Algérie. Le berbère devient langue officielle

dimanche 10 janvier 2016.
 

Si la révision constitutionnelle qui sera soumise au Parlement en février prochain comporte des avancées, notamment en matière de liberté de la presse et de limitation à deux des mandats présidentiels, elle reste vague sur de nombreuses questions, par exemple sur le statut de la femme.

« Le compte n’y est pas.  » C’est par cette boutade qu’un opposant algérien a réagi en prenant connaissance du projet de révision constitutionnelle rendu public lundi. «  Quatre ans après les révoltes du printemps arabe et trois ans après le discours du président Bouteflika, on s’attendait à mieux  », confie-t-il. Le pouvoir algérien, qui a eu tout le temps nécessaire pour prendre la mesure de l’impact des protestations sociales et politiques ayant touché les pays arabes et maghrébins – l’Algérie avait été quelque peu secouée dès décembre 2010, en même temps que la Tunisie mais pas pour les mêmes raisons (voir l’Humanité de janvier-février 2012) –, a répondu par le strict minimum aux revendications de l’opposition algérienne. Celle-ci, ou du moins une bonne partie, souhaitait des réformes politiques qui débouchent sur une transition politique préparant l’après-Bouteflika.

La liberté de la presse pourrait être inscrite dans la Constitution

Le projet de révision constitutionnelle ne comporte en fait que deux nouveautés  : la limitation à deux mandats présidentiels et l’officialisation de la langue berbère, le tamazigh. Celui-ci est élevé au statut de langue officielle au même titre que l’arabe, alors que jusque-là il n’était que «  langue nationale  ». Cette proposition «  consacre enfin le combat de plusieurs générations », a estimé hier le parti RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie). «  Il reste, cependant, à faire de cette avancée une pratique effective qui replace la dimension amazighe, langue, culture et histoire dans la vie publique  », a ajouté sur sa page Facebook Mohsen Belabbes, le secrétaire général du RCD. C’est « l’aboutissement d’un combat qui a commencé depuis 1948 », a assuré Nordine Aït Hamouda (RCD). Ainsi, en mettant fin à un déni identitaire, l’Algérie renoue avec une identité que les régimes qui se sont succédé depuis 1962 ont vainement tenté de nier. Chacun a encore en mémoire ces terribles propos prononcés à trois reprises en 1963 par le premier président algérien, Ahmed Ben Bella, pourtant lui-même d’origine berbère (il était de parents originaires du Rif berbère marocain)  : «  Nous sommes arabes  !  » Ou ceux prononcés par Abdelaziz Bouteflika en 1999 assurant que le berbère ne sera jamais reconnu comme langue officielle  ! Le pouvoir algérien escompte ainsi priver ceux qui, selon lui, instrumentalisent la revendication de l’identité berbère à des fins politiques.

La liberté de la presse est pour la première fois constitutionnalisée. Elle n’est restreinte par « aucune forme de censure préalable », précise le texte, sauf si elle porte atteinte « à la dignité, aux libertés et aux droits d’autrui ». Mieux, « le délit de presse ne peut être sanctionné par une peine privative de liberté » comme c’est le cas aujourd’hui, où des journalistes peuvent être embastillés. Autre disposition, le droit de manifester publiquement – sauf à Alger où il reste soumis à autorisation préfectorale – est également consacré constitutionnellement. Enfin, l’institution d’un mécanisme indépendant de surveillance des élections et l’élargissement du rôle de l’opposition parlementaire constituent de légères avancées par rapport à ce qui existait.

L’opposition politique n’a pas tout à fait tort quand elle pointe le fait que ce projet a été élaboré dans une totale opacité et qu’il sera soumis courant février pour adoption par un Parlement où les partis au pouvoir – le FLN et le RND (Rassemblement national démocratique) – disposent de la majorité absolue, et ce après un simulacre de consultations. S’agissant des femmes, hormis des généralités sur l’égalité et la parité entre les femmes et les hommes, ce projet de révision constitutionnelle reste muet sur la question de l’héritage, du divorce ou de la polygamie. Pour ne pas fâcher les islamistes  ? Sans doute.

Hassane Zerrouky, L’Humanité


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message