Grèce, euro, Europe : retour sur quelques discussions

lundi 14 décembre 2015.
 

J’avais titré un court texte écrit le 13 juillet, au lendemain du mémorandum signé par Alexis Tsipras : « Grèce : vers une double défaite ? » [1]. Double, au sens où elle concernait d’abord le peuple grec, mais aussi la gauche radicale en Europe. Et j’ajoutais que, logiquement, cela devrait se traduire par un glissement de Tsipras de type « centre gauche ». D’un certain point de vue, c’est bien ce qui s’est passé avec le nouveau gouvernement né des élections du 20 septembre, dont le programme affiché est la mise en place des « réformes » prévues par le mémorandum, accompagnées d’importantes pertes de souveraineté.

À propos de la victoire de Syriza en septembre

À une nuance près qui a toute son importance, ce gouvernement est issu d’élections qui ont donné à nouveau la majorité à Syriza (35,47% contre 36,64% en janvier), mais sur la base d’un nouveau programme, qui n’a rien de radical. En revanche l’Unité Populaire, affirmant se situer dans la continuité de la radicalité politique du Syriza des élections de janvier 2015, n’atteint pas les 3% qui lui auraient permis d’avoir des élus au Parlement. Certes l’abstention a été forte : 43 %, soit + 7,3% par rapport au vote précédent. Les votes blancs, eux, ont doublé.

Il faudra analyser plus en détail les résultats. Reste que les chiffres sont là. Si la faiblesse du score d’Unité Populaire était (à mon avis) prévisible, ce niveau de victoire de Syriza l’était moins. Et il a un sens. Tout d’abord la volonté d’infliger une forte défaite à la droite.

Je continue à penser que l’adoption du mémorandum signifie une double défaite et qu’il serait illusoire de croire à la réactivation d’une radicalité politique similaire à celle de l’ancien Syriza. Toutefois les discours de Tsipras sur la poursuite de la bataille contre l’austérité au sein de l’UE, comme celle pour la défense de la souveraineté grecque peuvent avoir un certain écho. Ce serait une erreur de laisser croire à la disparition de tout courant radical au sein de ce parti ainsi que de possibles crises à venir. Et d’oublier que, depuis 2015, il a été légitimité par trois élections au suffrage universel, dont deux réalisées à son initiative.

Ce serait également une erreur de croire que Syriza s’est transformé du jour au lendemain en parti social-démocrate classique pour mettre l’accent sur sa seule capitulation, alors que d’autres batailles sont à venir ; celle de la dette, par exemple.

D’autant que la situation catastrophique du pays se double d’une entrée de l’Union européenne dans une crise systémique. Une bataille perdue donc, mais dans le cadre d’une guerre prolongée contre l’austérité en Europe. Avec des échéances à venir, notamment les élections dans l’État espagnol et un nouveau point d’appui : l’élection de Jeremy Corbyn à la tête du Parti travailliste et son appel à une coordination des forces anti austérité en Europe. Évoquant cette élection, comme l’échéance espagnole, et relevant cette crise systémique de l’UE, Alain Frachon, dans une chronique du Monde du 18/09/015, parle d’ un « coup de rouge » à l’Ouest.

Cela a toute son importance, car c’est bien à ce niveau que se jouent les rapports de force. Un des bilans de l’expérience grecque, c’est aussi l’absence d’une structuration de ces courants au plan européen. Si l’on ajoute à ce constat la faiblesse de la puissance économique de la Grèce dans l’UE et la formidable campagne de pression menée à l’échelle de cette même UE, on comprend mieux l’asymétrie des rapports entre les dites institutions européennes et le gouvernement Tsipras.

La question du « plan B »

Pour autant, on ne peut s’en tenir à ce constat, sans revenir de façon critique sur le choix politique opéré. Car le mémorandum a non seulement été imposé par l’Eurogroupe, mais signé par Tsipras. Une signature d’autant plus frappante qu’elle venait juste après le non massif à l’austérité lors du référendum du 5 juillet, lequel créait une donne nouvelle permise par Tsipras lui-même : l’irruption de la démocratie et de la souveraineté populaire. Il faut certes éviter les surenchères évoquant une « trahison ». Et l’on peut s’étonner qu’en juillet un auteur comme Perry Anderson, en général plus avisé, ait comparé cette signature au vote des crédits de guerre par les partis de la II° internationale en 1914…. De telles analyses ou approches ne sont pas seulement outrancières, elles masquent les conditions d’analyse de la gauche radicale en Europe, dans les conditions historiques actuelles et les contradictions qui la traversent.

Autre chose est de refuser – comme, par exemple, Étienne Balibar [2] - toute critique du choix de Tsipras ; ce qui revient à dire qu’il n’y avait pas d’autre politique possible. Or, je crois que si : c’est la fameuse question du plan B autour de laquelle vont se cristalliser de nombreuses discussions. Ici, je voudrais simplement souligner qu’ à ce moment charnière, elle a été posée au sein du gouvernement par le ministre des finances Yannis Varoufakis. Au sein de Syriza la plate-forme de gauche n’allait pas dans ce sens. Logiquement pourrait-on dire : si la sortie de la zone l’euro est le nec plus ultra stratégique, alors la seule question est celle du Grexit.

