Des audits citoyens aux répudiations de dettes : l’actualité planétaire des luttes contre la dette illégitime

vendredi 20 juillet 2018.
 

1) Bilan général

Le renforcement du pouvoir des créanciers et des investisseurs financiers est une caractéristique fondamentale de la financiarisation (c’est-à-dire l’accroissement de l’influence des marchés financiers et du Grand Capital). De celle-ci, deux aspects particuliers valent la peine d’être soulignés en ce qu’ils permettent de comprendre le contexte dans lequel ont éclos récemment plusieurs luttes et formes de résistance contre la dette illégitime. Le premier se rapporte à la financiarisation du quotidien des gens et à la profusion concomitante de dettes privées. Le second vise quant à lui la manière dont la crise financière a été gérée. La baisse de financement des aides et des services publics, propre à l’ère néolibérale – dont la financiarisation fut un élément déterminant –, a conduit à une marchandisation systématique des services de base et a contraint la population à un endettement toujours croissant. De nombreuses personnes se sont retrouvées dans une situation de dépendance grandissante à l’emprunt pour accéder à des services et biens fondamentaux tels que le logement, l’éducation et la santé.

Les défaillances du système financier qui sont passées au devant de la scène lors de la crise financière mondiale ont été couvertes par les États et le coût colossal du sauvetage du secteur bancaire a eu des répercussions majeures sur le financement même de ces États. Plusieurs pays ont adopté une stratégie destructrice de conversion de la dette privée – celle des banques et autres institutions financières privées – en dette publique, donnant de ce fait la priorité au remboursement de la dette au détriment d’autres dépenses. L’adoption généralisée de mesures d’austérité a reporté ces coûts sur la population qui, au final, a été celle qui a supporté les conséquences de la faillite du secteur bancaire. Dans certains cas, le secteur financier en est venu à mordre la main qui le nourrissait en poussant les États eux-mêmes au bord du défaut de paiement (Cutillas, 2014). Cela a contraint plusieurs pays de la zone euro à demander officiellement l’intervention, chez eux, de la Troïka(regroupant la BCE, le FMI et la Commission européenne) et c’est particulièrement dans ces cas-là que l’on a observé les usurpations de pouvoir les plus saillantes des créanciers sur les pays endettés. L’étranglement de la capacité de crédit et la privation de toute marge de manœuvre pour les pays endettés ont permis l’imposition de l’austérité et de plans d’« aide » conditionnés à des ajustements structurels (Roos, 2016). Avec l’auto-alimentation de la dette par effet de « roulement » (ou « l’effet boule de neige » de la dette), les usuriers et autres prêteurs mal intentionnés, les huissiers et les créanciers multilatéraux internationaux conjuguent leurs actions pour maintenir le sentiment d’un devoir impératif de payer. Même lorsqu’il a été démontré que l’endettement n’a pas bénéficié à l’intérêt général de la population, le pouvoir de la finance a permis d’exercer de fortes pressions sur les États et les individus en situation de dépendance financière pour qu’ils remboursent.

Cela généra les conditions favorables à l’émergence de toutes sortes de résistances. Des vagues de mécontentement populaire balayèrent l’Europe entière. Plusieurs mouvements sociaux qui prirent de l’ampleur dans cette période agitée choisirent de placer la dette au centre de leur action. Héritant de la riche histoire de mouvements contre les dettes illégitimes longtemps actifs dans les pays du Sud, une pléthore de luttes jaillit dans les pays du Nord contre le chantage de la dette et l’austérité qui en résulte.

"Héritant de la riche histoire de mouvements contre les dettes illégitimes longtemps actifs dans les pays du Sud, une pléthore de luttes jaillit dans les pays du Nord contre le chantage de la dette et l’austérité qui en résulte"

Avec le soutien d’universitaires et d’ONG, les mouvements de luttes « anti-dette » mirent en évidence les failles de la logique économique de l’austérité qui, bien qu’elle prétend résoudre le surendettement, ne fait en réalité que l’aggraver. Présentée comme une solution à la crise, l’austérité a un triste bilan quant à la résolution de déséquilibres fiscaux ou de crises de la dette. Cela à tel point que les luttes contre les dettes illégitimes sont devenues logiquement intimement liées à la dénonciation de l’austérité (Laskaridis, 2015).

Les violations et les reculs qu’ont subi les droits humains les plus élémentaires suite aux coupes budgétaires, aux privatisations et à l’appauvrissement en résultant, tous trois nécessaires pour rembourser la dette, sont fréquemment cités dans la formulation d’arguments plaidant pour la justice sociale. Bien que l’incapacité à rembourser la dette – que ce soit au niveau individuel ou au niveau national – soit un fait avéré dans de nombreux cas et pourrait de ce fait constituer la base argumentaire en faveur de l’annulation de dette, les mouvements de résistance à la dette n’ont pas mis cet argument au premier plan. Au lieu de cela, ils ont, en général, choisi de prendre une approche plus combative en remettant en question la validité même des dettes préexistantes. Ces initiatives, bien que diverses, visent à dénoncer et à délégitimer le processus d’accumulation de dettes en montrant qu’il n’a pas servi l’intérêt général de la population. Souvent, la dette s’est accrue suite à des coûts excessifs, des conditions abusives, des refinancements successifs, des frais et des commissions toujours croissants, le tout étant accompagné souvent de la corruption (Fattorelli, 2014). Alors que les créanciers cherchent à maintenir la viabilité des dettes ainsi que leur remboursement comme indiscutables, les mouvements sociaux ont commencé à questionner et à révéler les mécanismes sous-jacents à l’endettement et à l’imposition de l’austérité qui en découle. Ce faisant, la logique de l’austérité a été démystifiée tout comme a été délégitimée la dette pour le remboursement de laquelle elle est imposée.

L’atmosphère politique dans laquelle se développent les mouvements de résistance à la dette ces dernières années s’inscrit dans les larges formes qu’a pris le mécontentement populaire quant aux structures politiques existantes. Les appels à la transparence et à la responsabilité ainsi qu’à l’application de peines réelles à l’encontre des responsables de crimes financiers résultent d’une gangrène des institutions officielles qui, alors même qu’elles ont toujours conduit leurs actions au nom du peuple, ont trop souvent agi à l’encontre de l’intérêt de la majorité de celui-ci et ont dès lors perdu l’essentiel de leur légitimité aux yeux de beaucoup. En réponse à cela, de nombreux mouvements de résistance à la dette, auto-organisés et populaires, ont fait le choix de s’approprier cette matière et de commencer à organiser des recherches, à accumuler des preuves et à bâtir des dossiers juridiques contre les banques, en résistant aux pressions, aux expulsions et en occupant les places publiques. Des slogans populaires qui sont apparus sur les places de plusieurs pays mettaient la dette au centre des préoccupations, avec des groupes se rassemblant sous la bannière « Nous ne devons rien, nous ne paierons rien », ou demandant « Qui doit à qui ? » pour tenter de renverser le discours officiel qui place les pouvoirs des créanciers au-dessus de tout.

"De nombreux mouvements de résistance à la dette, auto-organisés et populaires, ont fait le choix de s’approprier cette matière et de commencer à organiser des recherches, à accumuler des preuves et à bâtir des dossiers juridiques contre les banques, les expulsions et en occupant les places publiques"

Par de nombreuses manières innovantes et créatives, les luttes des « endetté·e·s » ont démontré l’instabilité et les limites de la financiarisation. Cet article traite des cas spécifiques de résistances qui ont contesté la légitimité des dettes. Les logiques de ces contestations s’appuient sur les arguments du caractère illégitime, odieux, et/ou illégal de la dette concernée et de son remboursement ainsi que sur les violations de droits humains qu’impliquent ceux-ci. Nous ne prétendons pas à l’exhaustivité mais visons plutôt la réalisation d’un aperçu de la diversité des enjeux soulevés et des tactiques adoptées. Malgré des similitudes, de réelles différences existent au niveau de l’approche et des enjeux politiques, bien que nous ne nous étendions pas sur ces aspects. Le but de cette section est, au contraire, de souligner les fils d’argumentation et de raisonnement similaires. Le chapitre s’attelle ensuite à traiter d’exemples historiques illustrant le fait que des actions unilatérales combinées à des mobilisations populaires sont possibles et même nécessaires pour déstabiliser efficacement le pouvoir des créanciers.

2. Études de cas

2.1. La campagne Anglo Not Our Debt dénonce les responsables dans la crise

En 2007-2008, la vague de banques faisant défaut suite à l’explosion de la dette privée, en particulier sur le marché des crédits hypothécaires « subprime », eut de profondes répercussions. Les faillites évitées de justesse d’institutions telles que Depfa, Hypo Real Estate, Dexia, ABN Amro, Northern Rock, Royal Bank of Scotland, Fortis, Natixis mais aussi Commerzbank, pour n’en nommer que quelques-unes, marquèrent l’histoire de ce début de siècle tant elles furent spectaculaires. L’imposition de l’austérité mit à contribution les citoyen·ne·s et dégrada les services publics afin de socialiser la dette privée générée des banques privées. Le remboursement de la dette fut largement questionné : au nom de quoi celles et ceux qui n’étaient pas responsables de cette crise de la dette devraient en supporter les conséquences, tandis que les responsables bénéficient d’une immunité totale, écartant toute sanction ?

"Le remboursement de la dette fut largement questionné : pourquoi ceux qui n’étaient pas responsables de cette crise devraient en supporter les conséquences, tandis que les responsables bénéficient d’une immunité totale, écartant toute sanction ?"

