Valls prépare le terrain d’une recomposition sur les décombres du PS

samedi 2 janvier 2016.
 

La montée du FN sert de prétexte à l’exécutif et à une partie de la droite pour mettre en oeuvre la construction d’une nouvelle alliance allant de la gauche au centre droit, un « bloc républicain » censé occuper l’essentiel de l’échiquier politique.

Ce n’est pas là que se focalise l’attention. Pourtant la petite musique d’une grande coalition qui irait de la gauche au centre droit fait discrètement son chemin. Et les événements de ces dernières semaines - produisant d’une part une surenchère sécuritaire muselant tout débat et de l’autre l’enracinement de l’extrême droite dans le paysage politique - se révèlent être les meilleurs atouts pour les thuriféraires d’une recomposition bipartite d’un type nouveau. Un bloc républicain, d’un côté contre un bloc d’extrême droite de l’autre,qui marginaliseraient du même coup la « droite dure » défendue par Nicolas Sarkozy et le reste de la gauche.

« Il faut que le Parti socialiste puisse éventuellement se dépasser, ça veut dire qu’il faut rassembler plus largement, qu’il faut intégrer », expliquait mercredi dernier sur LCP, le secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen. Dans son insistance à appeler à voter pour les candidats de droite dans le sud et le nord de la France, Manuel Valls n’avait pas en vue seulement le barrage au FN. Chaque passerelle lancée constitue le socle potentiel du « bloc républicain » que la gauche libérale appelle de ses voeux. « Ce qui compte c’est la reconstruction républicaine : qui est pour, qui est contre ? Nous devons reconstruire la République, elle est en train de s’effondrer. On va apporter des logiques politiciennes, il faut apporter des logiques de refondation », exhortait de son côté l’ancien premier ministre de droite Jean-Pierre Raffarin plus tôt dans la semaine. Et c’est pour conforter cette logique des blocs, que, dans son intervention sur TF1, mardi, le locataire de Matignon réduisait la confrontation politique à une simple dualité : « Il y a deux conceptions de la France. Celle de la République, exigeante, qui veut protéger et rassembler la France. Et celle du Front national qui n’offre rien à ceux qui souffrent. »

Une fois le curseur définitivement bloqué sur ce clivage, les questions économiques et sociales seraient sans pertinence dans le débat politique. « Si l’on veut contrecarrer l’extrême droite, il faut que de l’intérieur même des courants démocratiques et humanistes vienne une irrésistible volonté de changement. C’est le seul antidote », assurait, le 8 décembre dernier, dans un entretien à Paris-Match, le patron du MoDem, François Bayrou. « En 2012, nous avons commis l’erreur de ne pas tendre la main à François Bayrou. Peut-être l’aurait-il refusée, mais nous aurions dû le faire », expliquait Manuel Valls dans un entretien à l’Obs le 22 octobre 2014 à l’occasion duquel il affichait sa volonté d’en « finir avec la gauche passéiste » et le « surmoi marxiste ».

Quelques mois plus tôt, le 14 juin 2014, le même, martelait devant le Conseil national du PS : « Oui, la gauche peut mourir », saillie qui fait désormais moins figure de prophétie que d’objectif stratégique plus ou moins assumée. Si elle trouve bon accueil parmi des responsables de gauche comme de droite, cette stratégie trouve aussi ses limites à l’intérieur même du PS : « « Une partie des socialistes s’était aventurée vers une alternative stratégique au centre. Cette alternative stratégique n’existe plus depuis hier soir », assurait, dès le lendemain du premier tour, le député frondeurs de la Nièvre, Christian Paul, pour lequel « on perd toute chance de rassembler la gauche » si le gouvernement et le parlement continuent sur la même voie qu’aujourd’hui.

François Hollande, en nommant Manuel Valls, a fait délibérément le choix d’une rupture avec ses partenaires de gauche et particulièrement avec les communistes. Lorsqu’il s’est rendu à son bureau de vote pour le premier tour des élections régionales, l’actuel premier ministre a choisi, parmi les 13 listes en présence de n’en prendre que trois, celle du PS, celle de la droite et celle des écologistes, laissant de côté celle du Front de gauche. On ne peut être plus clair.

Frédéric Durand, L’Humanité


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message