De nombreuses personnalités et organisations (1) s’opposent à l’évacuation de la Jungle de Calais et exhortent la France à changer de politique. « Il faut cesser de chasser de jungle en bidonville toute la misère du monde, persécution qui ne fait qu’exaspérer le ressentiment des « riverains ». Non, le malheur des migrants ne fera pas le bonheur des Français, pas plus à Calais qu’ailleurs. En réalité, laisser se dégrader la situation est plus pénible pour les populations du Calaisis, et plus coûteux aussi pour les pouvoirs publics, que s’employer à l’améliorer. »
Une fois de plus, l’unique réponse qu’envisagent les pouvoirs publics face à la situation dans le Calaisis, c’est l’évacuation d’un camp de réfugiés, et leur dispersion. On feint de s’attaquer aux causes réelles du problème ; mais en réalité, en s’en prenant aux victimes condamnées à se disperser dans la peur, cette politique ne fait que le déplacer et l’aggraver. Cette « solution » n’en est pas une.
Aux huit organisations qui ont adressé une lettre ouverte à Bernard Cazeneuve pour lui demander de surseoir à l’évacuation programmée d’une grande partie de la « jungle » de Calais, le ministre de l’Intérieur vient d’adresser une réponse qui est une fin de non-recevoir : il justifie sa décision à coups de propos incantatoires sur le respect des droits fondamentaux des migrants et le bien-fondé de politiques qui ne varient pas depuis des années, malgré leur échec évident ; et il rappelle aux associations leur « partenariat » avec l’État comme pour les impliquer dans la politique qu’elles contestent. Dans la foulée, la préfecture du Pas-de-Calais vient de publier un arrêté ordonnant aux occupants de la zone sud du bidonville, dite « la Lande », de quitter les lieux mardi 23 février au plus tard.
Les bulldozers ne peuvent pas tenir lieu de politique. Cela n’implique évidemment pas de nous accommoder d’une « jungle » dont le nom dit tout. Personne ne saurait accepter le maintien en l’état du bidonville de Calais, pas plus que du camp de Grande-Synthe, ni d’aucun autre. Personne ne peut se satisfaire de voir des réfugiés contraints de survivre dans de tels lieux.
Depuis des années, nous ne cessons d’ailleurs de dénoncer l’indignité de ces conditions de vie, comme l’a fait également Jacques Toubon, le Défenseur des droits, l’été dernier. Plus récemment, le tribunal administratif de Lille a même condamné l’État à procéder en urgence à des améliorations, décision confirmée par le Conseil d’État.
Pour autant, il n’est pas question non plus de cautionner l’évacuation annoncée, non seulement parce qu’elle est inhumaine, mais aussi parce qu’elle ne résoudra rien. Chasser les habitants d’une large partie du bidonville, y faire passer des bulldozers et détruire tout ce qui, dans la précarité et avec les moyens du bord, a été construit au fil des mois : à quoi bon ?
Les migrants qui se trouvent dans le Calaisis veulent souvent rejoindre des proches en Grande-Bretagne. D’autres seraient en droit de demander l’asile en France mais ils ne le savent pas toujours, ou bien ils se méfient de l’accueil qui leur serait réservé. D’autres encore attendent une réponse à leur demande. Parmi eux, il y a beaucoup d’enfants... Or pour plusieurs catégories de migrants, il existe des solutions inscrites dans les textes, avec des dispositifs, des acteurs, des fonds alloués à cet effet. Elles auraient pu être mises en œuvre depuis longtemps déjà.
Au lieu de s’y atteler, les pouvoirs publics ont préféré procéder à des « démantèlements » successifs. En 2015, ils ont contraint les migrants ainsi délogés à s’installer dans une zone « aménagée » pour eux. Bref, ils ont déjà défait ce qui se faisait, forçant ceux qu’ils chassaient à vivre dans une précarité plus grande encore.
Aujourd’hui, la partie principale du bidonville d’État de Calais est constituée de tentes et d’abris sommaires, bâtis par les réfugiés avec des bénévoles de différentes associations. Dans ces quelques kilomètres carrés sont nés peu à peu des cafés ou des restaurants de fortune, de minuscules épiceries, des lieux de culte de différentes religions, de toutes petites écoles, un théâtre sous chapiteau, une cabane d’aide juridique, plusieurs endroits dévolus à des soins, etc. Autant d’espaces de vie sociale, partagés par les réfugiés des différentes nationalités présentes dans le bidonville.
