Congrès des maires ruraux : "On a oublié que la France n’est pas qu’urbaine, elle est aussi rurale. Il faut changer de lecture"

lundi 8 juillet 2019.
 

Le président de l’association des maires ruraux de France, Vanik Berberian, dit attendre "un signal fort en direction des territoires ruraux" de la part du gouvernement.

"Les choses sont décidées à Paris par une petite poignée de gens qui se considèrent comme avertis et qui imposent leurs choix sans tenir compte de l’avis des élus locaux", a regretté samedi 22 septembre sur franceinfo Vanik Berberian, président de l’association des maires ruraux de France, dont le congrès se tient ce week-end à Saint-Léger-les-Mélèzes, dans les Hautes-Alpes.

"On a beaucoup fait pour le développement des métropoles, on a oublié que la France n’est pas qu’urbaine, elle est aussi rurale. Il faut changer de lecture", estime Vanik Berberian, qui parle d’un "décalage entre les attentes, les besoins, et les propositions qui sont faites".

franceinfo : Des maires de Dordogne proposent de ne pas transmettre les résultats des élections européennes pour se faire entendre. C’est une action que vous défendez ?

Vanik Berberian : On va étudier la question demain. Je pense qu’il est important que nous ne nous mettions pas dans l’illégalité. On doit pouvoir trouver une réponse qui arrive au même résultat sans nous mettre en porte-à-faux. Le propos n’est pas de refuser de donner les résultats mais de les laisser à disposition des gendarmes dans les mairies. C’est-à-dire que ce serait à eux de venir chercher les résultats.

Le monde rural n’intéresse pas le gouvernement ?

On a eu l’exemple récemment en juillet avec la compétence eau et assainissement qui a été transférée obligatoirement aux intercommunalités. Et ce n’est pas faute d’avoir informé les missions parlementaires et le gouvernement que le fait de transférer obligatoirement cette compétence ne signifiait pas que le service serait mieux rendu dans des prix plus intéressants pour le citoyen et qu’on risquait d’avoir ici ou là des impératifs techniques qui pouvaient s’y opposer. Malheureusement nous n’avons pas été entendus. Cela veut dire que le nouveau monde qu’on nous annonçait fait exactement comme l’ancien. Les choses sont décidées à Paris par une petite poignée de gens qui se considèrent comme avertis et qui imposent leurs choix sans tenir compte de l’avis des élus locaux. C’est proprement inacceptable.

Vous avez récemment rencontré Emmanuel Macron. Est-il le président des villes ?

Je ne partage pas cette opinion. Mais c’est vrai que nous attendons un signal fort en direction des territoires ruraux, signal que nous n’avons pas encore vu dans la politique du gouvernement. Si je prends l’exemple de la mobilité, un sujet essentiel dans les territoires ruraux, on a eu l’épisode des 80 km/h, on a les taxes sur le carburant qui augmentent, le montant des contrôles techniques qui augmente. Et qu’est-ce qu’on a comme réponse ? On nous parle du plan vélo. Le plan vélo c’est sympathique, mais c’est pour les villes. Il y a un décalage entre les attentes, les besoins, et les propositions qui sont faites.

Qu’attendez-vous du ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, présent à votre congrès ?

Ce que nous attendons, c’est qu’il soit entendu. Jacques Mézard est quelqu’un qui connaît bien la ruralité, il a été sénateur du Cantal, malheureusement il a peu d’audience dans son environnement. Il y a la question de la responsabilité de l’État dans toutes ces histoires-là. On parle des élus, du gouvernement, du Parlement. On ne parle jamais du rôle de l’État, et l’État dans bien des domaines tient le porte-plume et rédige les textes. On ne peut pas continuer comme ça à décider depuis Paris ce qui convient ou pas.

Vous êtes maire de la commune de Gargilesse, dans l’Indre. Vous avez l’impression de ne plus assumer vos responsabilités ?

C’est devenu très difficile. Le propos n’est pas d’interdire un transfert de compétences à l’intercommunalité. Le propos est de laisser libres les conseils municipaux de ce qu’ils transfèrent ou non à l’intercommunalité. Et jusqu’à maintenant on n’y parvient pas. Il y a une sorte de lecture dogmatique des choses qui consiste à tout vouloir concentrer vers le pôle urbain de la strate supérieure, et mécaniquement cela veut dire que l’échelon de proximité est affaibli, et cela pose un problème de démocratie locale.

Est-ce que l’aménagement du territoire a été raté ? Le redécoupage des régions a été une erreur ?

Cela ne date pas d’aujourd’hui. C’est raté depuis trente, quarante, cinquante ans en réalité. On peut faire le parallèle avec ce qui se passe à la SNCF aujourd’hui. On a eu le développement de la mobilité de métropole à métropole. Cela a donné le TGV, qui est effectivement une prouesse technique. Mais la réalité, c’est que cela a coûté tellement cher qu’on a délaissé les autres lignes, qu’aujourd’hui on appelle "secondaires", ce qui en dit long sur la manière dont les choses sont considérées. On peut faire le parallèle avec l’aménagement du territoire. On a beaucoup fait pour le développement des métropoles, on a oublié que la France n’est pas qu’urbaine, elle est aussi rurale. Il faut changer de lecture.


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