Ce phénomène, qui met au jour la puissance réelle et le laxisme dont jouit le secteur de la finance, est récurrent. Il servit par ailleurs de base à celles et ceux contestant ce « deux poids, deux mesures » en matière de remboursement de dette : le peuple et les gouvernements sont moralement et pénalement contraints de rembourser des dettes illégitimes tandis que les très grandes entreprises responsables de la crise ne doivent rendre des comptes à personne. Les exemples de ce déni de justice font légion mais il en est sans doute un qui, plus que tout autre, est particulièrement marquant : celui de la Anglo Irish Bank et de la campagne qui s’est constituée en réaction, Anglo Not Our Debt.

En 2008, le gouvernement irlandais annonça un plan de garantie pour les banques parmi les plus massifs de l’histoire. L’argument des « régulateurs ayant manqué de vigilance » – une justification typique pour expliquer la crise – s’est avéré intenable en regard des événements ayant cours en Irlande (voir Sugarman, 2017). Suite à l’effondrement bancaire, fut mis en place un régime de garantie bancaire dont le montant se chiffre à plus du double du PIB irlandais de l’époque. Les garanties de l’État ne couvraient pas seulement les dépôts bancaires mais également le capital des actionnaires des banques. De ce fait, les principaux bénéficiaires des garanties devenaient également les créanciers des banques irlandaises insolvables. Parmi les banques incluses dans le système de garantie figurait Anglo/INBS, pour laquelle le gouvernement avait versé 4 milliards d’euros en 2009 dans l’objectif de couvrir ses dettes, et qui s’avéra insolvable.

La campagne Anglo Not Our Debt lança alors des actions d’interpellation publiques pour tenter de sensibiliser le plus grand nombre à ces injustices et afin de proposer des alternatives pour la dette de l’Anglo. Des comparaisons permettant de se figurer clairement l’ampleur des versements furent dressées. Par exemple, la campagne démontra que « l’ordre de paiement du 31 mars 2012 destiné au secteur bancaire, d’un montant de 3,1 milliards d’euros, aurait, s’il avait été utilisé à cette fin, été largement suffisant pour couvrir le coût total du fonctionnement de l’ensemble de l’enseignement primaire irlandais pour une année entière. » Dans le même temps, la campagne appela à l’application de politiques comprenant une réduction du montant total des créances et l’annulation de la dette liée à l’Anglo (Anglo Not Our Debt, 2012).

La campagne répandit ce message au moyen de nombreux outils d’éducation populaire. Elle créa plusieurs outils pédagogiques, des diaporamas de type PowerPoint, des dossiers d’information, des slogans et des vidéos de sensibilisation pour démystifier et décortiquer le jargon économique souvent complexe et technique. Grâce à ces moyens innovants et créatifs, la campagne encouragea à la mobilisation populaire qui s’organisa autour d’un enjeu principal : « d’ici à 2031, le peuple irlandais aura remboursé 47 milliards d’euros d’une dette vis-à-vis de laquelle il n’a aucune responsabilité. Cela équivaut à 30 % du PIB du pays. » (Anglo Not Our Debt, 2012)

2.2. La campagne 15MpaRato [1] exige la transparence quant aux contrats d’endettement

Des emprunts ont été mêlés à des scandales de corruption et ont été souvent contractés de manière illégitime. Les sauvetages publics d’institutions bancaires ayant eu des pratiques manifestement corrompues et frauduleuses ont généré un mécontentement conséquent et plusieurs campagnes ont vu le jour pour dénoncer les scandales bancaires. Un exemple de tentative de rupture de l’impunité des banquiers eut lieu en Espagne, autour des activités criminelles de la banque Bankia. Accusée de multiples infractions telles que vente abusive au public, rapports mensongers lors de son introduction en bourseet corruption majeure parmi ses hauts cadres, Bankia devint sans devoir faire le moindre effort en ce sens, le symbole même du scandale financier en Espagne. Caja Madrid était l’une des six banques d’épargne régionales qui forma l’entité Bankia en 2010 et dont la faillite nécessita un plan de sauvetage massif de l’UE. Des preuves de délivrances de cartes de crédits non-déclarées pour faciliter la corruption et de pots-de-vin parmi ses cadres supérieurs à des fins d’intérêts privés ont été établies. L’usage de ce type de méthode persista alors même que devenaient évidents les problèmes financiers de cette banque qui la poussa à être absorbée par l’ensemble Bankia.

"Aucune autorité publique ne semblant vouloir mener d’investigation ou d’enquête quant aux responsabilités des krachs financiers, les citoyen·ne·s commencèrent un processus d’auto-mobilisation"

En 2012, à l’occasion du premier anniversaire du mouvement 15M en Espagne, des citoyen·ne·s se rassemblèrent sur les places publiques et mirent au point un plan pour mettre fin à l’impunité des banquiers (voir Grueso 2012). Dès lors qu’aucune autorité publique ne semblait vouloir mener d’investigation ou d’enquête quant aux responsabilités des krachs financiers, les citoyen·ne·s commencèrent un processus d’auto-mobilisation pour tenter, par eux/elles-mêmes de « faire tomber les banquiers ». Deux réseaux activistes, 15MpaRato et XNET, collaborèrent pour créer des plateformes en ligne inspirées de Wikileaks afin de faciliter la transmission anonyme d’informations et pour partager les doléances de chacun·e. Des employé·e·s de banque déposèrent, sur une Dropbox anonyme, des documents fournissant les preuves de malversations et des activistes lancèrent une campagne de financement participatif pour rassembler les fonds nécessaires au lancement d’une procédure judiciaire. Ce type de poursuites menées par des citoyen·ne·s fait partie intégrante du combat politique pour l’annulation des dettes illégitimes, et plusieurs luttes rassemblent des arguments politiques pour les traduire ensuite en termes juridiques. Ces initiatives juridiques citoyennes visaient à « faire rendre des comptes [aux banquiers] pour la crise économique » et furent indispensables pour rassembler la documentation nécessaire visant à révéler toutes sortes de tricheries et d’arnaques. Les hauts niveaux de corruption et l’impunité généralisée ont ici poussé les citoyen·ne·s à se tourner vers leurs propres ressources et leur propre créativité pour obtenir justice. Comme un membre de la campagne Bankia le dit : « Dans des pays à haut niveau de corruption, les institutions chargées de combattre ce type de dysfonctionnement sont elles-mêmes corrompues. (…) Les citoyen·ne·s doivent alors se mettre à auditer eux-mêmes les gouvernements et les multinationales, (…) cela doit venir de très petits groupes et de mouvements venant de la base » (Ueberschlag, 2016). Après avoir été poursuivi, Rodrigo Rato – ex-Ministre espagnol des finances (1996-2000) et ex-Vice-Premier ministre, ancien Directeur général du FMI (2004-2007) et président de Bankia durant cette période cruciale (2010-2012) – fut condamné pour détournement de fonds, en 2017, à une peine de plus de 4 ans de prison contre laquelle il est en procédure d’appel. Ce qui lui évite la prison.

2.3. Des « villes rebelles » contre la dette et l’austérité : Red Municipalista contra la Deuda Ilegítima y los Recortes

Il existe une autre initiative en cours en Espagne méritant d’être mentionnée puisqu’elle constitue une bataille contre la dette illégitime menée – entre autres – par des représentant·e·s élu·e·s. En octobre 2016, le Manifeste d’Oviedo est rendu public (http://www.cadtm.org/Manifeste-d-Oviedo). Aujourd’hui signé par plus d’un millier d’élu·e·s (parmi lesquel·le·s des élu·e·s de municipalités, des parlementaires nationaux et des parlementaires européen·ne·s) et d’activistes de mouvements sociaux, ce document vise à « soutenir la création d’un front espagnol des municipalités, des communautés autonomes et des nationalités qui remet en cause la dette illégitime et œuvre à son annulation ; un front (…) pour trouver des sources de financement légitimes garantissant aux citoyen·ne·s la pleine jouissance de leurs droits économiques, sociaux, culturels, civiques et politiques. » (Manifeste d’Oviedo, 2016). Le texte appelle au lancement d’audits des dettes des administrations locales avec participation citoyenne. Dans la foulée de ce manifeste fut lancé le Réseau municipaliste contre la dette illégitime et les coupes budgétaires (Red Municipalista contra la Deuda Ilegítima y los Recortes), rassemblant les représentant·e·s de plus de 70 municipalités ainsi que de régions autonomes http://www.cadtm.org/Un-front-des-m...). Le but de ce réseau est d’unir les forces afin de questionner le rôle et les origines de la dette publique actuelle, de tenter d’assurer la priorité à la satisfaction de l’intérêt général plutôt qu’aux créanciers privés, et de lutter ensemble, en tant qu’institutions représentatives et en tant que mouvements sociaux, pour la remunicipalisation des services publics (Duval et Martín, 2017). Des municipalités prenant part à ce réseau ont lancé des audits citoyens de la dette.

2.4. Debt Resistance UK dénonce l’arnaque des institutions financières à l’encontre des autorités locales

L’apport d’informations opportunes, exactes et critiques a été crucial pour galvaniser les actions entreprises contre les créanciers. Il convient de se documenter avec esprit critique afin de démystifier certains discours dominants, présentant souvent de manière tendancieuse des explications simplifiées afin d’imposer les politiques d’austérité. La recherche est nécessaire pour dénoncer et analyser les mécanismes de la finance et des grandes multinationales ainsi que leurs impacts sociaux.