Qu’est-ce qui justifie de raser tout cela ? Le ministre veut convaincre que c’est pour le bien des occupants. En réalité, c’est une politique de dissuasion : rendre la vie invivable aux réfugiés. À ceux qu’ils ont hier installés dans cette zone, les pouvoirs publics enjoignent depuis des semaines d’occuper des conteneurs - sortes d’Algecos - ou sinon d’être dispersés loin de Calais, dans des CAO (centres d’accueil et d’orientation), baptisés « lieux de répit ».
Or c’est une alternative impossible.
Le ministre vante les mérites des conteneurs, qui sous sa plume semblent des bungalows pour vacanciers. Le fait est qu’il s’agit de cabanes de chantier, avec dans chacune des lits superposés pour douze personnes, où l’on ne peut qu’être debout ou couché ; toute installation de mobilier y est interdite, toute intimité impossible...
Concernant les CAO, le ministre se félicite de ce qu’ils permettraient aux migrants, grâce à « un accompagnement associatif de qualité » et à « un suivi particulier » des personnes, de déposer des demandes d’asile dans de bonnes conditions, ce qui n’était pas le cas dans le bidonville. « Au dernier recensement », écrit-il, « 80 % des migrants encore présents en CAO étaient engagés dans une démarche d’asile »... Il oublie de parler de ceux qui, mis en hôtel, sont privés de tout accompagnement et risquent une prochaine expulsion du territoire. Il oublie aussi de préciser que les CAO ont été conçus comme des solutions à très court terme ; après leur fermeture, qu’adviendra-t-il des personnes qui y auront été envoyées ?
Conteneurs, CAO ; expulsion, dispersion ; ces réponses ne feront qu’aggraver le sort des migrants sans régler pour autant le problème auquel est confrontée la région du Calaisis, pas plus qu’en son temps la fermeture du camp de Sangatte. Et dans un an, on nous rejouera la même scène. Car c’est avant tout l’inaction des pouvoirs publics, mais aussi leur action, qui, en créant des conditions de vie impossibles, rend la situation ingérable. L’État veut nous faire croire qu’il prend le parti des habitants contre les réfugiés ; en réalité, il monte les premiers contre les seconds en abandonnant les uns et les autres.
Il faut cesser de chasser de jungle en bidonville toute la misère du monde, persécution qui ne fait qu’exaspérer le ressentiment des « riverains ». Non, le malheur des migrants ne fera pas le bonheur des Français, pas plus à Calais qu’ailleurs. En réalité, laisser se dégrader la situation est plus pénible pour les populations du Calaisis, et plus coûteux aussi pour les pouvoirs publics, que s’employer à l’améliorer. L’humanité la plus élémentaire nous interdit ces destructions à répétition ; mais notre intérêt bien compris aussi.
Ce pays peut-il se satisfaire de devenir le champion du non-accueil, alors que les réfugiés y sont moins nombreux qu’ailleurs ? Ce que d’autres pays font déjà, la France doit pouvoir le faire. La Grande-Bretagne, qui porte une lourde responsabilité dans cette situation, doit elle aussi revoir sa position à cette frontière. Il faut en finir avec l’improvisation perpétuelle ; il est temps de penser dans la durée. Et si l’État ne fait pas son travail, nous allons y travailler nous-mêmes – avec les associations sur le terrain, avec les habitants du Calaisis et avec les réfugiés.
Les jours prochains, nous irons à Calais pour le clamer haut et fort : nous ne sommes pas condamnés à choisir entre la « jungle » et sa destruction. Nous refusons de réduire la France à des barbelés et des bulldozers. Nous tiendrons une conférence de presse. Nous voulons faire entendre un autre discours que celui des pouvoirs publics qui occupent les médias. Détruire, dit la Préfète ? Avec, sans ou contre l’État si nécessaire, il faudra pourtant bien construire un avenir.
Une fois de plus, nous, organisations signataires et personnes solidaires, demandons :
que soit annulé l’arrêté d’expulsion pris le 19 février ;
en urgence : une prise en charge individuelle respectueuse des droits fondamentaux des personnes actuellement présentes à Calais ;
une discussion du règlement Dublin III et des Accords du Touquet ;
plus largement, que la France s’engage enfin, en particulier en faisant la promotion de cet axe au sein de l’Union européenne, pour une véritable politique d’accueil des personnes migrantes.
