Texas : Où mènent les politiques "libérales" de marché dérégulé et de réduction des dépenses publiques

lundi 1er mars 2021.
 

u moins 58 morts, des hôpitaux débordés, des supermarchés vides, 14 des 28 millions de Texans privés d’eau, 4,5 millions d’entre eux privés d’électricité par -18 °C. Le Texas a connu une vague de froid exceptionnelle. Mais le refus idéologique de politiques de dépenses publiques, ici pour entretenir ou développer les infrastructures du plus grand marché dérégulé d’électricité du monde, a sa part de responsabilité dans ce bilan catastrophique.

« Si vous n’avez pas d’électricité, bougez-vous le cul et […] si vous n’avez plus d’eau, débrouillez-vous » recommandait Tim Boyd le maire de Colorado City (Texas) le 16 février, à ses administrés qui se retrouvaient enfermés chez eux sans eau potable ni électricité. Des propos ahurissants, mais une confirmation assumée d’une politique qui avait mené, de façon prévisible, au désastre.

Le 10 février 2021, le Texas est frappé par une vague de froid polaire. La température descend sous les -18 °C, dans cet État habitué aux étés torrides du sud profond, entraînant des coupures de courant massives. Quatre millions de Texans font face au froid glacial sans électricité. Le bilan provisoire est d’au moins 24 morts directes par hypothermie, intoxication au monoxyde de carbone ou incendies. Dans leurs habitations isolées contre la chaleur mais rarement contre le froid, certains Texans brûlent leurs meubles pour réchauffer leurs enfants, d’autres ont regardé la batterie du respirateur d’un proche s’épuiser inexorablement.

Sur le marché dérégulé de l’énergie du Texas, les prix s’envolent, et ceux des habitants qui ont eu accès à un peu de courant se retrouvent désormais avec des factures de plusieurs dizaines de milliers de dollars. Enfin, les pannes électriques ont perturbé le réseau de traitement et de distribution d’eau potable, et des milliers de personnes s’en trouvent encore privées aujourd’hui.

Ce n’est pourtant pas la première fois que le Texas fait face à un épisode de grand froid mettant à mal son réseau électrique. En 2011 un épisode météorologique similaire avait lui aussi entraîné des coupures massives de courant. Les experts avaient unanimement mis en cause un important manque d’entretien du réseau et d’investissements pour lui permettre de supporter ce genre de températures. Exactement comme lors de la vague de froid de 1989 avait pointé un rapport officiel. Comment de telles crises à répétition sont-elles possibles dans un État qui est pourtant le premier producteur d’énergie du pays ?

Il est libre, le marché

Il existe trois réseaux électriques distincts aux USA. Celui de l’Est, celui de l’Ouest, et celui du Texas. Ce dernier n’est pas connecté aux deux autres et ne peut donc recevoir d’énergie de systèmes moins sollicités. Si cet État du sud a son propre réseau électrique, c’est qu’il souhaite échapper aux régulations fédérales. En effet, puisque le réseau électrique texan n’échange pas d’énergie avec un autre état, il échappe notamment à la supervision du ministère de l’Énergie.

Une volonté qui ne date pas d’hier. Déjà en 1935, les différentes compagnies électriques de l’État, regroupées dans le Texas Interconnected System ont réussi à échapper au Federal Power Act de Roosevelt qui amorçait la régulation du marché de l’énergie aux USA. Aujourd’hui, les autorités texanes sont donc quasiment les seules à pouvoir imposer des normes aux différents producteurs et fournisseurs d’énergie qui se disputent le marché. Et elles se sont toujours montrées très réticentes à le faire, d’autant plus que l’influence des magnats des matières premières pèse lourd dans la politique locale. Si de premières régulations voient le jour dans les années 70, la dynamique se renverse avec le vote en 2002 d’une grande loi d’ouverture à la concurrence.

Cette absence de régulations a donc autorisé les acteurs du marché de l’énergie à ne pas entretenir leurs installations ni à les préparer à des vagues de froid. Les installations n’étant pas prêtes, de nombreuses centrales électriques ont dû être arrêtées, dont une nucléaire, mais aussi des sites d’extraction de ressources fossiles. En particulier celles de gaz naturel, dont les prix ont explosé sur le marché. Après les vagues de froid de 1983, 1989 et 2011, l’autorité de régulation de l’énergie du Texas s’est donc contentée de formuler des recommandations de mise aux normes de l’infrastructure, sans aucune contrainte. L’industrie s’est majoritairement abstenue de les suivre.

Par ailleurs, les autorités du Texas, dominé par le Parti républicain depuis les années 60, se sont aussi toujours refusées à investir de l’argent public dans le réseau, au contraire de la plupart des autres états du pays. C’est donc une politique du ‘’ni-ni’’ qui l’a emporté en matière d’infrastructure : ni argent public, ni contrainte sur les acteurs privés.

Le chacun pour soi comme ultime liberté

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