"Il convient de se documenter avec esprit critique afin de démystifier certains discours dominants, présentant souvent de manière tendancieuse des explications simplifiées afin d’imposer les politiques d’austérité"

Debt Resistance UK, un groupe plaidant contre les dettes illégitimes et injustes au Royaume-Uni, a lancé une large campagne pour mettre en évidence la manière dont des conseils locaux avaient contracté des emprunts onéreux et risqués (prêts « LOBO » [2]) tout en pratiquant des coupes budgétaires dans des services essentiels. En mettant l’accent sur la recherche-action, le groupe émit de nombreuses demandes en vertu des lois sur l’accès à l’information afin de dévoiler l’étendue du problème aux yeux du public. Cette dénonciation publique fit la une des journaux au Royaume-Uni, permettant de ce fait à la campagne de gagner en visibilité. La recherche nourrit directement des initiatives d’émancipation au niveau local. L’information fut rendue accessible et les habitant·e·s des municipalités concernées furent encouragé·e·s et soutenu·e·s dans l’entreprise de démarches actives vis-à-vis des autorités locales.

2.5. Rolling Jubilee montre que l’annulation des dettes est possible s’il y a une volonté politique en ce sens

Aux États-Unis, l’association Rolling Jubilee lança une initiative audacieuse pour montrer les injustices du système en place. Historiquement, un jubilé (jubilee en anglais) est une annulation de dette au profit de celles et ceux qui sont victimes de l’esclavage pour dettes. Or, l’annulation de dette a été une réclamation récurrente et répandue ces derniers temps. Le projet Rolling Jubilee a été capable de concrétiser cette demande en mettant en place un « sauvetage par le peuple, pour le peuple » basé sur une plateforme de financement participatif servant à lever des fonds pour racheter les prêts non-remboursés des gens et pour finalement les annuler. A l’heure actuelle, plus de 700 000 dollars US ont été récoltés, permettant l’annulation de plus de 31 millions de dollars US de dette. Le bénéfice immédiat étant que les débiteurs et débitrices, qui peuvent être n’importe qui, sont libéré·e·s de leurs dettes et ne sont plus harcelé·e·s par les collecteurs de dettes. Cette action a permis de mettre en évidence la nature vorace du système financier : alors même que les banques peuvent se retrouver à vendre ces créances douteuses et ces dettes non-remboursées pour presque rien, les acheteurs traditionnels de ces titres de dette vont ensuite chercher à en obtenir le remboursement de la valeur initiale. La campagne permit également de démontrer que les annulations de dettes ne sont pas seulement souhaitables mais sont également totalement possibles et elle a pu dès lors se targuer qu’ « ensemble, nous pouvons libérer n’importe quel·le débiteur et débitrice grâce à une campagne de soutien mutuel, de bonne volonté et de résistance collective » (Rolling Jubilee)

"Strike Debt est un mouvement de résistance à la dette au sens large, se battant contre la financiarisation globalement, que ce soit dans l’optique de dettes privées ou de dettes publiques"

Rolling Jubilee est né du collectif Strike Debt [3] qui fut créé aux États-Unis à la suite du mouvement Occupy Wall Street. En partant de l’objectif initial qui était de combattre la détresse vécue par les personnes et les ménages endettés, ce mouvement élargit son champ d’action et se mit à dénoncer le fait qu’à cause des coupes budgétaires et des autres mesures d’austérité accompagnant le processus de financiarisation, « la responsabilité de garantir une vie ‘soutenable’ a été transférée des États aux individus et aux ménages », menant dès lors au fait qu’« aujourd’hui, nous sommes tou·te·s des débiteurs et débitrices. » (Strike Debt, 2012 : 52). Le collectif Strike Debt est donc un mouvement de résistance à la dette au sens large, se battant contre la financiarisation globalement, que ce soit dans l’optique de dettes privées ou de dettes publiques. En septembre 2012, le mouvement a publié Debt Resistors’ Operations Manual (« Manuel des opérations pour les résistant·e·s à la dette »), qui « vise à fournir des tactiques spécifiques pour comprendre et combattre le système dette afin que nous puissions tous récupérer nos vies et nos communautés. » (Strike Debt, 2012 : v).

2.6. Le CAC ou l’expérience de l’audit citoyen en France

Une des conséquences de la crise financière de 2007-2008 a consisté en une augmentation brutale et conséquente de la dette publique des États. Il a pourtant fallu attendre l’année 2011 pour voir se constituer en France un Collectif pour un Audit Citoyen de la dette publique (CAC) qui essaimera très vite dans le pays avec la création d’une centaine de collectifs locaux [4]. Ses membres fondateurs sont des associations et des collectifs (tels ATTAC, le CADTM, la Fondation Copernic, la LDH, etc.), des syndicats (CGT, l’Union Syndicale Solidaires, la FSU). En octobre 2011, un « texte de référence » est publié par ces organisations avec l’appui de partis politiques (notamment le PCF, le Parti de Gauche, le NPA, les Verts). Le CAC se donne pour mission de procéder à un audit de la dette publique de la France mais aussi de celle des collectivités locales. Il s’attache également à développer une réflexion et des analyses en vue de contrebalancer le discours libéral mensonger sur la dette diffusé en boucle sur les médias mainstream.

Des membres du CAC vont publier des articles, donner des entretiens, organiser des rencontres, des débats citoyens ainsi que des formations. Enfin, la principale contribution du CAC verra le jour en mai 2014 avec la publication du rapport d’audit intitulé : « Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France » (CAC 2014). Le CAC se propose d’apporter des réponses à des questions essentielles. D’où vient la dette ? A-t-elle été contractée dans l’intérêt général, ou bien au bénéfice de minorités déjà privilégiées ? Qui détient ses titres ? Peut-on alléger son fardeau autrement qu’en appauvrissant les populations ? À l’issue de minutieuses investigations, ce document fait la démonstration qu’au moins 59 % de la dette publique française est illégitime. Il établit qu’en baissant ses recettes fiscales à travers des cadeaux aux riches particuliers et aux grosses sociétés, l’État s’est appauvri de 488 milliards d’euros. Par ailleurs, en empruntant sur les marchés financiers à des taux prohibitifs, l’État a dépensé 589 milliards d’euros de plus que s’il avait recouru à l’emprunt auprès des ménages et des banques à un taux d’intérêt réel de 2 %.

C’est au niveau local que les initiatives ont été les plus combatives. Des milliers de collectivités territoriales et des dizaines d’hôpitaux contaminés par les crédits toxiques des banques ont vu après 2008 les taux de ces emprunts bondir à des niveaux jamais vus, certains dépassant les 25 % (voir Saurin 2013). De nombreux audits de dettes de collectivités ont été réalisés par des collectifs qui ont révélé au grand jour les pratiques malhonnêtes des banques. À Nîmes, Grenoble, Vichy et Dijon, des membres des CAC locaux ont engagé des actions en justice contre des délibérations de collectivités validant la sortie de ces emprunts moyennant le paiement d’indemnités représentant plusieurs fois le montant du capital restant dû des emprunts remboursés par anticipation. En 2018, à Nîmes, des militants du CAC local ont fait annuler par le tribunal administratif de la ville une délibération de la collectivité de Nîmes Métropole validant le paiement à la banque d’une indemnité de 58,6 millions d’euros, en plus des 10 millions d’euros du capital restant dû de l’emprunt remboursé. Pour motiver leur décision, les juges ont retenu le défaut d’information du conseil communautaire, mais ils se sont bien gardés de se prononcer tant sur la nature spéculative et donc illégale de cet emprunt, que sur le caractère illégitime de l’indemnité. Sans l’appui des élus, seuls capables de décider la suspension du paiement de la dette et d’attaquer les banques en justice, l’audit citoyen montre ici ses limites. Il a malgré tout le mérite de révéler à la population la nature scandaleuse du système dette, les pratiques mafieuses des banques, et apporter ainsi des arguments en faveur de la répudiation des dettes illégitimes et de la socialisation du système bancaire.

2.7. En Belgique, ACiDe démontre l’importance de la dette au niveau local et met les autorités face à leurs obligations en matière de démocratie

La plateforme d’audit citoyen de la dette en Belgique (ACiDe), formée en 2013, a rapidement fait le choix de concentrer son énergie sur l’échelon local [5]. Plusieurs groupes locaux se sont formés dans les grandes villes du pays et chacun d’entre eux s’est mis à enquêter sur la dette et les finances de leur commune et à sensibiliser la population à la thématique de la dette. Leur travail de recherche (centré sur les villes de Bruxelles, La Louvière, Liège et Verviers) a permis de mettre en avant que, malgré le fait que la dette communale ne pèse que 5 % du total de la dette publique belge, les implications du remboursement de celle-ci sont considérables pour les citoyennes et les citoyens puisque 40 % des investissements publics en Belgique sont portés par les communes et environ 75 % des communes wallonnes [6] sont en déficit. Un intense travail de pédagogie et de sensibilisation a été fait pour que toutes ces recherches qui ont mis en avant la complexité ainsi que les nombreuses ramifications et les spécificités propres à l’endettement local soient rendues intelligibles pour tout le monde.

