Trotski et le trotskisme (par Michel Lequenne)

mardi 17 avril 2007.
 

Prise de vue

Théoricien marxiste, président du soviet de Pétersbourg en 1905, numéro deux de la première révolution prolétarienne victorieuse, homme d’État du refus de la diplomatie secrète, créateur ex nihilo de la formidable Armée rouge, écrivain fulgurant (et premier critique littéraire marxiste digne de ce nom), puis à nouveau militant exilé faisant front presque seul à toutes les puissances du monde, à contre-courant de la période, Trotski, plus qu’aucun autre homme politique, a dressé sur le siècle une stature propre à cristalliser la ferveur et la haine. La grandeur et le tragique de sa vie tentent maintenant le dramaturge qui y voit un « destin », surtout au-delà de ce « minuit dans le siècle », période de réaction bipolarisée par le fascisme et le stalinisme, qui faisait de Trotski le diable de la négativité absolue, celui que l’on ne jugeait plus sur ses actes et ses œuvres, mais sur ce qu’il symbolisait, ici le « bolchevik juif », là l’opposant, l’homme du refus.

Plus de trente ans après son assassinat, Trotski commence à se dégager des brumes blanches ou noires de la légende et à apparaître ce qu’il fut : un révolutionnaire complet, autant homme de pensée que d’action, qui, plus heureux que Marx et Engels, put vérifier dans la pratique l’exactitude de ses théories ; plus heureux que Lénine, ne subit de momification ni de son corps ni - pire - de son enseignement, et, au prix le plus lourd (les cadavres des siens, surtout de ses quatre enfants, jonchant le chemin d’une vie de lutte impitoyable, bouclée par le coup de piolet qui lui défonça le crâne), réalisa un type humain qui esquisse l’homme à venir.

Plus que l’énergie indomptable, la hauteur du caractère, les capacités de travail et la hardiesse de la pensée, ce qui a frappé en Trotski, c’est sa faculté de prévision qui a amené son principal biographe à le qualifier de « prophète ». Prophète, Trotski ne l’est que très rationnellement, en tant qu’il fut, après Marx et Engels, un des plus remarquables utilisateurs de leur méthode.

Mais que reste-t-il de son œuvre ? Un demi-siècle durant, les novateurs politiques qui fleurissent chaque matin et se fanent à jamais le soir même se sont partagés entre ceux qui n’y voyaient que séquelles d’un marxisme dépassé (Octobre n’étant que l’achèvement de l’ère ouverte par 1848), un utopisme en somme, et ceux qui la réduisaient à une opposition conjoncturelle au stalinisme, qui devait disparaître avec celui-ci. Les lendemains de la « déstalinisation », les révolutions coloniales et la poussée des années soixante obligent à reconsidérer ces appréciations. La faillite du stalinisme (confirmée en Chine) voit la résurgence du trotskisme aussi bien en Europe que dans les pays sous-développés, et même dans les États du socialisme bureaucratique. Les organisations de la IVe Internationale dépassent de plus en plus le stade des groupes de propagande.

Peut-être faudra-t-il constater que Trotski et le trotskisme sont l’expression la plus jeune et la plus vivante du marxisme : celui de notre temps.

1. Trotski

La formation « classique » d’un social-démocrate russe

Lev Davidovitch Bronstein (qui devait devenir Trotski en 1902, par le hasard d’un faux passeport) est né le 26 octobre [7 nov.] 1879 à Ianovka, village perdu dans les steppes du gouvernement de Kherson, en Russie du Sud, au sein d’une famille juive de paysans moyens. Il connaît une enfance grise, sans grande tendresse, dans les années où s’élèvent les dernières flammes du terrorisme « populiste » de la Narodnaja Volja (la Volonté du peuple). À neuf ans, on l’envoie mener ses études à Odessa. Il se révèle immédiatement un élève brillant, mais auquel le sens de la fraternité, l’hypersensibilité à l’injustice, à l’hypocrisie, à la mesquinerie du chauvinisme et du racisme jouent des tours.

Les années quatre-vingt-dix sont celles où le marxisme se répand en Russie comme un feu de brousse. À dix-sept ans, l’adolescent va poursuivre ses études à Nikolaïev. Il ne tarde pas à les abandonner, renonçant à devenir un mathématicien. Populisme et marxisme se heurtent encore à égalité. Pas pour longtemps. Bronstein ne résiste un moment au courant des idées nouvelles que pour être emporté plus impétueusement par lui. Les grandes grèves de Pétersbourg en 1896 ont leur écho dans la lointaine province. Les étudiants « vont aux ouvriers » qui les reçoivent avec une soif de savoir plus grande que la science de leurs initiateurs, lesquels ne disposent d’abord que d’une seule copie manuscrite (fautive) du Manifeste communiste. Bronstein devient Lvov et participe à la création de l’Union ouvrière de la Russie méridionale, qui comptera plusieurs centaines de membres. Ce succès extraordinaire pour l’époque protège d’abord l’organisation de la police, laquelle ne peut croire que des gamins sont les véritables dirigeants de l’Union et les rédacteurs de feuilles si populaires dans les usines : elle cherche derrière eux, et ne procédera à des arrestations qu’en janvier 1898. Trop tard ! L’Union n’en est pas détruite pour autant.

