Les préoccupations néolibérales et le bien commun

samedi 25 juin 2016.
 

L’advenue d’une République sociale appelle une alternative fondamentale, tant aux nationalismes embusqués qu’à l’illusoire promesse d’un capitalisme à « visage humain ». Si la sympathie est un concept darwinien qui étend la bienveillance à nos proches, à nos moins proches et aux plus éloignés des êtres sensibles, le capitalisme, lui, est prédateur par essence et son horizon est cynique. Sa philosophie, opposée à toute notion de dette écologique, implique l’indifférence aux conséquences de son activité. Intoxiqué par l’esprit de compétition, le capitalisme épris de technologie rêve de se passer du lien social.

Parler du politique revient au fond à étudier comment les discours commandent. « Il faut bien », « il y a des réalités qui s’imposent » sont les arguments contraignants d’une servitude héritée du discours scientifique, technique et marchand (STM), devenu imperceptiblement la nouvelle mesure de toute chose, dont personne ne songe plus à interroger la pertinence. Ce discours repose sur un impensé à l’origine de nombreuses catastrophes. Dire « on n’arrête pas le progrès » n’est plus un gage de liberté, mais la donnée non négociable de notre asservissement à une forme de pensée hégémonique qui nous a conduit là où nous sommes.

La « crise », qui sert de prétexte à toutes sortes de violences, n’est pas tombée du ciel mais dérive du postulat d’un progrès continu seulement bénéfique, excluant toute délibération digne de ce nom. Ce nouvel impératif catégorique gomme l’exigence éthique liée à l’acte réfléchi que prend la liberté d’agir, quand tout n’est pas permis. La servitude, qui exige notre soumission à un mode d’élaboration auquel la science ne peut se soustraire, se trouve à la racine du malaise, que réactive la nouvelle révolution transhumaniste et numérique, dans lequel s’engouffre le monde. Rien ne résiste au mythe du progrès, pas même les démentis réels les plus flagrants, continuellement déniés.

Force est de constater que les préoccupations néolibérales ne sont pas centrées sur le bien commun. Le mensonge, le déni et l’hypocrisie y tiennent une place centrale. L’accueil fait aux migrants, les négociations secrètes liées à Tafta, le « verrou de Bercy », l’évasion fiscale et les multiples « Leaks », Panama papers et la récente directive européenne sur le secret des affaires en témoignent.

Les lanceurs d’alerte sont jugés pendant que les élites mystifient les populations sur le fondement fallacieux de « nécessités » mondiales qu’elles n’ont jamais cessé de façonner. Leurs séides pallient les avatars qui en résultent à l’aide de boniments, avec la complicité des médias de l’oligarchie, mais ce qui est en jeu dépasse les discours progressistes-réformistes n’ayant plus la moindre crédibilité. Il n’y a pas de progrès qui tienne quand des gens tendent la main dans la rue et que l’on parque des réfugiés de guerre dans des camps de rétention.

Avec nos prochains votes, nous nous choisirons de nouveaux maîtres, mais, en l’état actuel des choses, on ne peut pas dire que les hiérarques bruxellois, français, allemands, hongrois, turcs ou russes s’émancipent de la vulgate Nbic, ou qu’ils œuvrent à l’advenue d’une communauté sociale européenne.

Par Dominique Jacques Roth Psychanalyste et auteur

Dernière publication  : Critique du discours STM. Essai sur la servitude formelle. Érès, 2012.

Texte publié par L’Humanité


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