Le travail des groupes locaux a également permis de mettre au jour, non seulement les caractéristiques d’illégitimité de l’endettement des communes, mais également le déficit flagrant de démocratie à l’échelon local. Dans certaines communes, l’accès à l’information est purement et simplement refusé, parfois sans la moindre justification et, lorsqu’il/elle parvient enfin à tenir le document recherché dans ses mains, le/la citoyen·ne se voit bien souvent confronté·e à des briques de plusieurs centaines de pages, écrites dans un vocabulaire technique, ornées d’obscurs chiffres et tableaux et, trop souvent, fournies sans la moindre mise en évidence ou note explicative. Un effort conséquent de diffusion (dans la rue, auprès des collectifs et des associations et dans la presse), de sensibilisation (par des conférences, des débats, des animations dans des écoles, la réalisation d’une vidéo et même d’une pièce de théâtre qui ont traversé la Belgique), de mobilisation populaire et d’association avec d’autres collectifs actifs sur la transparence ont permis de mettre suffisamment la pression aux milieux politiques de certaines communes pour qu’ils soient forcés de reconnaître la problématique de la dette et la nécessité de permettre aux habitant·e·s, au minimum, un droit de regard sur les finances communales. À Verviers, le groupe local a réussi, après une mise sous pression de plusieurs années et une menace de poursuite devant les tribunaux administratifs à forcer les autorités communales à leur fournir les documents d’emprunts essentiels à l’audit de la dette communale. Et à Liège, la plus grande agglomération en Belgique francophone, le travail du groupe local d’ACiDe a fini par être publiquement reconnu non-seulement par les partis d’opposition qui le rappellent régulièrement lors des conseils communaux, mais également par la majorité en place et la direction administrative des finances locales qui ont bien compris qu’elles ne pouvaient plus l’ignorer.

Enfin, ACiDe a rendu visible l’existence d’un véritable FMI à l’échelle wallonne. En effet, outre les politiques d’austérité choisies par les communes elles-mêmes, la dette est utilisée pour justifier l’ingérence d’organismes régionaux (dont la gestion est totalement opaque et sans attache démocratique) dans les décisions des conseils communaux des villes sous plan de gestion (une soixantaine sur 262 en Wallonie). En Wallonie, cette ingérence anti-démocratique est réalisée par le Centre régional d’aide aux communes (CRAC) qui agit comme un véritable FMI à l’échelon régional. Cet organisme sert à intervenir dans le remboursement d’un emprunt à condition que la commune adopte, sur vingt ans (!), un plan de gestion devant « rétablir son équilibre budgétaire de façon structurelle », d’après sa directrice. Toute décision budgétaire que voudrait prendre une commune devant être approuvée par le CRAC avant même d’être envoyée aux conseillers communaux (ACiDe, 2017).

2.8. En Italie, les audits citoyens de la dette des municipalités cherchent à faire sortir les communes du piège de l’endettement illégitime

Suite à la ratification en 2012 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG, aussi connu sous le nom de « pacte budgétaire européen »), comme dans la période qui a précédé son adoption, un effort budgétaire a été demandé à l’Italie afin qu’elle réduise de 50 milliards d’euros sa dette publique [7]. En conséquence, les communes italiennes ont reçu entre 2010 et 2016 de la part du gouvernement central neuf milliards d’euros de moins que ce qui aurait dû leur être attribué. Outre le caractère contre-productif de l’austérité, la situation est d’autant plus inacceptable au regard du coût que les communes représentent pour l’État. Tandis que les municipalités contribuent à redresser la situation économique du gouvernement central, la part de la dette nationale venant de celles-ci est de seulement 1,8 % du total de la dette publique. Une épée de Damoclès pend au-dessus des communes : les taux d’intérêt très élevés dus à une dette prenant la forme de produits dérivés pour un total d’environ 25 milliards d’euros. En conséquence, en 2018 plus de 270 communes en Italie suivent un plan de rééquilibrage financier pluriannuel qui les oblige d’une part à augmenter fictivement les recettes et d’autre part à bloquer les dépenses pour permettre un redressement économique [8].

"Depuis la création du CADTM Italie, les groupes d’audit se sont multipliés du Nord au Sud du pays : Parme, Milan, Venise, Naples, Livourne, Turin, Grosseto, Savona, Rome, Gênes et dernièrement Catane, Taranto et Reggio Emilia"

Plusieurs initiatives d’audit de la dette locale existent en Italie depuis quelques années. L’un des deux objectifs du travail du Forum pour une Nouvelle finance publique et sociale, né en février 2013 sous l’impulsion d’Attac Italie, de Communia et d’autres associations militantes, était la mise en réseau de toutes les expériences de groupes citoyens d’audit de la dette actifs en Italie. L’autre objectif : la renationalisation de Cassa depositi e prestiti (Caisse des Dépôts et Consignations), un fonds destiné au crédit aux collectivités locales qui a été privatisé à partir de 2003 (causant une forte montée des taux d’intérêt des emprunts). Deux terrains indispensables dans la lutte contre la dette illégitime et les politiques d’austérité qui touchent en premier lieu les municipalités.

Parmi les groupes d’audit, celui de Parme est un exemple de succès : la Commission pour l’audit de la dette de Parme a réussi à attirer l’attention (y compris celle du pouvoir judiciaire) sur une affaire de corruption et de spéculation liée à l’augmentation des prix fonciers, qui avait eu comme conséquence l’imposition de l’austérité sur la population de la ville par l’administration publique locale. Le groupe enquête et interpelle également sur les PPP (partenariats public-privé) qui gèrent – souvent contre l’intérêt général – des services publics municipaux fondamentaux comme l’eau et le gaz.

Plusieurs rencontres ont été organisées depuis la naissance du Forum avec la participation d’activistes, d’administrateurs locaux, de comptables (ces derniers ont notamment aidé à interpréter les bilans des administrations locales) afin de faciliter l’échange d’informations et de pratiques.

L’expérience de la Nouvelle finance publique et sociale prend fin en 2015. C’est alors le tout nouveau CADTM Italie qui prend le relais dans le soutien national aux groupes d’audit citoyen de la dette [9]. Cette initiative a vu le jour grâce à la convergence, en septembre 2016, de différentes associations, groupes militants et catholiques (Attac Italie, Communia, Centro Nuovo Modello di Sviluppo, Pax Christi) ainsi que des membres des audits locaux de la dette (dont la Commission de Parme).

Depuis la création du CADTM Italie (qui est engagé dans un travail d’audit de la dette nationale), les groupes d’audit se sont multipliés du Nord au Sud du pays : Parme, Milan, Venise, Naples, Livourne, Turin, Grosseto, Savona, Rome, Gênes et dernièrement Catane, Taranto et Reggio Emilia. Suite à la dernière réunion de groupes d’audit à Parme en novembre 2017, une charte des comités pour l’audit de la dette locale et un kit méthodologique pour auditer la dette ont été publiés. À Naples, les récentes initiatives contre la dette injuste lancées ou appuyées par la mairie témoignent de la situation de difficulté dans laquelle la commune se retrouve et du courage de certains maires qui dénoncent le poids de la dette illégitime. Le maire de Naples, Luigi De Magistris, a promis de collaborer avec le groupe citoyen d’audit de la dette en ouvrant les livres de compte de la ville afin de permettre au groupe de commencer enfin à enquêter sur la dette de la commune.

3. Les audits de la dette : un rassemblement d’initiatives pour mettre au jour les dettes illégitimes

Les mouvements d’audit de la dette sont apparus comme un moyen de déconstruire le discours officiel selon lequel rembourser les dettes est un impératif absolu. Bien que le terme puisse sembler technocratique, l’objectif d’un tel audit n’est pas un exercice comptable de routine. Il s’agit en fait de tenter d’amorcer un large mouvement de participation des citoyens afin que les processus démocratiques soient en mesure de contrer la puissance solidement établie de la finance. Les personnes menant l’audit peuvent être de simples citoyen·ne·s, des représentant·e·s de mouvements sociaux ou d’organisations de travailleurs et de travailleuses, des salarié·e·s, des chômeurs et chômeuses, etc. Un audit de la dette est un instrument permettant de faire participer activement les citoyen·ne·s à l’examen de l’impact que l’accumulation de la dette a pu avoir sur l’économie et sur la population.

"L’objectif d’un audit n’est pas un simple exercice comptable. Il s’agit de tenter d’amorcer un large mouvement de participation des citoyens afin que les processus démocratiques soient en mesure de contrer la puissance solidement établie de la finance"

Une nouvelle génération de mouvements de résistance à la dette plaçant l’audit au cœur de leurs activités a vu le jour récemment, dans la continuation des objectifs exprimés ces vingt dernières années par des mouvements internationaux en faveur d’une annulation de la dette, comme Jubilee 2000, le CADTM et Jubilee South. Ces organisations poursuivent depuis longtemps des actions de sensibilisation du public sur la manière dont on use et abuse de la dette pour un transfert illégitime des ressources, en posant la question de « qui doit à qui ? » afin de remettre en question et de renverser l’idée habituelle selon laquelle ce sont les débiteurs qui ont une dette envers les créanciers (voir 50 questions, 50 réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale, Millet et Toussaint, 2002). Les mouvements internationaux militant pour une justice de la dette ont mis en œuvre toutes sortes d’initiatives visant à annuler les dettes illégitimes et iniques, débouchant sur de nombreuses expériences. Parmi les exemples emblématiques qui ont inspiré les mouvements actuels de lutte contre la dette, on compte des initiatives institutionnelles, telles que la Commission d’audit de la dette publique instaurée par l’Équateur (CAIC), aussi bien que des initiatives citoyennes, comme au Brésil ou aux Philippines.

En 2012, de nombreux groupes actifs dans douze pays (certains pays comptaient plusieurs groupes) de l’espace euro-méditerranéen en faveur d’un audit citoyen se sont rassemblés dans une structure pour que les réseaux et les mouvements participant puissent mettre en commun leurs expériences. Le Réseau international pour l’audit citoyen de la dette (ICAN), d’abord hébergé par le CADTM en Belgique, a permis l’échange d’informations sur les différents types d’audit ou sur d’autres formes de lutte contre la dette (voir ICAN 2012). Cet espace a été un lieu essentiel de communication des informations afin que chacun puisse connaître d’autres mouvements poursuivant des objectifs similaires et s’en inspirer. Il a permis d’échanger des outils et des ressources et de discuter les actions et les stratégies de mobilisation de chaque mouvement. Cette plateforme a contribué à consolider un réseau international facilitant la collaboration et la solidarité, la définition d’importantes journées communes d’action et la planification d’activités coordonnées ensemble.