22 février 2016
Organisations et personnalités signataires :
Organisations
Act & Help
Actes Et Cités
Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT)
ActionFroid-Calais (Paris)
Action Tunisienne
Association Démocratique des Tunisiens en France (ADTF)
Alternatives Européennes
Alternative libertaire
Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé)
Association des Marocains en France (AMF)
Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF)
Auberge des migrants (Calais)
Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE)
Barcelona Accion Solidaria
Boston2calais (Massachussetts, USA)
Bridge2 (Grande-Bretagne)
Calais Action
Care4Calais
Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale (Cedetim)
La Cimade
La Cimade régionale Nord Picardie
Comité médical pour les exilés (Comede)
Collectif de sans-papiers CSP 75
Collectif de soutien de l’EHESS aux sans papiers et aux migrant-es
Collectif de Soutien aux Familles Roms de St Denis
Collectif pour l’avenir des foyers (Copaf)
Collectif R, Lausanne (Suisse)
Conseil d’urgence citoyenne
Day-mer, Turkish and Kurdish Communtiy Centre, London (Grande-Bretagne)
Droits devant
Droits d’urgence
ECNou, « Eux c’est Nous » (Pas-de-Calais)
École Laïque du Chemin des Dunes (Calais)
Emmaüs Boulogne
Emmaüs Dunkerque
Emmaüs France
Emmaüs Europe
Emmaüs International
Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s (Fasti)
Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH)
Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS)
Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR)
Fédération Syndicale Unitaire (FSU)
La Ferme des Ânes, Brouckerque (Pas-de-Calais)
FIDL, le syndicat lycéen
Flandre Terre Solidaire
Fondation Frantz Fanon
Forum des organisations de solidarité internationale issues des migrations (Forim)
France Amérique Latine (FAL)
France Libertés
Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP 59/62)
Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (Gisti)
Initiatives pour un autre monde (Ipam)
Islam et laïcité
Itinérance Cherbourg
Jesuit refugee service (JRS) France
Ligue de l’enseignement
Ligue des droits de l’Homme (LDH)
Marche des femmes pour la dignité (Mafed)
Association Marilyn et Marie-Myriam (Si les Femmes Comptaient)
Médecins sans Frontières (MSF)
Mouvement Burkinabe des Droits de l’Homme et des Peuples (Comité Régional Aquitaine et section de France)
Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP)
MRAP - Comité du Littoral Dunkerquois
Neuilly Emmaüs avenir
Observatoire citoyen du CRA de Palaiseau
Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE)
Organisation pour une Citoyenneté Universelle (OCU)
Revue Incise
Revue Pratiques
Refugee Foundation EV (Allemagne)
Réseau Éducation sans frontières (RESF)
Réseau Euromed France (REF)
Réseau Immigration Développement Démocratie (IDD)
Réseau Reprenons l’initiative contre les politiques de racialisation
Le Réveil voyageur (Calais)
Secours Populaire, comité de Vendin-Oblinghem
Solidarine
Solidarité Laïque
Syndicat des avocats de France (SAF)
Syndicat de la magistrature (SM)
Syndicat de la médecine générale (SMG)
Tenons et mortaises
Terre d’errance -Norrent-Fontes (Pas-de-Calais)
Terre d’errance -Steenvoorde (Pas-de-Calais)
Union syndicale Solidaires
Utopia 56
Personnalités
Laurence Abeille, députée du Val de Marne
Michel Agier, anthropologue, directeur d’études à l’EHESS
Carlos Agudelo, chercheur associé, URMIS (Unité de Recherche Migrations et Société)
Philippe Aigrain, essayiste et poète
Karen Akoka, maître de conférence en science politique, Université Paris Ouest Nanterre
Eric Alliez, professeur, Paris 8
Emmanuel Alloa, maître de conférences en philosophie, Université Sankt Gallen (Suisse)
Charles Alunni, enseignant-chercheur, École normale supérieure de Paris
Anne-Claude Ambroise-Rendu, professeure d’Histoire, Université de Limoges
