Polémique autour des « frais de bouche » d’Emmanuel Macron

mardi 7 février 2017.
 

Le mouvement En Marche, créé par Emmanuel Macron, nie avoir bénéficié d’une partie des frais de représentation de l’ex ministre de l’économie.

Le mouvement En Marche, créé par Emmanuel Macron, nie avoir bénéficié d’une partie des frais de représentation de l’ex ministre de l’économie.

« Aucun centime du budget du ministère ». Dans un communiqué publié jeudi 26 janvier, En Marche, le mouvement politique qu’Emmanuel Macron a lancé le 6 avril dernier tandis qu’il était ministre de l’économie, se défend d’avoir reçu le moindre crédit de Bercy. « Toute affirmation du contraire est purement et simplement diffamatoire », prévient le mouvement. Emmanuel Macron a été ministre de l’économie pendant deux ans, du 26 août 2014 eu 30 août 2016.

Des questions sur 120 000 € de dépenses

Cette mise au point fait suite aux accusations du président du groupe UDI (centriste) à l’Assemblée nationale, Philippe Vigier, qui, le 24 janvier, a demandé une « clarification » sur l’usage qu’Emmanuel Macron a fait de son enveloppe annuelle de frais de représentation lorsqu’il était ministre.

Le député d’Eure-et-Loir, qui est aussi l’un des porte-parole de François Fillon, accuse l’ancien locataire de Bercy d’avoir utilisé « 120 000 € des crédits du ministre à Bercy pour des agapes d’En marche, pour réunir tel ou tel, pour préparer sa campagne présidentielle ». « C’est de l’argent public, 120 000 €, ce n’est pas une petite somme », a-t-il ajouté, raillant « celui qui nous expliquait dans une déclaration, que pas un seul euro d’argent public serait utilisé pour sa campagne ».« Emmanuel Macron est l’incarnation de l’imposture », a renchéri le même jour le chef de file des députés LR, Christian Jacob, interrogé par la presse sur l’emploi de cet argent. Les mises en cause de deux journalistes

Les députés s’appuient sur un livre d’enquête paru cette semaine, Dans l’enfer de Bercy (Éd. JCLattès), des journalistes Frédéric Says et Marion L’Hour. Dans le premier chapitre de cette enquête de 400 pages, couvrant l’activité du « paquebot » dans son ensemble, les deux journalistes de Radio France affirment qu’Emmanuel Macron aurait dépensé sur les huit premiers mois de l’année 2016, jusqu’à sa démission, 80 % des 150 000 € d’enveloppe annuelle dédiée aux frais de représentation de son ministère, soit donc 120 000 €.

Les journalistes ne mentionnent pas explicitement En Marche mais écrivent que cette somme a servi au jeune ministre « pour ses seuls déjeuners et dîners en bonne compagnie », énumérant des personnalités de la société civile parfois éloignées du monde économique. D’où l’éclatement d’une polémique sur ces « frais de bouche », que dénoncent les députés de l’opposition. « Que ceux qui diffament s’occupent de leurs propres turpitudes »

« Recevoir au ministère des acteurs extérieurs à l’administration fait bien partie du rôle et de la fonction d’un ministre qui ne saurait travailler en circuit fermé et exclusif avec son administration », défend En Marche dans son communiqué de ce 26 janvier, qui ne récuse pas les chiffres cités.

Estimant avoir été en ce sens « un ministre très actif », Emmanuel Macron, en déplacement plus tôt au Liban, a contre-attaqué sur un autre terrain, rappelant que, lui, n’avait pas été « un ministre qui payait des collaborateurs à s’occuper de (sa) circonscription (..) qui payait des collaborateurs à faire vivre un parti politique ». « Que ceux qui diffament s’occupent de leurs propres turpitudes », a lancé l’ancien ministre à l’attention des députés accusateurs. « Travailler à sa propre candidature »

« Macron n’a pas dépensé plus que ce à quoi il avait droit très naturellement dans un ministère comme le nôtre », a défendu ce 26 janvier le ministre des finances, Michel Sapin, qui fut collègue d’Emmanuel Macron à Bercy. Il a « essayé de travailler à sa propre candidature », estime toutefois le ministre socialiste, qui, lui, soutient publiquement la candidature de Manuel Valls.

Budgétairement, les enveloppes pour frais de représentation sont notifiées en début d’année civile par Matignon à chaque ministre. À charge pour ce dernier de partager l’enveloppe affectée avec les secrétaires d’État placés sous sa tutelle. « Le montant de l’enveloppe est calculé en fonction du périmètre d’activité du ministre », précise un ancien membre de cabinet ministériel, joint par La Croix : « Le montant alloué est fréquemment réévalué en cours d’année, avec l’accord de Matignon. »

En pratique, les frais sont d’ordinaire moins engagés pendant toute l’adoption d’un projet de loi, qui retient le ministre à Paris. La polémique sur les « frais de bouche » porte précisément sur la période s’ouvrant après l’adoption en 2015 de la loi Macron pendant laquelle le jeune ministre aurait « levé le pied », selon Michel Sapin cité dans le livre-enquête.

Au-delà de ces frais controversés, les auteurs de Dans l’enfer de Bercy accusent le nouveau venu en politique d’avoir utilisé son passage à Bercy pour étoffer son carnet d’adresses au profit de son mouvement En Marche, explicitement nommé dans ce passage du livre. Le communiqué du mouvement ne répond cependant pas à ces accusations, que les députés n’ont pas non plus reprises.

Sébastien Maillard


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message