3.1. Objectifs des audits

Étudier le processus de création de la dette vise un objectif pédagogique général. Cela facilite la compréhension par la population de termes et de processus que l’on considère d’ordinaire difficiles et opaques. Un audit peut également servir à réunir des connaissances au niveau local et à échanger des informations sur les mécanismes de la dette à l’œuvre au sein, par exemple, des conseils municipaux, des entreprises publiques, des ministères, et à progresser ainsi en s’appuyant sur les contributions de tou·te·s les participant·e·s. Ce processus d’apprentissage est également fondamental dans l’optique de présenter les arguments et les données permettant d’exiger du gouvernement et des pouvoirs publics qu’ils rendent des comptes sur leurs emprunts. Il peut aider les organisations, face à une dette illégitime, illégale et injuste, à en exiger l’annulation, ou à engager des poursuites. En ce sens, un audit facilite toute une gamme d’actions en faveur de plus de justice sociale (voir Fattorelli, 2014).

"L’audit peut aider les organisations, face à une dette illégitime, illégale et injuste, à en exiger l’annulation, ou à engager des poursuites. Un audit facilite toute une gamme d’actions en faveur de plus de justice sociale"

L’amélioration de l’obligation de rendre des comptes et de la transparence, le fait de donner les moyens aux citoyen·ne·s de contrôler et de contester « les actes de ceux qui les gouvernent (…) est intrinsèque à la démocratie elle-même. (…) Le fait que les gouvernants s’opposent à l’idée que des citoyens osent réaliser un audit citoyen est révélateur d’une démocratie bien malade, qui d’ailleurs n’arrête pas de nous bombarder médiatiquement avec sa rhétorique sur la transparence. Ce besoin permanent de transparence dans les affaires publiques se transforme en un besoin social et politique tout à fait vital » (Millet et Toussaint, 2012). L’établissement de contacts et la diffusion des idées font partie des activités essentielles menées dans le cadre de nombreux audits citoyens. Sensibiliser à la manière dont l’économie fonctionne réellement favorise l’expression d’autres solutions plus justes, puisqu’en étant mieux informé sur le fonctionnement du mécanisme de la dette, on peut proposer des méthodes différentes qui tiennent mieux compte des besoins et des intérêts de la société, et non des intérêts des « marchés », des élites, des créanciers. (PACD, 2013)

L’audit analysera le plus souvent les caractéristiques et les particularités principales de la dette, de même que la politique d’emprunt adoptée par les pouvoirs publics. Dans la mesure où les budgets publics ont été mis à rude épreuve pour donner la priorité aux créanciers, des citoyens ont exigé de savoir comment les dettes étaient apparues et comment l’argent avait été dépensé (voir notamment Laskaridis, 2012 et 2014a). Un audit peut soulever, entre autres, les questions suivantes : Quelles sont les raisons qui ont poussé l’État à continuer de s’endetter ? En vue de quels objectifs politiques et de quels intérêts sociétaux la dette a-t-elle été contractée ? L’argent a-t-il été utilisé pour les finalités visées ? Qui a bénéficié des crédits ? Qui sont les créanciers et quelles sont les conditions qu’ils imposent ? Comment la décision de s’endetter a-t-elle été prise ? Quelle part du budget de l’État est consacrée au service de la dette ? Comment l’État finance-t-il le remboursement de la dette ? Quel est le montant des intérêts et quelle est la part du principal qui a déjà été remboursée ? Comment des dettes privées sont-elles devenues publiques ? Quelles ont été les conditions de tel ou tel sauvetage de banque ? Quel en a été le coût ? Qui en a pris la décision ?

Le processus d’audit peut être un moyen de défendre le non-paiement de dettes. Comme le souligne la PACD (la plateforme pour un audit citoyen de la dette dans l’État espagnol) : « Il existe des dettes qui constituent une violation des droits humains, ou des droits économiques, sociaux et culturels de la population ; des dettes qui empêchent de mener une vie digne, qui engendrent des inégalités, profitant à une élite et nuisant à la majorité de la population ; des dettes qui sapent la souveraineté ou qui sont le résultat de la corruption ou de la mauvaise gestion du gouvernement. Ces dettes peuvent être jugées illégitimes, injustes ou même contraires aux principes du droit international. » (http://www.cadtm.org/Quelques-fonde...) (PACD, 2013)

3.2. Quelques réflexions sur l’expérience de l’audit grec

Une campagne d’audit de la dette grecque (ELE) fut lancée en 2011 pour demander un examen détaillé de la dette publique de la Grèce. Cette campagne s’est employée à ouvrir la « boîte noire » de la dette grecque, dont on parlait beaucoup, mais sur la nature de laquelle, depuis le début de la crise, on s’était gardé d’informer la population. Le collectif citoyen fit du débat sur l’audit un moyen de renverser le rapport de forces entre créanciers et débiteurs pour « annuler toute part illégitime, odieuse ou insoutenable de la dette publique ». Quelques années plus tard, en avril 2015, le Parlement grec, sous le premier gouvernement Syriza, permettrait la création d’une commission officielle d’audit.

La Commission pour la vérité sur la dette publique grecque (Commission Vérité) fut mise en place par la présidente du Parlement grec, Zoé Konstantopoulou, qui en confia la coordination scientifique à Éric Toussaint. Le rapport de cette commission expose la manière dont les mécanismes conçus par les plans de sauvetage publics ont transféré les créances dans leur quasi-totalité aux institutions de la Troïka (BCE, Commission européenne et FMI), ce qui a créé de nouvelles dettes tout en engendrant des coûts illicites, accéléré le processus de privatisation et aggravé la crise. Le rapport contient des conclusions inédites quant aux accords de prêt et aux memoranda signés par la Grèce, décrivant des violations d’obligations en matière de droits humains, ainsi que la façon dont les réformes avaient été imposées par la force en privant le pays de pans importants de sa souveraineté. « La remise en cause des droits humains et des obligations de droit coutumier, la présence de diverses preuves de mauvaise foi des parties contractantes, et leur caractère déraisonnable, remettent en cause la validité de ces contrats » (Commission pour la vérité sur la dette grecque, 2015 : 4).

Le rapport révèle que les programmes aux conditionnalités intrusives ont entraîné d’importantes violations des droits humains, et conclut que les mesures mises en place « ont directement affecté les conditions de vie du peuple et violé les droits humains que la Grèce et ses partenaires sont dans l’obligation d’assurer, de protéger et de promouvoir, conformément au droit national, au droit de l’Union européenne et au droit international en vigueur. » Il aboutit à la conclusion primordiale que « la Grèce ne peut payer le service de la dette sans nuire gravement à sa capacité de remplir ses obligations les plus élémentaires en matière de droits humains » (Commission pour la vérité sur la dette grecque, 2015 : 4).

"Le rapport d’audit aboutit à la conclusion primordiale que « la Grèce ne peut payer le service de la dette sans nuire gravement à sa capacité de remplir ses obligations les plus élémentaires en matière de droits humains"

Le rapport préliminaire de la commission proposait de nombreuses options permettant de s’engager sur la voie de l’opposition aux créanciers. Les solutions autres que les programmes de sauvetage encadrés par les créanciers comprenaient notamment les fondements juridiques pour la suspension de paiement et la répudiation de la dette souveraine grecque, et tout particulièrement les conditions dans lesquelles un État souverain peut exercer son droit à poser un acte unilatéral de répudiation ou de suspension du paiement de sa dette en droit international (voir également Bantekas et Vivien, 2016).

En définitive, le gouvernement grec dirigé par Alexis Tsipras n’a pas utilisé les conclusions et les recommandations du rapport de la commission pour la vérité sur la dette en 2015. Au lieu de cela, il a donné son accord à un programme d’ajustement macroéconomique élaboré par les créanciers, le troisième depuis 2010, analysé plus en détail dans Laskaridis (2014b). Cependant, cette voie n’était pas inéluctable : en septembre 2014, le programme adopté par Syriza (appelé « programme de Thessalonique ») stipulait qu’un gouvernement dirigé par Syriza exigerait des créanciers qu’ils « annulent une grande partie de la valeur nominale de la dette publique » et permettrait au secteur public de recouvrer ses droits sur les banques recapitalisées. Une fois au gouvernement, cependant, le cabinet Tsipras n’a pas pris de manière unilatérale les mesures souveraines qui auraient pu faire pencher le rapport de forces en faveur du débiteur.