C’est, pour le futur Trotski, le commencement de ses véritables universités révolutionnaires : deux ans dans les prisons de Nikolaïev, de Kherson, d’Odessa où il découvre A. Labriola et écrit son premier ouvrage sur la franc-maçonnerie (perdu, mais qui lui servira plus tard au combat contre elle, en particulier dans le mouvement ouvrier français) ; puis, la première déportation, intense foyer de culture théorique, où il rencontre des hommes comme Djerzinski et Ouritski, où il devient un critique littéraire réputé parmi les déportés, et découvre Lénine par son grand livre sur le développement du capitalisme en Russie, puis par le Que faire ? qui lui est une révélation. Il lui faut s’évader.

Par Vienne et Zurich, il atteint Londres, et Lénine, encore entouré des vétérans, Plekhanov, Vera Zassoulitch... et de ceux qui vont devenir les mencheviks. On est à la fin de 1902 ; le IIe congrès du Parti social-démocrate se prépare. Lénine est enthousiasmé par les talents de ce jeune Pero (la Plume) et l’impose à la rédaction de l’Iskra (L’Étincelle). Trotski fait là ses « études supérieures » de marxisme auprès de ces aînés qu’il admire. Mais le IIe congrès est celui de la scission entre bolcheviks (majoritaires) et mencheviks (minoritaires). Bien que politiquement plus proche de Lénine, Trotski, qui voit en lui le « scissionniste » et condamne son hypercentralisme (Nos tâches politiques), se range d’abord aux côtés des mencheviks.

Pour peu de temps. Dès septembre 1904, il rompt avec la minorité qui se refuse à rechercher la réunification. Pendant treize ans, Trotski va être un isolé, un hérétique, se dépensant avec acharnement pour l’impossible fusion des deux courants de la social-démocratie. Le coup de tonnerre du « Dimanche rouge » (9 (22) janv. 1905) le précipite - clandestinement - en Russie, dès février, alors que les autres leaders socialistes ne vont y arriver qu’en octobre. Cet avantage fait de lui le premier praticien des théories élaborées en exil. Cela transforme son rapport aux anciens avec qui il vient de rompre. Sa période d’« universités » est terminée. Ce jeune homme de vingt-six ans est maintenant un maître.

Le théoricien de la révolution permanente

Trotski se rend d’abord à Kiev, où ses feuilles d’agitation trouvent l’appui de l’ingénieur bolchevik Krassine qui dispose d’une imprimerie clandestine. C’est au long de 1905 que mûrit la théorie de la révolution permanente, aussi célèbre que méconnue.

Partant à la fois des conclusions théoriques tirées par Marx en 1850 des leçons de la révolution de 1848 (Adresse au comité central de la Ligue des communistes), et de l’analyse des forces sociales propres à la Russie que caractérisent à la fois le retard économique (développement inégal) et le court-circuitage de cette évolution par l’intervention du capital des pays étrangers les plus avancés (développement combiné), Trotski parvenait aux conclusions qui allaient se révéler la clef de la révolution russe avant de prendre valeur universelle. Cette conception est parfaitement résumée par ces lignes écrites pendant l’été 1905 : « La Russie se trouve devant une révolution bourgeoise démocratique. À la base de cette révolution, il y a le problème agraire. La classe ou le parti qui saura entraîner à sa suite les paysans contre le tsarisme et les propriétaires nobles s’emparera du pouvoir. Ni le libéralisme ni les intellectuels démocrates ne peuvent parvenir à ce résultat : leur époque historique est finie. Le prolétariat occupe déjà l’avant-scène révolutionnaire. C’est seulement la social-démocratie qui peut entraîner, par l’intermédiaire des ouvriers, la classe paysanne. Ceci ouvre, devant la social-démocratie russe, des perspectives de conquête du pouvoir qui anticipent celles des États d’Occident. La tâche directe de la social-démocratie sera de parachever la révolution démocratique. Mais le parti du prolétariat, quand il aura conquis le pouvoir, ne pourra se borner à un programme démocratique. Il sera forcé d’entrer dans la voie des mesures socialistes. Le trajet qu’il pourra faire dans cette voie dépendra non seulement des rapports internes de nos forces, mais aussi de toute la situation internationale. »

Une telle conception s’opposait à celle des mencheviks pour lesquels la révolution devait nécessairement passer par la démocratie bourgeoise, et qui, par conséquent, préconisaient une alliance du prolétariat et de la bourgeoisie libérale, ce qui les amenait, dans les faits, à abdiquer entre les mains de cette dernière la charge de direction de la révolution et devait les vouer, à terme, à la pure et simple capitulation. Elle s’opposait également à la conception de Lénine et des bolcheviks qui croiront jusqu’en 1917 à la possibilité d’une « dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie » conduisant le développement capitaliste de la Russie à des « rythmes américains », et dont l’instabilité sociale par rapport à ses tâches doit trouver sa protection dans l’essor de la révolution socialiste en Occident. Ces trois conceptions, sous des déguisements divers, continuent à s’opposer de nos jours.

