Front National Front Libéral

samedi 13 février 2016.
 

Bas les masques. Comme l’imposture sociale du Front national ne fonctionne pas autant qu’espéré, le parti d’extrême droite s’apprête à revenir à ses fondamentaux économiques. Après avoir trébuché sur le dernier obstacle dans la course des régionales, celui de la conquête d’au moins un exécutif dans l’une des six régions où il était arrivé en tête au premier tour en décembre, la formation lepéniste s’apprête à en tirer les enseignements lors d’une réunion de ses principaux responsables et élus, le mois prochain. Au menu des discussions, la question du programme économique à mettre en avant devrait s’inviter comme un mets de choix.

Hier, dans le Figaro, le compagnon dans la vie de Marine Le Pen et vice-président de l’organisation, Louis Aliot, a mis les points sur les « i »  : « La crédibilité du Front (national — NDLR) à pouvoir gérer les affaires publiques à un niveau important est le sujet. Il existe encore une crainte ». « L’État stratège ou l’État fort » doit « être au service des entreprises. Il doit peser sur un certain nombre de lois pour libérer, faciliter et simplifier le travail des PME-PMI », poursuit Louis Aliot.

Le FN prêt à bazarder la sortie de l’euro

S’adresser aux artisans et aux petits entrepreneurs aujourd’hui maltraités par la concurrence mondialisée, et qui ont toujours été le cœur de cible de l’extrême droite, redeviendrait la priorité pour le FN. « Ce sont eux qui créent l’emploi », affirme Aliot, n’hésitant pas à les opposer aux fonctionnaires  : « Il faut bien admettre que les fonctionnaires, même les petits, sont mieux lotis. » Et de proposer, dans un langage purement libéral, un « audit de l’État » pour pointer les « disparités » entre « des secteurs où ils sont embauchés à tour de bras (sic) et d’autres où il y a pénurie, notamment au sein des structures régaliennes comme la police et la justice ».

Virage idéologique  ? En réalité, pas du tout. Simplement, le voile se déchire enfin sur les ambiguïtés entretenues du FN quant à sa dénonciation du « modèle ultralibéral ». À ceux qui feignaient de croire qu’il était devenu de gauche, le FN avait déjà riposté par des mises au point successives ces derniers mois, par peur que l’imposture imaginée pour faire venir à lui un électorat populaire déboussolé n’effraie au final les artisans et commerçants. « Ce qui reste à prendre, c’est à droite », résume crûment Franck Alisio, un cadre du FN récemment débauché de… la droite.

Pour cela, le FN doit se montrer à nouveau tel qu’il n’a jamais cessé d’être. Car, pour qui se donnait la peine d’entendre, Marine Le Pen a indiqué très clairement, à plusieurs reprises et sans jamais se contredire entre 2012 et 2015, quel est son camp sur les questions économiques et sociales. Ainsi, par exemple, sur le temps de travail  : en juin 2012, la présidente du FN dit vouloir « donner aux entreprises la possibilité de faire ce retour (aux 39 heures) »  ; en août 2014, elle se prononce pour « supprimer les 35 heures »  ; en juin dernier, elle répète qu’elle veut « revenir aux 39 heures »… Idem sur la retraite à 60 ans, le conseiller économique du FN, Bernard Monot, ayant opposé un démenti très ferme à son rétablissement.

Seule vraie nouveauté programmatique guidée par son appétit de pouvoir, le FN serait désormais prêt à bazarder certaines de ses positions historiques sur la sortie de l’euro, ravalée au rang d’« objectif » à poursuivre et non de mesure à mettre en œuvre, selon Aliot. De quoi ruiner les illusions de l’économiste venu de la gauche, Jacques Sapir, qui voyait dans le FN un potentiel allié pour défaire l’euro. Et donner raison à son confrère Frédéric Lordon, qui prévenait, en août, que le FN « ne fera pas la sortie de l’euro », car la « seule chose à laquelle il croit vraiment est sans doute à situer du côté du droit du petit patron à être « maître chez lui » »… CQFD.

Sébastien Crépel, L’Humanité


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