Pour ne pas être pris dans l’engrenage du remboursement, il était essentiel de faire valoir les demandes que contenait le programme initial de Thessalonique, à savoir l’annulation de la plus grande part de la dette. Un audit pouvait confirmer que cette dernière était illégitime, odieuse, illégale et insoutenable. Il fallait invoquer le principe de droit international permettant à un État de déclarer un moratoire sur les paiements au vu de l’état de nécessité dans lequel il se trouve [10]. La crise humanitaire que traversait le pays constituait une preuve irréfutable de cet état de nécessité. S’il avait lancé un audit et en avait utilisé les résultats, le gouvernement grec aurait pu arguer qu’il ne faisait qu’appliquer l’article 7, paragraphe 9, du règlement (UE) n° 472/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013, où l’on peut lire : « Un État membre faisant l’objet d’un programme d’ajustement macroéconomique réalise un audit complet de ses finances publiques afin, notamment, d’évaluer les raisons qui ont entraîné l’accumulation de niveaux d’endettement excessifs ainsi que de déceler toute éventuelle irrégularité. » (UE, 2013)

De la même façon, si l’on avait respecté le programme initial en ce qui concerne le contrôle de l’État sur les banques recapitalisées, l’État aurait pu exercer ses responsabilités et apporter une solution à la crise bancaire d’une manière parfaitement légale. En 2015, l’État grec, à travers le Fonds hellénique de stabilité financière, était le principal actionnaire des quatre plus grandes banques du pays, qui représentaient plus de 85 % de l’ensemble du secteur bancaire grec. Le Parlement grec aurait pu revenir sur les politiques poursuivies par les précédents gouvernements en transformant les actionsdites « préférentielles » détenues par les pouvoirs publics (excluant le droit de vote) en actions ordinaires avec droit de vote.

Enfin, pour gérer la crise bancaire et financière exacerbée par les créanciers dès que la perspective d’un gouvernement Syriza avait commencé à se faire plus précise le gouvernement grec aurait pu décréter un contrôle des mouvements de capitaux afin de mettre un terme à la fuite des capitaux du pays. C’était d’autant plus justifié que le 4 février 2015, seulement une semaine après la formation du gouvernement Tsipras, la BCE décida de bloquer les capacités financières de la Grèce en n’autorisant les banques grecques à accéder à des liquidités qu’au travers du dispositif de fourniture de liquidités d’urgence – ELA. Le gouvernement Tsipras aurait pu mettre en place un système de paiement parallèle lui permettant de retrouver une marge de manœuvre sur ses politiques monétaires, avec une monnaie non convertible et utilisée localement, pour les échanges à l’intérieur du pays – par exemple pour financer une augmentation des retraites, une hausse des salaires de la fonction publique, pour payer les impôts et les services publics.

Le gouvernement grec n’a mis en place aucune de ces mesures. Au lieu de cela, il s’est engagé, le 20 février 2015, à continuer les versements à tous les créanciers pour le premier semestre 2015. Après avoir approuvé du bout des lèvres, lors de sa création, la commission pour la vérité sur la dette mise sur pied par la présidente du Parlement grec, il n’a tenu aucun compte en juin 2015 du rapport préliminaire de cette commission, qui établissait le droit de la Grèce à suspendre le paiement de la dette et indiquait les diverses voies que le pays pouvait suivre.

4. Les répudiations de dette dans l’histoire

Ces dix dernières années ont été riches en exemples de remise en question par des mobilisations populaires de l’accroissement de l’influence des marchés financiers. L’histoire des mouvements qui combattent l’injustice de la dette révèle la faible crédibilité des actions menées à l’initiative des créanciers. Dans ces cas-là, le problème de la dette n’est pas complètement résolu et le prix à payer pour une aide institutionnelle est bien trop élevé. Malgré la diversité des études et des campagnes de sensibilisation démontrant que les dettes insoutenables ne proviennent pas d’un excès de dépenses publiques, mais bien d’une situation créée en grande partie par les créanciers eux-mêmes, on n’a pas su profiter de plusieurs occasions de tenir tête à ces derniers avec succès.

La partie qui suit passe en revue les exemples de répudiation de dette à travers l’histoire afin de faire entrevoir que malgré le climat défavorable actuel, il est possible de se débarrasser d’une dette injuste, insoutenable et illégitime. Jérôme Roos se demande, au vu des nombreux précédents dans l’histoire, « pourquoi les États périphériques lourdement endettés ne se déclarent pas en défaut de paiement plus souvent » (Roos, 2016). Un acte souverain unilatéral est un moyen légitime de renverser le rapport de force et de faire table rase de la dette, et c’est précisément ce qui a manqué à la Grèce, en 2015, face à ses créanciers.

4.1. Les exemples de l’Équateur et de l’Islande

L’Équateur (2007-2009) et l’Islande (2009) sont des exemples encourageants de pays qui se sont attaqués au problème de la dette à travers des moyens alternatifs au remboursement inconditionnel. L’Équateur a combiné avec succès un audit de la dette avec participation citoyenne à une suspension de paiement, ce qui a finalement permis d’aboutir à une réduction importante de la dette extérieure du pays. Rafael Correa entra en fonction à la présidence du pays en 2007, après avoir été élu à la suite de forts mouvements sociaux, parmi lesquels on trouvait la campagne en faveur de l’annulation de la dette lancée en 1997 et menée entre autres par la mouvance chrétienne dans le cadre de la campagne mondiale Jubilé 2000, ainsi que par d’autres organisations actives dans le mouvement de lutte contre la dette, comme le Centre pour les droits économiques et sociaux (CDES). Lui-même inspiré par la théologie de la libération, Rafael Correa nomma au poste de ministre des Finances Ricardo Patiño, le chef de file du mouvement de lutte contre la dette. Ce dernier rassembla des fonctionnaires d’État et des militant·e·s des droits sociaux équatoriens ainsi que des représentants étrangers d’organisations de lutte contre la dette pour qu’ils rédigent ensemble le décret présidentiel par lequel Rafael Correa mit en place, en juillet 2007, la commission d’audit de la dette. En s’appuyant sur les résultats des travaux de cette commission, Correa suspendit le paiement de 3,2 milliards de dollars de dette sous forme de titres vendus à la bourse de Wall Street et arrivant à échéance entre 2012 et 2030, au motif que ces dettes étaient illégitimes. Le paiement fut interrompu à compter de novembre 2008 et Correa sut faire preuve de fermeté face aux détenteurs de ces titres, laissant planer le doute jusqu’en avril 2009 sur les intentions du gouvernement équatorien. Le 10 juin 2009, le gouvernement réussit à racheter 91 % de ces titres à 30 % de leur valeur faciale. En payant 1 million de dollars, l’Équateur a récupéré pour 3,2 milliards de dollars de titres, et ainsi économisé 2,2 milliards de dollars, ce qui, en tenant compte des intérêts qui restaient, équivaut à une économie d’environ 7 milliards de dollars (2,2 milliards de dollars de titres et 4,8 milliards de dollars d’intérêts). Cela n’a été possible que parce que le gouvernement de Rafael Correa, fort du soutien des mobilisations sociales, a décidé unilatéralement de suspendre le paiement de la dette en novembre 2008.

"Le refus de l’Islande de payer et la décision de poursuivre en justice les personnes responsables des risques pris par les banques n’ont été possibles que grâce à la mobilisation de la population dans ce pays"

En Islande, après la crise économique en 2008, les pouvoirs publics ont décidé, au lieu de sauver les banques du pays, d’effacer une partie de la dette hypothécaire. Des plaintes ont été déposées auprès de l’Association européenne de libre-échange (AELE) par les Pays-Bas et le Royaume-Uni, qui souhaitaient que l’Islande rembourse les dettes des banques privées islandaises auprès de créanciers britanniques et hollandais, mais l’AELE a donné raison à l’Islande en établissant que ce n’était pas le rôle du secteur public de couvrir les risques et les pertes du secteur privé. Le refus de l’Islande de payer et la décision de poursuivre en justice les personnes responsables des risques pris par les banques n’ont été possibles que grâce à la mobilisation de la population dans ce pays.

Même si les exemples récents de répudiation de dette réussie ne sont pas très nombreux, les mouvements de résistance contre la dette peuvent s’appuyer sur l’histoire des 19e et 20e siècles pour la mise en œuvre réussie d’actes souverains unilatéraux et de répudiation de dette. On en trouve divers exemples dans Toussaint (2017), qui analyse plusieurs exemples historiques au cours desquels la répudiation de la dette a porté ses fruits.

4.2. Répudiations de dette aux États-Unis dans les années 1830

La guerre civile étasunienne aux Etats-Unis

Dans les années 1830, quatre États de l’Amérique du Nord (le Mississippi, l’Arkansas, la Floride, et le Michigan) répudièrent leurs dettes, principalement entre les mains de créanciers britanniques. Le juriste Alexander Nahum Sack écrit à ce propos : « L’une des principales raisons justifiant ces répudiations a été le gaspillage des deniers empruntés : le plus souvent on avait emprunté pour l’établissement de banques ou la construction de chemins de fer ; or, ces banques firent faillite, les lignes de chemin de fer ne furent pas construites. Ces opérations louches ont été souvent le résultat d’un accord entre des membres indélicats du gouvernement et des créanciers malhonnêtes » (Sack, 1927). Ces répudiations furent entreprises après la crise bancaire de 1837 et sur fond de puissants mouvements populaires dans les années 1830. Les créanciers qui essayèrent de poursuivre devant la justice fédérale des États-Unis les États qui avaient répudié leurs dettes furent déboutés.

