationaux comme la championne des inégalités scolaires -et donc des inégalités tout court ;
le gel des prestations sociales (retraites du régime général, allocations familiales, logement) qui n’augmenteront que de 0,3 %, soit nettement moins que l’inflation (1,3-1,6 %) ;
l’augmentation des taxes sur le tabac, le diesel et l’essence qui pèsent massivement sur les petits revenus, déjà frappés par les hausses ininterrompues des tarifs réglementés du gaz (merci les privatisations).
Cerise sur le gâteau, les excédents de la Sécurité sociale, fruits des efforts des cotisants travailleurs et assurés, commencent d’être transférés au budget général. En d’autres termes, ils vont servir à financer les cadeaux faits aux plus riches : après 2018, la suppression de l’ISF et le plafonnement de la taxation des revenus du capital (à 30 % quand la tranche supérieure de l’IR est de 45 %), le gouvernement et sa majorité prévoient pour 2019 la pérennisation du CICE et une baisse de l’impôt sur les sociétés de 33 à 31 % pour les plus grosses entreprises, soit 20 milliards d’euros de réductions d’impôt supplémentaires.
Voilà pour le plat principal, qui n’exclut pas quelques accompagnements tels que la simplification du dispositif Dutreil permettant aux chefs d’entreprise de transmettre leur patrimoine en quasi franchise de droits, ou l’abandon sous un prétexte fallacieux de la promesse d’augmentation des droits de succession.
Ces mesures constituent évidemment une abomination sociale, à rebours des idéaux d’égalité des chances et de solidarité qui fondent sur le papier le Pacte républicain. Mais elles relèvent également d’une cécité économique : dans un contexte de croissance ralentie, alors que plusieurs voisins et non des moindres activent des plans de relance keynésiens, l’exécutif français, qui avait déjà annoncé le gel du point d’indice dans la Fonction publique, continue sa ponction 2019 du pouvoir d’achat des ménages.
Et s’ingénie à la masquer ! Alors que le ministère de l’action et des comptes publics se targue de 6 milliards d’euros « rendus » aux Français, les experts économiques – OFCE en tête – n’ont guère de difficulté à corriger le mensonge : les gestes en direction des consommateurs mentionnés par l’exécutif pour l’année à venir n’atteignent que 3,5 milliards d’euros, voire seulement 1,7 *.
Reconnaissons au moins à l’exécutif un mérite : celui de la cohérence. Ces projets budgétaires s’inscrivent dans la droite ligne de la logique (l’idéologie ? le credo ?) du ruissellement. L’année 2019 s’annonce comme particulièrement faste pour les « premiers de cordée » avec le lancement des nouvelles privatisations, et les dizaines, voire les centaines de millions d’euros de fonds publics associés qui tomberont dans l’escarcelle des banques d’affaires et cabinets d’avocats autorisés à « tremper » dans ces opérations.
Tant pis si, dans le même temps, la loi PACTE en discussion ne comporte aucune mesure d’envergure en faveur des PME, qui sont pourtant le nerf de la croissance et des créations d’emplois : comme les chômeurs, les bas revenus et autres laissés-pour-compte de la start-up nation (90 % de la population quand même), et comme les héros de Beckett, elles attendront.
* Matthieu Plane, « Quel impact direct des mesures socio-fiscales sur le pouvoir d’achat en 2019 ? », OFCE - Le Blog, 20 septembre 2018.
Arno Lafaye-Moses
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