Claire Angelini, cinéaste et artiste
Isabelle Attard, députée citoyenne du Calvados, Groupe Ecologiste
Jean-Christophe Attias, directeur d’études à l’EPHE (Sorbonne), chaire de pensée juive médiévale
Laurent Aucher, sociologue
Daniele Auroi, députée EELV du Puy de Dôme
Chryssanthi Avlami, historienne, Université Panteion des sciences politiques et sociales, Athènes
Eduardo Ayres Tomaz, doctorant, philosophie politique
Etienne Balibar, professeur émérite, Université de Paris-Ouest Nanterre
Géraldine Barron, doctorante en histoire, Paris Diderot
Julien Bayou, porte parole national EELV
Esther Benbassa, directrice d’études à l’EPHE (Sorbonne), sénatrice du Val-de-Marne
Gisèle Berkman, professeur de lettres
Bruno Bernardi, philosophe
Arno Bertina, écrivain
Sophie Bessis, historienne
Emmanuel Blanchard, président de Migreurop
Nedjma Bouakra, productrice pour la radio France Culture
Florence Bouillon, anthropologue
Mathieu Bouvier, artiste chercheur
Gérard Bras, philosophe, président de l’Université populaire des Hauts-de-Seine
Rodolphe Burger, artiste
Claude Calame, directeur d’études, EHESS
Nicole Caligaris, écrivain
Laurent Cantet, cinéaste
Cécile Canut, professeure des universités, Université Paris-Descartes-Sorbonne
Miguel Castello, docteur en philosophie
Monique Chemillier-Gendreau, professeur émérite à l’université Paris Diderot
Catherine Chevallier, rédactrice photo
Olivier Clochard, chargé de recherche au CNRS, laboratoire Migrinter, Université de Poitiers
Catherine Colliot-Thélène, Université Rennes 1
Catherine Coquio, littérature, professeur à l’université Paris Diderot
Lycette Corbion-Condé, maître de conférences en droit privé à l’Université de Toulouse 1 Capitole
Philippe Corcuff, maître de conférences de science politique à l’IEP de Lyon
David Cormand, Secrétaire national de EELV
Marie Cosnay, enseignante, écrivain
Maria Letizia Cravetto, romancière et poète, directeur de programme au Collège international de philosophie, Paris
Marie Cuillerai, professeur des Universités, Paris 7-Diderot
Alexis Cukier, philosophe, Fondation Copernic
Didier Daeninckx, écrivain
Fanny Darbus, sociologue
Sonia Dayan-Herzbrun, sociologue, professeure émérite à l’université Paris- Diderot
Fred Decosse, sociologue, LEST-CNRS
Karima Delli, eurodéputée Europe Écologie du nord
Anne-Emmanuelle Demartini, maître de conférences, Université Paris- Diderot-Paris7
Fabrice Dhume, sociologue, enseignant-chercheur à l’université Paris Diderot
Emmanuel Dockès, Université Paris Ouest Nanterre
Stéphane Douailler, professeur de philosophie, université Paris 8
Laurence Dubin, professeure de droit, Université Paris 8
Mélanie Duclos, docteur en sociologie de l’université Paris Diderot
Philippe Enclos, maître de conférences en droit privé, Lille
Kévin Eybert, doctorant en sociologie, université Paris Diderot
Mireille Fanon-Mendes-France, experte ONU
Didier Fassin, professeur, Institut d’études avancées de Princeton
Éric Fassin, sociologue, professeur à l’Université Paris-8
Michel Feher, philosophe, président de Cette France-là
Nathalie Ferré, professeure de droit, Paris 13
Laurent Fleury, Université Paris Diderot
Simone Gaboriau, présidente de chambre honoraire de la Cour d’appel de Paris, ancienne présidente du Syndicat de la magistrature
Nathalie Garraud, metteur en scène, compagnie du Zieu
Catherine Gégout, ancienne Conseillère de Paris
François Gemenne, chercheur en science politique, Science Po, Université de Liège
Claudia Girola, maitre de conférence de sociologie et anthropologie
Anne Gleonec, CEFRES, Prague
Pilar Gonzalez Bernaldo, professeur d’Histoire et Civilisation de l’Amérique latine, Université Paris Diderot
Camille Gourdeau, doctorante en sociologie, Paris Diderot
Luce Goutelle, artiste
Cyrille Granget, enseignante-chercheuse en sciences du langage à l’Université de Nantes