4.3. Au Mexique, des actions victorieuses de résistance à la dette aux 19e et 20e siècles

Le développement tumultueux du capitalisme au Mexique alimenta les contradictions croissantes parmi les classes dominantes du pays au milieu du 19e siècle : quand les libéraux prirent le pouvoir en 1855, ils adoptèrent des lois connues sous le nom de Réforme, visant à exproprier de leurs terres non seulement les communautés indigènes mais aussi le clergé, afin de promouvoir le développement d’une bourgeoisie capitaliste. En réaction, le parti conservateur, représentant les intérêts du clergé et des grands propriétaires fonciers, lança la guerre de la Réforme contre les libéraux au pouvoir, avec le soutien du pape Pie IX. Le libéral Benito Juárez, devenu président en 1858, fut renversé par des généraux conservateurs et, bénéficiant d’un large soutien populaire, organisa la résistance armée contre les usurpateurs. Après avoir gagné la guerre et être revenu au pouvoir en 1861, Juárez et son gouvernement répudièrent les emprunts internes contractés par les usurpateurs entre 1858 et la fin de 1860. Il suspendit ensuite le remboursement de la dette envers les banquiers londoniens et des créanciers mexicains qui avaient nouvellement acquis la nationalité française ou espagnole afin de bénéficier de la protection des puissances européennes. En décembre 1861 et janvier 1862, des forces armées espagnoles, britanniques et françaises envahirent le Mexique, conduisant finalement la France à s’emparer de la capitale et à installer une monarchie catholique avec le soutien des classes dominantes mexicaines, dont les intérêts en tant que créanciers étaient défendus par la France. En 1867, l’expédition militaire française se conclut finalement par une défaite cuisante. Une fois Benito Juárez de retour au palais présidentiel, il répudia toutes les dettes contractées par Maximilien d’Autriche, l’empereur fantoche placé sur le trône par la France ; il réaffirma également la répudiation de la dette intérieure contractée entre 1858 et la fin de 1860 par les usurpateurs conservateurs.

"Entre 1934 et 1943, dans un contexte de lutte sociale et de grèves ouvrières, le gouvernement mexicain [...] a refusé de reprendre les négociations avec les créanciers des pays industrialisés et a obtenu une réduction de plus de 90% de la dette"

L’histoire d’actions victorieuses contre la dette au Mexique ne s’arrête pas à cette répudiation à la suite d’une victoire anticoloniale. En 1914, au milieu de la révolution mexicaine qui avait éclaté en 1910, les paiements de la dette furent suspendus. Ils ne devaient être repris qu’en 1942 (dans les années 1920, deux gouvernements annoncèrent qu’ils reprendraient les paiements, en 1923 et en 1926, mais durent rapidement y renoncer), après que le Mexique eut remporté une victoire impressionnante sur ses créanciers. De décembre 1934 à décembre 1940, Lázaro Cárdenas occupa la fonction présidentielle dans un contexte de fortes luttes sociales, notamment des grèves ouvrières ; il mena à bien des réformes majeures, dont la mise en œuvre de certaines des aspirations révolutionnaires des années 1910-1917 et de dispositions de la Constitution progressiste de 1917 adoptée dans la foulée du mouvement révolutionnaire qui n’avaient jamais vraiment été mises en œuvre. Lázaro Cárdenas refusa de reprendre les négociations avec le Comité international des banquiers sur le Mexique (International Committee of Bankers on Mexico) qui avait été créé en février 1919 et réunissait les créanciers des pays industrialisés afin de pousser le Mexique à reprendre ses paiements. Finalement, en 1941, alors que les États-Unis s’apprêtaient à entrer dans la Seconde Guerre mondiale, le président Franklin D. Roosevelt insista pour que les banquiers américains, à commencer par J. P. Morgan, abandonnent leurs exigences et reconnaissent la répudiation du gouvernement mexicain. Alors que le Comité international exigeait le paiement d’une dette évaluée à 510 millions de dollars (capital et intérêts dus), l’accord final prévoyait le paiement d’un peu moins de 50 millions de dollars : une réduction de plus de 90 %. De plus, le taux appliqué pour la compensation en ce qui concerne les intérêts de retard est remarquable : 1/1 000 pour les arriérés antérieurs à 1923, 1/100 pour la période 1923-1943 (Wynne, 1951, p. 97 et tableau p. 106). Or, dans de nombreux accords de restructuration de dette datant du XIXe siècle ou de la première moitié du XXe siècle, les intérêts de retard étaient entièrement transformés en capital dû. La signature de cet accord était un véritable acte de capitulation de la part des banques.

4.4. La répudiation de la dette par la Russie soviétique

En 1905, lors de la première révolution russe qui fut finalement vaincue, le soviet de Saint-Pétersbourg publia un appel connu sous le nom du « Manifeste financier », dans lequel il dénonçait l’illégitimité des dettes contractées par le tsar (étant donné qu’elles avaient été contractées au profit de l’autocratie tsariste et de son pouvoir de coercition, ainsi que celui des capitalistes étrangers, des quelques capitalistes russes qui existaient, et contre les intérêts du peuple russe et des nations dominées par l’Empire tsariste) et annonçait qu’il ne reconnaîtrait pas celles-ci le jour où l’autocratie serait renversée.

Avec ses millions de victimes et ses destructions massives, la Première Guerre mondiale précipita les poussées révolutionnaires en Europe. Elle eut aussi pour conséquences d’enrichir les marchands de canons et les banques. Entre 1913 et la révolution d’octobre 1917, la dette publique russe fut multipliée par 3,6 et passa de £ 930 millions à £ 3 385 millions (Lienau, 2014).

En février 1918, par décret, toutes les dettes contractées par le régime tsariste et par le gouvernement provisoire qui avait continué la guerre furent répudiées. Les puissances capitalistes européennes, les États-Unis, le Canada et le Japon, dont les intérêts économiques étaient menacés par cette répudiation ainsi que par le renversement du capitalisme en Russie en tant que tel, se lancèrent dans une agression impérialiste afin de soutenir activement les armées contre-révolutionnaires en Russie et de restaurer le capitalisme dans le pays.

"Aucun accord ne fut trouvé à l’issue de la conférence de Gênes, mais la fermeté du gouvernement soviétique en valut la peine : la répudiation de la dette russe a été un succès"

Après que ce projet échoua, une conférence internationale fut appelée au printemps de 1922 à Gênes par cinq puissances capitalistes, dans le but de forcer le gouvernement soviétique à reconnaître les dettes qu’il avait répudiées et à cesser d’appeler à une révolution mondiale. Telles étaient les conditions à remplir pour que la Russie obtienne des emprunts et des investissements étrangers de la part des puissances capitalistes, dont elle avait besoin pour relancer son économie. La Russie soviétique refusa le chantage et affirma qu’elle était pleinement en droit d’avoir répudié toute la dette tsariste, puisque la révolution avait créé un nouvel ordre juridique. À cet égard, les diplomates russes mobilisèrent les précédents historiques de la France et des États-Unis. Aucun accord ne fut trouvé à l’issue de la conférence, mais la fermeté du gouvernement soviétique en valut la peine : dans les années suivantes, l’État soviétique fut reconnu par les différentes puissances capitalistes, les échanges commerciaux reprirent et des accords de prêt bilatéraux furent signés. La répudiation de la dette russe a été un succès.

4.5. La répudiation de la dette au Costa Rica

En janvier 1917, Federico Tinoco prit le pouvoir au Costa Rica après avoir mené avec succès un coup d’État militaire, et établit une dictature militaire sur le pays. En août 1919, poussé par un fort mécontentement populaire s’exprimant dans de larges mobilisations, Tinoco quitta le pays, emportant avec lui une forte somme d’argent qu’il venait d’emprunter au nom du Costa Rica à une banque britannique, la Banque Royale du Canada (voir Ludington et al, 2009). La Constitution du régime avant le coup d’État de Tinoco fut rétablie et, en août 1922, le Congrès constitutionnel déclara nuls et non avenus tous les contrats conclus entre le pouvoir exécutif et des personnes privées, avec ou sans l’approbation de la législature, entre le 27 janvier 1917 et le 2 septembre 1919 ; il annula également la loi n° 12 du 28 juin 1919, qui avait autorisé le gouvernement à émettre seize millions de colones (la monnaie du Costa Rica) en papier-monnaie, une somme qui avait été emportée par Tinoco lorsqu’il avait quitté le pays. Il convient de souligner que le nouveau président, Julio Acosta, opposa d’abord son veto à la loi sur la répudiation de la dette votée par le Congrès en 1920 (Lienau, 2014), affirmant qu’elle allait à l’encontre des obligations internationales contractées envers les créanciers. Mais le Congrès constitutionnel, sous la pression populaire, maintint sa position et le président retira finalement son veto.

Ces exemples historiques non exhaustifs constituent des preuves que les mouvements de résistance à la dette peuvent mener à des succès. Les cas les plus fructueux ont été les initiatives des pays débiteurs, où les mouvements de masse ont poussé directement ou indirectement à remettre en question le rôle de la dette publique.

4.6. Une longue liste d’annulations de dettes ou de répudiations du 19e au 21e siècles

La liste des annulations ou des répudiations de dette qui évoquent d’une manière ou d’une autre l’argument de l’illégitimité ou du caractère odieux de la dette est longue. En voici une liste non-exhaustive [11] : la répudiation des dettes par le Portugal en 1837 ; la répudiation par le Pérou de la dette réclamée par la banque Dreyfus de Paris en 1886 ; la répudiation de la dette réclamée par l’Espagne à Cuba en 1898 ; l’annulation des dettes contractées par l’Allemagne pour coloniser des territoires polonais et africains en 1919 ; l’annulation par le gouvernement bolchévique de la dette des trois États baltes en 1920 et des dettes de la Pologne, de la Perse et de la Turquie en 1921 ; l’annulation de tous les actes signés entre l’ancien gouvernement tsariste et la Chine en 1924 ; l’annulation de la majorité de la dette du Brésil et du Mexique en 1942-1943 ; la répudiation des dettes par la Chine révolutionnaire en 1949-1952 ; la répudiation des dettes à l’égard des Pays-Bas par l’Indonésie en 1956 ; la répudiation des dettes par Cuba en 1959-1960 ; la répudiation des dettes coloniales par l’Algérie en 1962 ; la répudiation par l’Iran en 1979 des dettes contractées par le Shah pour acheter des armements ; la répudiation par les trois républiques baltes des dettes héritées de l’URSS en 1991 ; l’annulation de la dette de la Namibie à l’égard de l’Afrique du Sud par le gouvernement de Nelson Mandela en 1994 ; l’annulation de la dette coloniale du Timor-Leste en 1999-2000 ; l’annulation de 80 % de la dette irakienne en 2004 ; la répudiation par le Paraguay des dettes envers des banques suisses en 2005 (Balbuena, 2008) ; l’annulation par la Norvège en 2006 de ses créances sur cinq pays (Équateur, Pérou, Sierra Leone, Égypte et Jamaïque) en rapport avec un contrat de vente de bateaux de pêche (CADTM, 2006).

