Un homme à la mer... Bernard Giraudeau

jeudi 22 juillet 2010.
 

Il est mort hier matin. Il a mis le cap sur ailleurs. Et comme la nouvelle est encore un peu fraiche pour écrire l’émotion, reprenons simplement ce qui était publié ici il y a un peu plus de trois ans (déjà ? …). Entre temps, il a lutté, il a décrit ce combat, il a aidé d’autres à mener la même bataille, et toujours, toujours, ce regard, cette passion… Juste un humain, c’est réconfortant de se dire que ça existe encore. Ciao marin…

Bernard Giraudeau nous fait un cadeau, son dernier roman.

Giraudeau, c’est cet acteur magnifique, ce talent de conteur aussi qui nous emmène là où même dans nos rêves nous n’avions pas osé aller. Tout au début, Giraudeau, on le prenait pour un joli garçon sans trop d’épaisseur, quelque chose entre le jeune premier et le sportif de la plage.

Et puis est arrivé ce film « Deux hommes dans la Ville », de José Giovanni. Un réquisitoire implacable contre la peine de mort et les dérives de la justice. On ressortait de là abolitionniste, ou alors, c’est que quelque chose était détraqué dans notre coeur. Entre Delon et Gabin (parfaits tous les deux, sans blague) explosait un garçon exalté, engagé. Giraudeau, donc. On se disait alors qu’il y avait derrière ces yeux, ce sourire, une profondeur qui finirait bien par percer. Alors il y a eu tous ces films, des bons et des moins bons. Mon chouchou ? Le Fils préféré de Nicole Garcia. Il joue un professeur homosexuel. Bouleversant. Et il y a eu aussi ce qu’il a tourné comme réalisateur. Vous vous souvenez, les « Caprices d’un fleuve » une espèce d’hymne d’amour au Fleuve Sénégal, sur fond d’esclavagisme et d’esprit des Lumières. Un morceau d’humanité dans un monde sans douceur.

Et puis, depuis quelques années, il y a l’écrivain. Ça a commencé par l’histoire qu’il a offerte à son copain Roland, bloqué en chaise roulante, il voyageait « pour lui », ça s’appelle le Marin à l’Ancre -à l’encre aussi, bien sûr...- Il lui raconte le monde, comme il le voit, comme il voudrait le partager avec lui, des histoires d’hommes, qui parlent des femmes, et qui parlent aux femmes aussi, eh ! Ensuite les Hommes à terre. Des marins, bien sûr, comment en douter, il a fait tant de fois le tour du monde. Encore des histoires qui t’embarquent, qui te bercent de saveurs et d’embruns, des histoires d’hommes avec des femmes, toujours. Et cet autre que j’aime particulièrement, si vous avez un enfant dans votre vie, offrez-lui ça, vous verrez, ça marche à tous les coups.

Les Contes d’Humahuaca. Il était dans les Andes, pour je ne sais trop quel raid ou quel tournage, et il rejoignait ses enfants comme ça, en leur écrivant des contes, des contes de là-bas, avec les couleurs, et les parfums, et la musique. Vous voyez bien que cet homme-là est indispensable aux terriens, aux pauvres terriens ! Sans compter qu’il a aussi fait des guides pour les randos, le GR 20, comme un pro qu’il est dans ce truc-là aussi. Tu vois, tu pars sur le sentier, avec tes gros souliers que tu as achetés exprès pour, et ton petit Giraudeau dans la poche, pas besoin d’accompagnateurs, et d’ailleurs, rien que de le lire, déjà tu voyages !

On n’oublie pas non plus le Giraudeau engagé, cette année, je ne sais pas, il avait peut-être d’autres chats à fouetter, mais je me souviens de sa présence sur une liste de soutien à Mitterrand. Alors là, le petit dernier, je l’ai dévoré en une nuit. Comme ça, d’une traite. Et comme on dit, ça décoiffe. Entre temps, le bonhomme a échappé à la maladie, deux fois, ça calme le marin, on dirait, et le baroudeur avec.

Déjà le titre tu comprends qu’il y a eu un tournant : les Dames de nage. On s’éloigne des hommes, dîtes donc... Tout le roman tourne autour des femmes, de ces femmes uniques qu’on rencontre, qui laissent leur trace au cœur des hommes, à moins que ce ne soit le contraire, allez savoir, avec ce type-là, tout est possible. En sortant de ces pages, vous vous demanderez si tout ça est vrai, si elles existent, s’il les a rencontrées, -on a envie de dire oui- ou bien c’est du roman, justement, et peut-être les trois héros (Marc, Michel, Diégo) sont-ils simplement les trois faces d’une même vie, dont on se dit que ce serait bien si...

Ce gars-là s’est sauvé de la mort juste pour nous offrir ce bouquin extraordinaire. Ce gars-là a tout compris, jusqu’à la couverture de tous ses livres, aux Éditions Métailié, une couverture douce au toucher, douce, vous ne pourrez plus le lâcher, promis... Bonne lecture. Euh non, je me trompe, bon voyage !

brigitte blang prs 57


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