Mais, en 1905, elles ne sont antagoniques que pour les leaders les plus clairvoyants, et elles se trouvent mises au second plan par le premier élan de la révolution où le tsarisme et la haute finance font contre eux la quasi-unanimité de toutes les classes sociales. En octobre, les grèves multiples se transforment en grève générale. Trotski, venu à Pétersbourg au début de l’été, et qui a dû se cacher en Finlande, rentre dans la capitale impériale, lance la Russkaja Gazeta (Gazette russe) dont le tirage s’élève en quelques jours à 100 000 exemplaires, puis, avec les mencheviks, Nacalo (Le Commencement) dont le succès est foudroyant. Membre du premier soviet, Trotski s’y inscrit très vite comme son principal dirigeant (il est l’éditorialiste de son organe, les Izvestia) alors que son président est encore l’avocat libéral Georges Nossar-Khroustalev, auquel il succède quand celui-ci est arrêté le 26 novembre (9 déc.). Le 3 (16) décembre, c’est le soviet tout entier qui est arrêté, mais pendant tout le reste du mois la révolution jette encore de hautes flammes. Non seulement Trotski en apparaît comme le premier dirigeant, mais c’est sa ligne politique qui s’est imposée à toute la social-démocratie, aux bolcheviks comme aux mencheviks. Cela va changer après la défaite.

Le procès du soviet a lieu près d’un an plus tard et dure un mois. Trotski, avec quinze autres accusés, est condamné à la déportation perpétuelle. Le régime pénitentiaire est devenu plus dur. Il s’évade pendant le voyage vers la Sibérie. Le 2 (15) mars 1907, il est de retour à Pétersbourg et passe en Finlande où commence son second exil.

En avril 1906, avait eu lieu à Stockholm un congrès de réunification de la social-démocratie russe. En 1907, Trotski arrive à temps pour le congrès de Londres : la fusion « présentait déjà une profonde fissure. Le reflux de la révolution continuait. Les mencheviks se repentaient des folies commises en 1905. Les bolcheviks ne se repentaient de rien et persistaient à tendre vers une nouvelle révolution. » Lénine approuva les travaux que Trotski avait « faits en prison, mais [lui] reprocha de n’en avoir pas tiré les déductions indispensables au point de vue de l’organisation, c’est-à-dire de n’être pas encore venu du côté des bolcheviks » (Ma vie).

C’était en effet une erreur, que Trotski admit plus tard, mais une erreur peut-être nécessaire à la maturation de son apport théorique propre, pendant les dix ans qu’il passe pour l’essentiel à Vienne, publiant un journal intitulé la Pravda (1908).

La forme ultime de la théorie de la révolution permanente peut se résumer ainsi :

1. C’est à l’échelle du monde entier que dans les pays arriérés, les colonies, ou semi-colonies, la classe bourgeoise - y compris la petite-bourgeoisie - est incapable d’assurer les tâches des révolutions démocratiques bourgeoises. Dans tous ces pays, le rôle révolutionnaire de la paysannerie est primordial, mais cette classe est également organiquement incapable de conduire la révolution. Seul le prolétariat, même numériquement faible, organisé en parti de classe, peut fournir le programme et la direction de la révolution, et doit entraîner la paysannerie dans une lutte implacable contre l’influence de la bourgeoisie nationale.

2. De ce fait, la victoire de la révolution qui réalise les tâches démocratiques n’est concevable qu’au moyen de la dictature du prolétariat, et, en conséquence, cette révolution ne peut s’arrêter au stade démocratique et se transforme directement en révolution socialiste, devenant ainsi une révolution permanente.

3. La révolution socialiste ne peut être achevée dans les limites nationales. Elle « commence sur le terrain national, se développe sur l’arène internationale et s’achève sur l’arène mondiale [...] dans le triomphe définitif de la nouvelle société sur toute notre planète ».

4. Il en résulte que « dans certaines circonstances, des pays arriérés peuvent arriver à la dictature du prolétariat plus rapidement que des pays avancés, mais ils parviendront au socialisme plus tard que ceux-ci » ; dernier aspect du caractère permanent de la révolution : elle continue au-delà même de l’instauration du pouvoir ouvrier.