5. La doctrine de la dette odieuse

Alexander Sack

Dans les campagnes actuelles et passées de résistance à la dette, des arguments sont avancés sur le caractère odieux des dettes. Ici, nous explorerons la doctrine de la dette odieuse afin de souligner sa pertinence continue. Les cas de répudiations réussies par les États débiteurs conduisirent en 1927 un juriste conservateur russe, Alexandre Nahum Sack, à rédiger ce que l’on appellerait plus tard la « doctrine de la dette odieuse ». Sack était en faveur de la continuité des obligations des États après un changement de régime, mais reconnaissait le fait que certains États avaient répudié leurs dettes avec succès. Son travail peut donc être interprété comme un moyen de mettre en garde les créanciers face à l’octroi de prêts qui légitimeraient la répudiation des dettes après un changement de régime au sein de l’État débiteur. Sack définit les critères qui devraient être remplis pour qu’une dette soit considérée comme odieuse :

« a) Que les besoins, en vue desquels l’ancien gouvernement avait contracté la dette en question, étaient « odieux » et franchement contraires aux intérêts de la population de tout ou partie de l’ancien territoire, et

b) Que les créanciers, au moment de l’émission de l’emprunt, avaient été au courant de sa destination odieuse. » (Sack, 1927)

"Contrairement à ce qui est souvent affirmé [...], Sack ne considère pas le fait que l’État débiteur soit un régime despotique comme une condition sine qua non pour qu’une dette soit qualifiée d’odieuse"

Contrairement à ce qui est souvent affirmé par des universitaires ou des mouvements sociaux se référant à la doctrine de la dette odieuse, Sack ne considère pas le fait que l’État débiteur soit un régime despotique comme une condition sine qua non pour qu’une dette soit qualifiée d’odieuse (et, en tant que penseur conservateur de la première moitié du 20e siècle, Alexandre Sack considère que les dettes contractées par un dirigeant despotique ne sont pas nécessairement contractées contre les intérêts de la population). Cela élargit la portée de l’application de la doctrine, car cela signifie qu’un régime démocratique peut contracter une dette odieuse.

Considérant que la doctrine a une certaine cohérence malgré le fait qu’elle soit critiquable, par exemple parce qu’elle donne la priorité aux créanciers et ne tient pas compte des droits de l’homme, certains mouvements de résistance à la dette ont utilisé cette doctrine et l’ont dépassée, « en conservant ce qui fonctionne, en éliminant ce qui est inacceptable et en prenant en compte des éléments liés aux conquêtes sociales et démocratiques qui se sont traduites dans l’évolution du droit international depuis la Seconde Guerre mondiale » (Toussaint, 2017). Il est pertinent de citer quelques extraits de la définition des dettes odieuses adoptée par le CADTM :

« tout prêt octroyé à un régime, fût-il élu démocratiquement, qui ne respecte pas les principes fondamentaux du droit international tels que les droits humains fondamentaux, l’égalité souveraine des États, ou l’absence du recours à la force, doit être considéré comme odieux. Les créanciers, dans le cas de dictatures notoires, ne peuvent arguer de leur ignorance et ne peuvent exiger d’être payés. Dans ce cas, la destination des prêts n’est pas fondamentale pour la caractérisation de la dette. En effet, soutenir financièrement un régime criminel, même pour des hôpitaux ou des écoles, revient à consolider son régime, à lui permettre de se maintenir. D’abord, certains investissements utiles (routes, hôpitaux…) peuvent ensuite être utilisés à des fins odieuses, par exemple pour soutenir l’effort de guerre. Ensuite, le principe de fongibilité des fonds fait qu’un gouvernement qui emprunte pour des fins utiles à la population ou à l’État – ce qui est officiellement presque toujours le cas – peut libérer des fonds pour d’autres buts moins avouables.

Au-delà de la nature du régime, la destination des fonds devrait en revanche suffire à caractériser une dette d’odieuse, lorsque ces fonds sont utilisés contre l’intérêt majeur des populations ou lorsqu’ils vont directement enrichir le cercle du pouvoir. Dans ce cas, ces dettes deviennent des dettes personnelles, et non plus des dettes d’État qui engageraient le peuple et ses représentants. Rappelons d’ailleurs l’une des conditions de la régularité des dettes selon Sack : « Les dettes d’État doivent être contractées et les fonds qui en proviennent utilisés pour les besoins et dans les intérêts de l’État. » Ainsi, les dettes multilatérales contractées dans le cadre d’ajustements structurels tombent dans la catégorie des dettes odieuses, tant le caractère préjudiciable de ces politiques a été clairement démontré, notamment par des organes de l’ONU. (Toussaint, 2005)

Pratiquement, pour tenir compte des avancées du droit international depuis la première théorisation de la dette odieuse en 1927, on pourrait qualifier au minimum les dettes odieuses comme celles contractées par des gouvernements qui violent les grands principes de droit international tels que ceux figurant dans la charte des Nations unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et les deux pactes sur les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels de 1966 qui l’ont complétée, ainsi que les normes impératives de droit international (jus cogens). » (Toussaint, 2017)

6. Conclusion

Ce chapitre démontre que de nombreux moyens légaux ou innovants peuvent être utilisés afin de remettre en question le pouvoir grandissant des créanciers. Après avoir été touché·e·s de plein fouet par la crise de 2007-2008 (qui résultait directement du processus de financiarisation à l’œuvre dans nos sociétés), des masses de citoyen·e·s sont descendues dans la rue, renforçant des réseaux militants qui existaient déjà ou en générant de nouveaux. Ce pouvoir des créanciers, qui s’est renforcé à travers la financiarisation, est loin d’être stable ou indépassable malgré ce que peuvent en dire les décideurs et décideuses politiques – qui présentent la priorité accordée à la satisfaction des intérêts des créanciers comme quelque chose de nécessaire et d’utile, qui ne peut pas et ne doit pas être remis en question. Ces militant·e·s et ces mouvements peuvent apprendre d’exemples historiques (dont certains ont été présentés dans ce chapitre) qui montrent que des actions unilatérales et des mobilisations populaires sont possibles et nécessaires pour contester ce pouvoir avec succès. Ces mobilisations populaires s’efforcent aussi souvent de démontrer la possibilité de politiques alternatives, ce qui n’a été que peu mentionné ici. C’est la combinaison de la volonté politique pour la mise en œuvre de telles alternatives et du soutien populaire qui est nécessaire pour que ces luttes puissent aboutir.

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Eric Toussaint, Christina Laskaridis, Nathan Legrand

CADTM

Notes

[1] Littéralement « 15 mai pour Rato ». Il s’agit d’un jeu de mot en espagnol reprenant le nom du célèbre mouvement social « 15M » (« 15 mai », également connu sous le nom « Mouvement des places » ou des « Indignés ») et le nom de l’ancien directeur général du FMI et président du CA de Bankia (voir plus bas) Rodrigo Rato, et pouvant également être compris comme « le 15M vivra longtemps » (« 15M pa’ rato »)

[2] LOBO = « Lender option borrower option », c’est-à-dire « Option pour le prêteur, option pour l’emprunteur ». Voici la définition qu’en donne Debt Resistance UK : « Un prêt LOBO est généralement un prêt à très long terme – souvent de 40 à 70 ans. Le taux d’intérêt est fixé au moment de l’emprunt, mais le prêteur a « l’option » de proposer ou d’imposer, à intervalles pré-déterminés – par exemple tous les cinq ans –, un nouveau taux. L’emprunteur a « l’option » d’accepter le nouveau taux ou de rembourser l’entièreté du capital emprunté ». URL (en anglais) : http://lada.debtresistance.uk/what-...

[3] « Strike Debt » peut signifier à la fois « Attaquons-nous à la dette » et « Effaçons la dette ».

[4] Les auteurs remercient Patrick Saurin (CADTM France) qui a rédigé la partie sur la France.

[5] Les auteurs remercient Gilles Grégoire (CADTM Belgique) qui a rédigé la partie sur la Belgique.

[6] La Wallonie étant la région francophone du sud de la Belgique. Ancienne zone sidérurgique et minière, elle est devenue, depuis les années 1970, la plus paupérisée des trois régions de Belgique.

[7] Les auteurs remercient Chiara Filoni (CADTM Italie et Belgique) qui a rédigé la partie sur l’Italie

[8] Chiara Filoni, « Les communes italiennes écrasées par la dette et l’austérité : un audit citoyen de la dette, maintenant ! » http://www.cadtm.org/Les-communes-i...

[9] Chiara Filoni, « Le CADTM Italie est né », http://www.cadtm.org/Le-CADTM-Itali..., « Le CADTM Italie se met au travail ! » http://www.cadtm.org/Le-CADTM-Itali...

[10] Pour plus d’informations sur l’état de nécessité tel qu’inscrit à la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, voir Lamarque et Vivien (2011).

[11] Une partie de ces exemples est répertoriée dans King, 2016.


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