Ninon Grangé, mcf-hdr, philosophie, Paris 8
Nacira Guénif, professeure Université Paris 8
Serge Guichard, membre du réseau Reprenons l’initiative
Virginie Guiraudon, directrice de recherche CNRS, Sciences Po Paris
Jean Waddimir Gustinvil, docteur en philosophie, enseignant-chercheur à l’ENS de l’Université d’État d’Haïti
Eric Hazan, éditeur
Stephanie Hennette Vauchez, professeure de droit public, Université Paris-Ouest Nanterre-La-Défense
Catherine Heurteux Peyrega, éditrice
Michael Hoare, Copaf
Srecko Horvat, philosophe, Democracy in europe movement (Croatie)
Sandra Iché, chorégraphe
Emmanuelle Jacobson-Roques, photographe
Maria Kakogianni, Université Paris 8
Jérôme Karsenti, avocat
Anne Kerzerho, directrice pédagogique d’EXERCE, master en danse, CCN de Montpellier
Ariane Labed, actrice
Mylène Lauzon, directrice artistique le Bellone- Bruxelles (Belgique)
Christian Lazzeri, professeur à l’université Paris-Ouest Nanterre-la-Défense
Éric Lecerf, maître de conférences, département de philosophie, Université Paris 8
Martine Leibovici, Université Paris-Diderot
Marie-Magdeleine Lessana, psychanalyste, écrivain
Danièle Lochak, juriste, professeur émérite de l’Université Paris-Ouest Nanterre
Camille Louis, philosophe, artiste-dramaturge co créatrice du collectif kom.post
Elise Lowy, secrétaire nationale adjointe d’EELV
Michael Lowy, chercheur émerite au CNRS
Seloua Luste Boulbina, philosophe, CIPH
David Lyons, musicien
Géraldine Magnan, journaliste
Sarah Mailleux Sant’Ana, doctorante, Université Paris Diderot- Paris 7
Noël Mamère, deputé écologiste
Françoise Martres, ancienne présidente du Syndicat de la magistrature
Jeanne Mascolo de Filippis, réalisatrice
Jean Matringe, Professeur de droit, Université Paris 1 Sorbonne
Stéphane Maugendre, avocat, président du Gisti
Jacques Message, professeur de philosophie en classes préparatoires
Juliette Mézenc, écrivain
Alain Michard, artiste chorégraphe, Rennes
Niccolo Milanese, Chair, European Alternatives
Christophe Mileschi, professeur des universités, traducteur, écrivain
Alain Minet, docteur en sociologie
Marianne Mispelaëre, éditrice et artiste
Muriel Montagut, chercheure associée, Laboratoire de Changement Social et Politique (Paris Diderot)
Didier Moreau, enseignant-chercheur Paris VIII
Alain Morice, laboratoire Urmis et réseau Migreurop
Mirjana Morokvasic, sociologue
Aurore Mréjen, docteur en philosophie, chercheuse au LCSP, Paris Diderot –Paris 7
Laurent Mucchielli, sociologue
Jean-Luc Nancy, philosophe
Daniela Neuendorf, president of the board Refugees Foundation, Köln (Allemagne)
Frédéric Neyrat, philosophe
Gérard Noiriel, directeur d’études à l’EHESS
Bertrand Ogilvie, professeur de philosophie Université de Paris 8
Elaine Ortiz, Founder of the hummingbird project (Grande-Bretagne)
Joel Oudinet, maitre de conférences en Economie, Université Paris 13
Cédric Parizot, anthropologue, IREMAM, CNRS
Karine Parrot, professeure de droit
Willy Pelletier, sociologue, université de Picardie, coordinateur général de la Fondation Copernic
Geneviève Petauton, Copaf
Eric Premel, artiste
Marie Preston, artiste
Catherine Quiminal, professeure émérite URMIS, université Paris Diderot
Jacques Rancière, professeur émérite à l’Université Paris VIII
Emmanuel Renault, professeur de philosophie, Université Paris-Ouest Nanterre-La-Défense
Matthieu Renault, Université Paris 8
Neal Richardson, musicien de jazz
Nelly Robin, chargée de recherches CEPED, Paris Descartes Ined IRD, Migrinter, CNRS
Diane Roman, professeure de droit, Université François-Rabelais, Tours
Joël Roman, président de Islam et laïcité
Sandrine Rousseau, porte parole d’EELV, Lille
Claire Saas, enseignante-chercheuse
Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, professeur, INALCO, CESSMA
Jane Sautière, écrivaine
André Scala, enseignant de philosophie