La direction de la révolution d’Octobre

Au long des dix années, presque toutes de réaction politique, qui précèdent la révolution d’Octobre, les tendances russes apparaissent aux puissants partis sociaux-démocrates d’Occident comme autant de groupuscules, et leurs débats théoriques comme autant de querelles byzantines. La violence inconsidérée de ces polémiques - qui nourrira si tragiquement la période de réaction stalinienne - est la seule excuse à de tels jugements. Inversement, Lénine et Trotski purent, durant ces années, prendre la juste mesure des révolutionnaires en chambre et des socialistes ministrables que la Première Guerre mondiale allait jeter dans l’« union sacrée » avec leur propre bourgeoisie. Pour un Liebknecht et une Rosa Luxemburg, combien d’Adler et d’Hilferding, pour ne pas parler des Bernstein.

Les guerres (et les révolutions) sont la pierre de touche des hommes et des formations. Celle-là sépare au couteau le mouvement ouvrier organisé en deux camps : d’un côté les patriotes collaborateurs de classes, l’énorme majorité ; de l’autre, les internationalistes défaitistes, une infime minorité. Trotski comme Lénine étaient de cette minorité.

Après un court séjour en Suisse, Trotski s’était fixé à Paris, dès novembre 1914, où il publia Nase Slovo (Notre Parole), petit quotidien à éclipse qui joua un grand rôle dans le rassemblement des internationalistes socialistes de France, d’Italie, d’Allemagne et des Balkans. Lénine est en Suisse. Divisés encore sur des points secondaires à la conférence de Zimmerwald (sept. 1915), dont Trotski rédigea le manifeste, ils n’allaient plus cesser de se rapprocher.

Zimmerwald proclame la faillite de la IIe Internationale et jette les bases de la IIIe. Au redressement du mouvement ouvrier qui s’esquisse alors répond l’expulsion de Trotski par le gouvernement français. Aucun pays allié ou neutre ne lui accorde un visa. Il est jeté en Espagne où il erre avant de devoir partir pour New York (janv. 1917), où il rencontre Boukharine, expulsé de Scandinavie, et collabore au quotidien russe révolutionnaire Novyj Mir (Nouveau Monde). C’est là qu’en 1917 l’atteint l’écho du coup de tonnerre de la révolution de Février.

Retenu un mois dans un camp de concentration canadien, où il gagne à Liebknecht les prisonniers de guerre allemands, cette fois Trotski rejoint la Russie un mois après Lénine. Celui-ci est en lutte pour le redressement de son propre parti, dont la direction, assurée avant son retour par Kamenev et Staline, tendait à la conciliation avec les mencheviks, pour qui la chute de la monarchie constituait la fin de la révolution. Pour Trotski, comme pour Lénine qui vient de rédiger les fameuses « thèses d’avril », ce n’en est que le commencement. Aucun des problèmes qui ont causé l’explosion révolutionnaire n’est résolu ; le gouvernement Kerenski préparait même une nouvelle offensive alors que le premier mot d’ordre des masses était : la paix. L’histoire balayait les formules théoriques inadaptées et imposait la seule voie, la révolution permanente et son mot d’ordre : « Tout le pouvoir aux soviets. »

Comme dans la « répétition » de 1905, Trotski est porté, de meeting en meeting, à la tête du mouvement. Dans la brève période de réaction de juillet, il se retrouve en prison, tandis que Lénine, menacé de mort par la calomnie majeure d’être un « agent de l’Allemagne », doit se cacher en Finlande. Mais le courant de la révolution est loin d’être épuisé. En septembre, Trotski est libre et président du soviet de Petrograd. En août, son organisation des « internationalistes unifiés » a fusionné avec le parti bolchevik. C’est l’heure de prendre le pouvoir. Trotski est l’appui principal qui permet à Lénine, paralysé par la clandestinité, de vaincre les résistances sourdes ou ouvertes d’une partie de l’état-major bolchevik. Et c’est lui encore qui assure l’organisation et la direction suprême de l’insurrection du 25 octobre (7 nov.). Désormais, les deux noms de Lénine et Trotski sont liés par l’histoire comme ceux des deux titans de la révolution d’Octobre qui, sans eux (de leur avis même), n’eût probablement pas eu lieu.

La prise du pouvoir n’est qu’un moment - nodal, mais un moment - de la révolution. Les mois, les années qui suivent sont aussi torrentueuses que l’année 1917. Pendant trois mois, Trotski est commissaire du peuple aux Affaires étrangères, puis commissaire du peuple à la Guerre. Lénine étant au poste de pilotage général, Trotski occupe les fonctions immédiatement les plus importantes.

La première tâche est d’accorder la paix aux masses qui ont fait la révolution pour cela. Trotski invente à Brest-Litovsk une nouvelle diplomatie, de meeting de place publique. Alors que l’armée russe se démobilise toute seule et que les puissances de la Quadruple Alliance en conçoivent la possibilité de gigantesques annexions, il faut gagner du temps et faire la démonstration devant l’opinion ouvrière mondiale que la paix imposée au jeune État ouvrier n’a rien d’une capitulation lâche ou complice. Le Comité central bolchevik est divisé, une minorité préconise la guerre révolutionnaire ; Lénine, pratique, est partisan d’accepter le traité draconien ; Trotski fait l’accord provisoire sur une déclaration sans précédent de « ni paix ni guerre ». Mais, devant l’avancée allemande, et démonstration faite de la main forcée, la position de Lénine est acceptée, et la paix est signée le 3 mars 1918 : l’armée allemande occupait à ce moment la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, l’Ukraine et une partie de la Grande Russie.

