L’eurodéputé Geremek défie le gouvernement polonais sur la décommunisation

vendredi 27 avril 2007.
 

Bronislaw Geremek, figure légendaire de l’ancienne opposition anticommuniste en Pologne, a décidé de mettre en jeu son mandat d’eurodéputé pour dénoncer la nouvelle loi de "décommunisation", imposée par la droite au pouvoir à Varsovie.

Professeur d’histoire médiévale, ex-dissident et chef de la diplomatie polonaise de 1997 à 2000, M. Geremek, 75 ans, a refusé de déclarer dans les délais requis s’il avait ou non collaboré avec les anciens services secrets communistes, comme la nouvelle loi polonaise lui en faisait l’obligation.

Elu au parlement européen en 2004 sur les listes de l’Union pour la liberté, un parti réformateur issu du syndicat Solidarité, Bronislaw Geremek a qualifié mercredi la nouvelle loi de "scandale juridique".

"Quand j’ai été candidat il y a trois ans, j’ai rempli toutes les exigences prévues par la loi électorale, y compris celle de remplir une déclaration" de ce type, a-t-il précisé à des journalistes à Strasbourg.

"Exiger de moi que j’en remplisse une à nouveau sous menace de me retirer mon mandat est en contradiction avec l’Etat de droit et méprise la volonté de 121.805 électeurs. C’est en contradiction avec le principe constitutionnel du respect de la dignité humaine", a-t-il estimé.

Le parti conservateur Droit et Justice (PiS) des jumeaux Lech et Jaroslaw Kaczynski, respectivement président et Premier ministre, a lancé cette année une vaste opération, très controversée en Pologne, visant à expurger la vie publique d’anciens collaborateurs des services secrets communistes.

Outre les responsables politiques et magistrats, cette opération vise aussi les professeurs d’universités, directeurs d’écoles, gestionnaires des sociétés d’Etat et journalistes, obligés sous peine de licenciement de déclarer leurs éventuelles collaborations.

Les déclarations doivent être vérifiées par un Institut de la mémoire nationale (IPN) qui gère les dossiers de l’ancienne police politique. Un mensonge est passible d’une exclusion pour dix ans de la vie publique ou professionnelle.

Plusieurs journalistes de renom ainsi que les recteurs des 105 universités polonaises publiques et privées ont dénoncé cette loi et protesté contre "la remise en cause" de l’Etat de droit par les conservateurs au pouvoir.

Saisie à la fois par l’opposition social-démocrate et par l’ombudsman (médiateur) polonais, la Cour constitutionnelle doit se prononcer avant le 15 mai sur la conformité de la nouvelle loi avec la Constitution.

Pour M. Geremek, qui a lancé mercredi "un appel à la retenue et la responsabilité" aux autorités polonaises, la nouvelle loi est une "menace à la liberté d’expression, à celle des médias et à l’autonomie des universités, qui crée une sorte de +ministère de la vérité+" orwellien.

Selon la presse polonaise, il est le seul des 51 eurodéputés polonais à ne pas avoir déposé sa déclaration avant la date limite du 19 avril.

Les responsables des principaux groupes politiques du Parlement européen ont apporté mercredi un large soutien à M. Geremek. "Vous pouvez compter sur l’expression de notre solidarité illimitée", a déclaré le président du groupe socialiste, Martin Schultz.

L’un des fondateurs du syndicat Solidarité et proche conseiller de Lech Walesa, son chef historique, Bronislaw Geremek avait appartenu à un petit noyau d’intellectuels qui prônaient depuis les années 1970 une opposition non-violente au régime totalitaire.

Après le coup de force du général Wojciech Jaruzelski contre Solidarité en 1981, Bronislaw Geremek a été emprisonné pendant plus de deux ans, aux côtés d’une douzaine de responsables du syndicat.

Il est considéré comme l’un des principaux artisans des transformations démocratiques conduisant à la chute du communisme en Europe de l’Est.


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