Paul Schor, americaniste, professeur à l’Université Paris-Diderot
Johanna Siméant, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Laurence Sinopoli, Université Paris X Nanterre
Serge Slama, maitre de conférences en droit public, Université Paris Ouest-Nanterre-La Défense, CREDOF
Heidi Sleiman, Calais/Dunkirk Volunteer, Boston, MA (USA)
Elsa Stamatopoulou, Director, Columbia University, New-York
Laurent de Sutter, professeur de droit
Federico Tarragoni, maître de conférences en sociologie, Université Paris 7-Denis Diderot
Étienne Tassin, philosophe, professeur à l’université Paris Diderot
Albena Tcholakova, sociologue
Jean-Paul Thibeau, artiste coordinateur des Protocoles Méta (Marseille)
Sophie Thonon-Wesfreid, présidente déléguée de France Amérique Latine
Marine Tondelier, membre de la direction d’EELV, élue d’opposition à Hénin- Beaumont
André Tosel, professeur émérite de Philosophie, Université de Nice
Loïc Touzé, artiste chorégraphe
Maryse Tripier, sociologue
Madeleine Valette-Fondo, professeure de littérature honoraire, Université Marne-la-Vallée
Eleni Varikas, professeure émérite
Patrick Vauday, Université Paris 8
Patrice Vermeren, directeur du département philosophie, Université Paris 8
Pauline Vermeren, post-doctorante en philosophie, université Paris Diderot
Christiane Vollaire, philosophe
Sophie Wahnich, directrice de recherche
Catherine Wihtol de Wenden, militante de la LDH, directrice de recherche CNRS
Laurence Zaderatzky, membre du Conseil National du Parti Communiste Français et de la commission Libertés/migrations
Jean-Pierre Zirotti, professeur émérite, sociologue, Université Nice Sophia-Antipolis
par ATD, CCFD, Cimade, Emmaüs, FNARS, Secours Catholique, Secours Islamique France
SITUATION À CALAIS NON AU DÉMANTÈLEMENT DE LA JUNGLE !
Monsieur Bernard Cazeneuve Ministre de l’Intérieur
Place Beauvau 75008 PARIS
Paris, le 18 février 2016
Monsieur le Ministre,
Mme la préfète du Pas-de-Calais a annoncé la décision de raser la moitié puis sans doute la totalité de la « Jungle » de Calais dans les jours à venir. Nous avons conscience de la montée des tensions sur ce sujet dans le Calaisis et des réactions violentes que suscite cette situation. Néanmoins, nous regrettons de devoir vous faire part de notre profonde opposition à ce projet qui ne s’accompagne pas, à ce jour, de véritables solutions alternatives. Il ne fera qu’ajouter des tensions aux tensions, et fragiliser encore un peu plus les quelques milliers d’exilés que la France et la Grande Bretagne se montrent incapables d’accueillir convenablement. Sans parler de l’effet désastreux que cela ne manquera pas de produire en France comme à l’étranger.
Les exilés ont occupé cette lande, il y a moins d’un an, à la demande voire sous la contrainte des forces de l’ordre. Sous votre impulsion et celle de la maire de Calais, les pouvoirs publics ont contraint en mars 2015 les exilés présents sur différents campements ou squats à venir s’installer sur ce terrain vague, dépourvu de tout équipement à l’époque, avec l’engagement réitéré des représentants de l’Etat qu’ils n’y seraient pas délogés de force.
Moins d’un an plus tard, cet engagement est déjà renié.
Les conditions de vie – ou de survie – sont particulièrement difficiles sur la jungle, et il n’est pas question pour nous de vouloir pérenniser des conditions d’accueil à bien des égards dégradantes. Mais force est de constater que ce bidonville s’est développé ainsi du fait de l’impuissance des pouvoirs publics à apporter des réponses à la hauteur de la gravité de la situation. Les alternatives que la préfète estime suffisantes pour justifier le démantèlement de la jungle sont loin, très loin, de répondre aux besoins et aux problèmes rencontrés. De ce fait une évacuation brutale provoquerait des reconstitutions de campements notamment à Grande Synthe.