Ce péril écarté, de nouveaux apparaissent à tous les bouts de l’immense empire russe en chaos : la guerre civile commence qui va durer quatre ans. De tous les exploits de Trotski, la création et la direction de l’Armée rouge paraissent les plus étonnants. Le pays est ravagé par la famine et son économie épuisée est désarticulée ; il n’a plus d’armée : il faut en sortir une du néant. Trotski n’a d’expérience militaire que livresque, mais il est surtout maître dans l’art de concentrer l’énergie et la révolution en sécrète à profusion. Dans son train blindé qui sillonne le pays réduit à un fragment de la Russie blanche, il transforme les bandes anarchiques de partisans en armée disciplinée, retourne contre la vieille société de meilleurs spécialistes militaires, flanqués de commissaires qui veillent, revolver au poing, à leur fidélité, fait des héros avec des déserteurs, invente sur le terrain une stratégie de la guerre révolutionnaire. En moins de quatre ans, dix armées sont battues au nord, au sud, à l’est, à l’ouest malgré les trahisons, les incapacités, le gâchis. Le sabotage de Staline détermine l’échec de la dernière campagne de libération de la Pologne. Presque tout l’empire des tsars a été regagné à la révolution, à l’exception de la Géorgie, de la Finlande, de la Pologne, des États baltes. Les puissances belligérantes épuisées, menacées elles-mêmes par la révolution, sont obligées de laisser l’État soviétique en paix.

Il est en ruine. Il s’agit de relever son économie. C’est la nouvelle tâche qui incombe à Trotski. Celle-là, qu’il entreprend magistralement (cf. Cours nouveau), il ne pourra pas la mener à son terme.

L’Opposition de gauche

La victoire du bolchevisme a été incomplète. La révolution ne s’est pas étendue à toute l’Europe comme l’attendaient Lénine et Trotski. La révolution soviétique reste isolée dans un pays, certes immense, mais où les ravages de la guerre civile se sont ajoutés à ceux de la guerre mondiale. Successivement, les révolutions allemande et hongroise ont été vaincues. Il faut que la jeune république des soviets survive en attendant le nouveau flux. Cependant, les marxistes savent qu’il n’y a pas de socialisme de la misère possible. La disette crée l’inégalité. Le prolétariat est la classe sans culture, a fortiori en Russie où l’arriération culturelle est immense : celle-ci pèse de tout son poids sur le nouveau régime où « les héros sont fatigués », où d’innombrables militants d’élite sont morts et remplacés par des arrivistes et des ralliés de la dernière heure. Une bureaucratie, qui prend de profondes racines dans celle du régime précédent, se lève. Lénine, vigilant, entame son dernier combat contre elle, mais meurt sans avoir pu le mener à terme. Dès le début de 1923, la paralysie ne lui laissera que de brefs répits. Il a le temps de reconnaître l’homme dangereux : Staline, aventurier qui s’est élevé par et dans l’« appareil ». Ses dernières lettres seront pour rompre avec celui-ci et pour engager Trotski à la lutte pour l’élimination de Staline du poste de secrétaire général.

Le danger que représente Staline, Trotski le sous-estimera. Aurait-il pu l’abattre en suivant à la lettre les instructions de Lénine ? C’est là le type de question que l’histoire reprend toujours sans pouvoir trancher. Trotski (comme Nadejda Kroupskaïa, veuve de Lénine) pensait que les forces de réaction qui portaient Staline auraient de toute façon trouvé à s’incarner. Le pouvoir n’est pas un objet que l’on tient dans la main, explique Trotski, c’est l’expression d’un rapport de forces sociales. Or la révolution mondiale reflue. Après le nouvel échec en Allemagne - dont la responsabilité incombe au Komintern dirigé par Zinoviev - et l’avortement de la montée révolutionnaire en Angleterre, c’est le désastre en Chine sous la direction directe de Staline qui soumet le Parti communiste au Kouo-min-tang de Tchiang Kai-chek, en un véritable retour au pire menchevisme. En contrecoup, la République soviétique se replie sur elle-même et favorise la thèse de Staline de « socialisme dans un seul pays ». Trotski est écarté du pouvoir. Il a rassemblé une Opposition de gauche qui lutte à l’intérieur du parti pour la démocratie et l’industrialisation, et que Staline traque au nom de l’interdiction des fractions promulguée aux heures de la guerre civile. Staline, qui a couvert son action de l’autorité des « vieux bolcheviks » Zinoviev et Kamenev, écarte ensuite ceux-ci, qui s’allient alors à Trotski dans une Opposition unifiée. Mais encore une fois trop tard : le parti est déjà transformé, gonflé d’une mer d’adhérents obéissant à des cadres eux-mêmes sélectionnés sur leur docilité à l’appareil... dont Staline tient tous les fils par l’intermédiaire d’un noyau qu’il contrôle seul. L’Opposition, par crainte d’un affaiblissement du pays devant l’ennemi, qui refuse à en appeler au peuple. Cependant, Trotski reste le leader le plus populaire. Le tuer n’est pas encore possible. Staline obtient son exclusion du Parti communiste, le fait exiler à Alma-Ata, en Asie centrale, puis expulser en Turquie (févr. 1929).

Entre-temps, la politique d’appui sur les koulaks (paysans riches) ayant fait faillite, Staline en rejette la responsabilité sur son coéquipier Boukharine qu’il écarte à son tour du pouvoir, reprend à son compte le programme d’industrialisation de l’Opposition et s’engage dans son application brutale et à des rythmes démentiels. Ce tournant suffit pourtant à démanteler l’Opposition qui croit voir là sa propre victoire de facto. Sept ans plus tard, tous ses membres seront assassinés, quelques-uns après des procès truqués, la plupart dans l’ombre. Staline n’est pas encore le maître absolu, mais il n’a déjà plus de pairs dans l’exercice du pouvoir.

Le dernier exil et la IVe Internationale

Trotski voit s’ouvrir le troisième âge de sa vie. À nouveau, le voici exilé, et quasi seul, mais craint de tous les gouvernements dont aucun n’ose lui accorder un visa. Entre la Turquie, où il s’installe pour quatre ans en janvier 1929, et le Mexique, où il vivra trois ans et tombera en 1940, il connaîtra deux haltes précaires, en France de 1933 à 1935, en Norvège en 1935 et 1936. Ce sont des années noires, marquées par la grande crise économique, le chômage massif, la montée du fascisme. En U.R.S.S., les cours droitiers, suivis de cours ultragauches, ont leurs prolongements en politique extérieure, par le canal de la IIIe Internationale soumise, elle aussi, au joug bureaucratique. Son ultragauchisme fraye la voie à Hitler en désignant la social-démocratie comme l’ennemi principal ; la politique de « front populaire » qui lui succède favorisera la victoire de Franco en soumettant le prolétariat espagnol à sa bourgeoisie « démocratique » (politique mencheviste typique, terrorisme en plus). Quant à l’U.R.S.S., elle va s’enfoncer dans un cauchemar kafkaïen, surtout à partir de l’assassinat de Serge Kirov, dont Staline se débarrasse à l’heure où ses complices des premières heures, s’effrayant à la fois de ses erreurs et de ses méthodes, songent à le démettre.

Trostski, dans cette situation, ponctuée pour lui par les nouvelles des capitulations, par les déportations de ses partisans, puis, à partir de 1936, par les terribles procès de sorcières de Moscou, entreprend ce qu’il a jugé (à l’encontre de l’avis de son principal biographe, I. Deutscher) « le travail le plus important de [sa] vie, plus important que 1917, plus important que l’époque de la guerre civile, etc. » : « Munir d’une méthode révolutionnaire la nouvelle génération, par-dessus la tête des chefs de la Deuxième et de la Troisième Internationale, c’est une tâche qui n’a pas, hormis moi, d’homme capable de la remplir [...]. Il me faut encore au moins quelque cinq ans de travail ininterrompu pour assurer la transmission de l’héritage » (Journal d’exil). Il ne lui en fut pas accordé une de plus. Mais en ses dernières années, quelle activité ! Ce sont celles de ses œuvres les plus fortes, des dizaines de volumes, des centaines d’articles couvrant tous les domaines de la pensée marxiste, enrichissant celle-ci de trois nouveaux apports essentiels : la théorie de l’État ouvrier dégénéré et du « stalinisme » (la seule qui ait résisté à la critique de l’histoire et qui est reprise par les plus avancés des historiens soviétiques modernes, comme R. Medvedev) en tant qu’excroissance bureaucratique s’élevant sur les fondements de l’économie collectiviste dans un État ouvrier isolé et arriéré, mais historiquement instable et qui ne pourra survivre au développement de la révolution ; la théorie du fascisme (qui s’est imposée à tous) en tant que solution politique bourgeoise ultime devant la révolution ; enfin la stratégie du « programme de transition », dont la mise au point fournit son texte fondamental au congrès de fondation de la IVe Internationale.