La préfète évoque les 1500 places du centre d’accueil provisoire (CAP). S’il faut apprécier l’intervention directe de l’Etat dans ce dispositif, nous ne pouvons que constater qu’il est encore largement sous- dimensionné, et que des améliorations en termes de respect de l’intimité des personnes et des conditions de vie sur le site sont fortement requises. Si disparaissent les lieux de vie existant à côté aujourd’hui dans la « jungle », il est fort probable que les exilés refuseront, pour beaucoup, d’accepter cet espace contraint du CAP.
Mme Buccio évoque également les CAO, les centres d’accueil et d’orientation. Les places disponibles comme la création de ces « centres de répit » ont constitué une innovation intéressante. Mais leur mise en œuvre se réalise dans une telle improvisation qu’ils ne sont pas en mesure, aujourd’hui, de répondre à leur objet : absence de comité de pilotage national, coordination locale entre services publics, élus locaux, opérateurs, associations tâtonnante ou inexistante, absence d’articulation entre les acteurs calaisiens et les CAO ouverts sur le territoire, absence d’évaluation sanitaire et sociale et non prise en compte des besoins des exilés avant leur orientation vers les CAO, manque d’information ou désinformation des exilés sur le fonctionnement des CAO créant des situations d’échecs et de retours vers la lande, faible application de la possibilité d’admission vers l’Angleterre, orientation de mineurs isolés étrangers, etc. Alors que le but de ces CAO n’était pas seulement de mettre à l’abri les exilés, mais bien de leur offrir la possibilité de recevoir une information fiable avant de décider de demander l’asile en France, d’accepter une réadmission dans un autre pays de l’UE, ou d’établir qu’ils ont de bonnes raisons de vouloir se rendre en Grande Bretagne, l’inorganisation actuelle et l’insuffisance des moyens déployés rendent illusoire la réalisation de cet objectif. La bonne idée des CAO est, par une mise en œuvre défaillante, aujourd’hui incapable de répondre aux questions de tous les exilés qui seraient disposés à réexaminer leur projet.
A cela s’ajoute la question à la racine du phénomène Calaisien : les accords anciens qui contraignent la France à remplir le rôle de garde-frontière pour la Grande Bretagne. Sans une renégociation d’ensemble et transparente des conditions dans lesquelles la France et la Royaume Uni se répartissent l’accueil des exilés, le phénomène rencontré à Calais depuis des années ne pourra que perdurer. Cette renégociation s’impose d’urgence, et plusieurs parmi nos mouvements se concertent avec leurs partenaires britanniques pour inciter leurs élus à soutenir cette perspective. En attendant, nous constatons avec regret que les services de l’Etat n’ont pas fait le nécessaire pour prendre les mesures de recensement et d’examen des situations qui permettent la saisine des autorités britanniques afin que les exilés y ayant des proches puissent y accéder en utilisant les voies légales existantes. Après la décision du Conseil d’Etat, les quelques référés déposés récemment pour des mineurs isolés à Calais ont montré à quel point les défaillances de l’Etat étaient manifestes, y compris pour les plus vulnérables.
L’annonce du démantèlement de la Jungle dans les jours à venir nous paraît dans ces conditions inacceptable. Sans une évaluation des besoins sanitaires et sociaux des exilés avant leur orientation vers des centres dont la qualité d’accompagnement sera revue à la hausse à travers notamment un dispositif de coordination concertée entre les acteurs, sans une amélioration quantitative et qualitative de l’accueil dans le CAP sur le littoral, sans engagement, mesures et procédures adaptées pour permettre l’admission en Grande Bretagne de tous ceux qui y ont des proches, le démantèlement de la Jungle ne pourra produire que de nouvelles atteintes graves aux droits des personnes.
En l’état actuel du manque d’alternatives sérieuses, vous aurez compris que nous vous demandons de surseoir à cette évacuation, et que nous serons déterminés, si cela devait se produire, à nous y opposer.
Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l’assurance de nos sentiments distingués,
Véronique Fayet, Présidente Secours Catholique – Caritas France
Geneviève Jacques, Présidente de la Cimade
Louis Gallois, Président de la FNARS
Françoise Sivignon, Président Médecins du Monde
Guy Aurenche, Président CCFD – Terre Solidaire
Thierry Khun, Président Emmaüs France
Claire Hédon, Présidente ATD Quart Monde
Rachid Lahlou, Président Secours Islamique France P.-S.
Date | Nom | Message |