Mais la partie peut-être la plus grande de son temps, Trotski la consacra à rassembler patiemment les cadres humains de la nouvelle organisation révolutionnaire. Dans une période de réaction coupée seulement de la montée ouvrière de 1934-1937 en Europe occidentale, c’était une tâche de Sisyphe. Les groupes de l’Opposition de gauche internationale (jusqu’en 1934) puis, lorsque la victoire d’Hitler signa la faillite du Komintern, les comités « pour la IVe Internationale » (jusqu’à la proclamation de celle-ci en 1938) comptèrent rarement plus de quelques dizaines de membres, et sur les quelques milliers qu’ils rassemblèrent au total, à peine des centaines transmirent-ils l’enseignement, décimés qu’ils furent, et sélectionnés au cours des débats où Trotski rompait impitoyablement avec tous ceux qui cédaient aux tentations des « raccourcis » ou à l’impressionnisme, et tendaient à rejeter, avec le stalinisme, la défense de l’État ouvrier et la rigueur du bolchevisme. Mais Trotski connaissait trop l’atmosphère politique délétère des démocraties d’Occident pour céder à quelque complaisance que ce fût. Son aventure individuelle l’avait armé pour regarder en face avec sérénité les pires conjonctures : il voyait venir la guerre et regardait son au-delà qu’il savait avoir peu de chance de vivre, alors qu’autour de lui les hommes de main de Staline frappaient, là un de ses secrétaires (R. Klement), là un agent du Komintern qui le rejoignait (I. Reiss), puis son propre fils, L. Sedov. Quand le piolet de l’assassin guépéoutiste Ramon Mercader lui eut défoncé le crâne, il put encore confier ces mots : « Dites à nos amis : Je suis sûr de la victoire de la IVe Internationale. »

2. Le trotskisme

La IVe Internationale

En faisant assassiner Trotski, dans le même temps où les trotskistes d’Union soviétique, tous déportés, sont fusillés en masse dans les camps de concentration, Staline est-il parvenu à ses fins : écraser les derniers germes révolutionnaires susceptibles d’enrayer son emprise sur le mouvement ouvrier mondial ? Il pouvait le sembler à des observateurs superficiels. Les minuscules organisations de la IVe Internationale, déchirées par des scissions à la veille du second conflit mondial, vont être séparées par les murailles de feu de la guerre et subir la répression de tous les camps en présence : prison ou camp en tant que « communistes » dans les démocraties capitalistes (dirigeants du Socialist Workers Party aux États-Unis) et leurs colonies (Tha Thu-tau à Poulo-Condore), poteau d’exécution dans les pays dominés par le fascisme (Pouliopoulos en Grèce, Gueguen et Bourhis à Chateaubriant...), répression stalinienne qui s’exerce jusque dans les camps de concentration nazis ou les maquis (P. Tresso et ses compagnons en France).

Mais le travail acharné de clarification politique mené par Trotski n’a pas été vain. Dans ces conditions de répression jamais vues, les groupes trotskistes continuent ou se reconstituent, souvent avec de jeunes dirigeants, inconnus avant la guerre. Ainsi, en France, où La Vérité, organe du Parti ouvrier internationaliste, est le premier journal clandestin à paraître (à l’heure où L’Humanité sollicite sa parution légale auprès des autorités allemandes). Cela ne va pas sans quelques vacillations théoriques, mais, fait remarquable, elles sont toujours redressées. En Europe, un secrétariat européen se constitue dès 1942, dont deux des principaux dirigeants, Marcel Hic et Abram Léon, disparaîtront dans les camps de la mort. Hors du concert de la nouvelle union sacrée baptisée Résistance, les trotskistes luttent « pour que la défaite d’Hitler soit la victoire des travailleurs ». Se refusant à confondre le nazisme et le peuple allemand, ils sont les seuls à organiser des cellules communistes dans l’armée allemande. En France, les trois organisations trotskistes principales fusionnent au début de 1944 et forment le Parti communiste internationaliste.

Mais la fin de la Seconde Guerre mondiale n’est pas sa transformation en révolution. Le stalinisme semble même sortir renforcé du conflit, auréolé par la victoire militaire de l’U.R.S.S. Si les trotskistes constatent, dès 1946, qu’ils ont tenu bon et que la IVe Internationale existe réellement dans une trentaine de pays, ils ne sont toujours que des groupes, et à contre-courant. L’absence de décollage entraîne des séries de révisions. Le « schisme » yougoslave de 1948 puis la victoire de la révolution chinoise manifestent la fêlure du stalinisme ; cependant les scissions aboutissent, en 1952-1953, à une véritable explosion de la IVe Internationale dont les deux centres (Comité international et Secrétariat unifié de la IVe Internationale) sont d’une égale faiblesse.

Pourtant, l’année 1953 est précisément celle de la mort de Staline, bientôt suivie par la « déstalinisation ». 1956 voit successivement le XXe congrès du P.C. de l’U.R.S.S. avec le discours secret de Khrouchtchev qui confirme largement ce que les trotskistes disaient depuis trente ans, et la révolution hongroise, qui vérifie les pronostics de Trotski sur l’avenir de la bureaucratie. Les révolutions coloniales remettent aussi la révolution permanente à l’ordre du jour. Une lente remontée commence. Elle s’affirme en 1963 par une réunification mondiale de la IVe Internationale. Incomplète toutefois ; trois autres courants continuent à se réclamer du trotskisme : le courant latino-américain « posadiste » (du nom de son dirigeant Posadas) ; le courant anglo-français (« lambertiste-healyste », du nom de ses dirigeants P. Lambert et G. Healy) qui continue à se nommer Comité international ; enfin, à partir de 1965, le courant « pabliste » (animé par M. Raptis, dit Pablo) qui place l’épicentre de la révolution dans la révolution coloniale.

1968 marque un nouveau seuil pour le mouvement trotskiste. Bien qu’en France comme ailleurs les événements de 1968 mettent surtout en avant le spontanéisme et les mouvements maoïstes, il ne peut échapper que le Mai français est relié politiquement à la lutte étudiante contre la guerre du Vietnam, où la J.C.R. (Jeunesse communiste révolutionnaire) dirigée par des trotskistes a joué un rôle moteur, et que Mai a été précédé à Berlin et à Bruxelles de manifestations qui préparaient leurs participants mieux que quiconque à l’explosion étudiante.

Cinq ans après, non seulement la nouvelle section française de la IVe Internationale, la Ligue communiste, issue de Mai 68, est devenue la plus importante, par le nombre et l’influence, de toutes les organisations nées alors, mais encore ce phénomène se reproduit dans le monde entier : dans presque tous les pays d’Europe occidentale, en Amérique latine, où les organisations trotskistes tendent à prendre la place laissée libre par le retrait des forces procastristes désarmées par l’alignement de Cuba sur l’U.R.S.S., ailleurs encore, au Japon par exemple, avec le recul du maoïsme consécutif au tournant à droite qui a suivi en Chine la révolution culturelle et la liquidation de Lin Piao.

Enfin, les organisations qui disputent son titre à la IVe Internationale se sont réduites : le « posadisme » ne joue plus aucun rôle sensible ; le courant « marxiste révolutionnaire » (dit pabliste ; en France, Alliance marxiste révolutionnaire) a abandonné toute référence à la IVe Internationale et subordonne la formation d’une internationale révolutionnaire au regroupement des partisans de l’autogestion socialiste ; enfin, le Comité international a éclaté en autant de tronçons que de sections nationales le constituant (Organisation communiste internationale en France, Socialist Labour League en Grande-Bretagne, etc.). En France, « Lutte ouvrière », groupe non affilié à la IVe Internationale et d’importance comparable à la Ligue communiste, est en pourparlers d’unification avec celle-ci. Il devient donc difficile de parler aujourd’hui d’un pluralisme des trotskismes.

Le devenir du trotskisme théorique

Toutes les révolutions victorieuses depuis celle d’Octobre 1917 ont vaincu en appliquant, en pratique, les principes de la révolution permanente : la révolution yougoslave, où l’unité nationale dans l’alliance ouvrière et paysanne fut soudée par les « brigades prolétariennes de choc » constituées d’ouvriers communistes (et dont Staline exigeait la dissolution... sans l’obtenir) ; en Chine, où jusqu’à la victoire Mao Tsö-tong a conçu « son bloc des quatre classes » comme ne pouvant exister que sous la direction prolétarienne représentée par un parti communiste dont le noyau était ouvrier et intellectuel et l’idéologie marxiste et léniniste ; à Cuba, où le processus de glissement ininterrompu de la révolution démocratique à la dictature du prolétariat est patent ; au Vietnam enfin, où des solutions socialistes sont adoptées en même temps que les « démocratiques bourgeoises », telle la réforme agraire, dans le plein feu de la guerre civile. Inversement, les échecs des révolutions sont des confirmations négatives (Égypte, Algérie, etc.) : là, pas d’avant-garde marxiste prolétarienne, mais des directions petites-bourgeoises à la tête de fronts « interclassistes ».

Au niveau de la prise de conscience, après la dissipation des illusions « tiers-mondialistes », le degré le plus haut a été atteint par les dirigeants de la révolution cubaine. Le Deuxième Discours de la Havane de Fidel Castro fixait une perspective de révolution permanente à la révolution latino-américaine. Quand Castro renonça à cette stratégie sous la pression de Moscou, Ernesto « Che » Guevara la reprit à son compte, et son dernier message à la Tricontinentale est du trotskisme le plus pur. C’est pourquoi la IVe Internationale actuelle ne se considère elle-même que comme un moment du renouveau révolutionnaire, qu’elle identifie au retour théorique et pratique à Lénine et Trotski.

Bibliographie

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Sur Trotski

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Le trotskisme

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Quatrième Internationale, organe du Comité exécutif de la IVe Int., depuis 1942. LEQUENNE Michel * Article paru dans « Encyclopædia Universalis 8 », édition 2002. Edition numérique réalisée par Hébert Abd-El Krim*, fondateur des Editions La Brèche Numérique


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