Les propositions de Varoufakis étaient différentes : reconversion de la dette en cours par une monnaie fiscale complémentaire, décote sur les obligations détenues par la BCE, monnaie électronique, réquisition de la Banque de Grèce. C’est une logique de desserrement des contraintes économiques et de reprise partielle de souveraineté monétaire permettant de s’inscrire dans une « guerre de position » contre l’austérité en Grèce et en Europe [3]. Nul ne peut dire aujourd’hui la dynamique qui aurait été ouverte par de telles mesures. Cela dit, on peut remarquer que de récentes déclarations du vice-président de la BCE montrent que l’organisation d’un Grexit par l’UE n’allait pas de soi [4].

Je n’ignore pas la dimension chaotique du processus, la question – décisive - des rapports de force. Il ne n’agit pas de refaire l’histoire, mais d’indiquer l’existence d’un moment de bifurcation de cette dernière et l’existence d’une alternative à la signature du mémorandum. Pour le reste, je ne connais pas assez l’histoire de Syriza pour analyser les différentes trajectoires politiques.

On peut toutefois constater deux choses. D’une part, la signature du mémorandum par Tsipras apparaît comme un véritable tournant politique par rapport à l’orientation politique publique qu’il développait alors ; elle n’est pas sa conséquence logique (reste ici à analyser plus en détail ses évolutions). D’autre part – et cela me semble très important – les désaccords et l’orientation alors proposée par Varoufakis (et, manifestement d’autres) au sein de l’équipe dirigeante ne renvoient pas à des désaccords « stratégiques » sur la question de l’euro et de l’UE. Varoufakis ne défend pas une ligne de sortie de la zone euro et apparaît plutôt comme « pro-européen ».

Quoiqu’il en soit, manifestement Syriza ne s’était pas préparé à ce plan B, inclus dans la plate-forme de gauche, et la seule alternative aux discussions avec l’Eurogroupe était la sortie de la zone euro. Dans ce cadre un plan B était au mieux compris comme une simple attitude pédagogique par rapport à la majorité des Grecs, et non pas comme une bataille s’appuyant sur une contradiction ouverte.

On peut d’ailleurs remarquer que le programme de l’Unité Populaire se situe dans cette stricte continuité : la sortie de la zone euro (voire de l’UE) est présentée comme le préalable à toute remise en cause des politiques d’austérité. C’est sans doute une des raisons de son faible score aux élections de septembre.

A propos de la sortie de l’euro

0n sait que la sortie de l’euro n’était pas au programme de Syriza en janvier 2015, et il semble que, tout au long de cet épisode, une large majorité des Grecs est restée hostile à cette perspective. Il y avait donc là une contradiction politique incontournable ; d’autant qu’elle avait bien un fondement « objectif » réel, car l’euro n’est pas seulement signe d’austérité, mais cristallise (du moins en Grèce) l’appartenance à l’UE. Prendre des risques de rupture avec l’euro au nom de la lutte contre l’austérité est une tout autre chose que d’annoncer la sortie de l’euro comme première mesure d’un gouvernement anti austérité.

C’est dans ce cadre que je voudrais revenir sur certains débats qui se sont tenus durant cette période décisive ; en effet, l’expérience grecque a fait apparaître au grand jour des problèmes souvent latents et qui vont sans nul doute réapparaître. Cela dit, en France (pour prendre cet exemple), des discussions de fond s’étaient déjà développées autour des conditions de lutte contre l’austérité, de l’euro, de la dette, et plus généralement de l’UE. Notamment avec la publication de Pour en finir avec l’Europe (La Fabrique 2013), dirigé par Cédric Durand, avec notamment des contributions de Razmig Keucheyan et de Stathis Kouvélakis. Je cite ces trois auteurs car, outre le fait qu’ils sont membres de la rédaction de ContreTemps, ils ont publié ensemble d’autres textes, avec une approche commune présentant la rupture avec l’euro comme un axe central, tout en affirmant qu’elle n’était pas suffisante et devait être liée à d’autres mesures radicales anti austérité [5].

C’est là une volonté de se démarquer d’auteurs centrant toute politique autour de la sortie de l’euro, tel Jacques Sapir (dont on connaît les positions actuelles envisageant une alliance avec le FN sur le sujet) et, dans une moindre mesure, de Frédéric Lordon, qui n’a pas appelé à voter Syriza en janvier 2015, au prétexte que la sortie de l’euro n’était pas à son programme.

Toutefois, pour ces trois auteurs, non seulement une sortie de l’euro apparaît comme un axe stratégique discriminant, mais s’inscrit dans une problématique plus large, bien résumée par le titre Pour en finir avec l’Europe.

C’est d’autant moins anodin que ce n’est pas simplement l’UE actuelle, comme institution spécifique, mais toute problématique de refondation de l’Europe qui disparaît au profit, non pas certes d’un repli nationaliste, mais d’un retour à une stricte politique nationale d’émancipation, doublée d’une référence abstraite à l’internationalisme. Ce faisant Cédric Durand n’entend pas « fétichiser la nation » et parle d’une simple « ruse de la raison internationaliste ». N’empêche que c’est tout un horizon historique et géopolitique qui disparaît. Lénine déjà, au tournant des années 1910, parlait États-Unis d’Europe. Et on sait que, depuis la Seconde Guerre mondiale, les processus d’intégration économiques, politiques, sociaux se sont développés. Certes, au cours des années, l’UE avec son « césarisme bureaucratique » (C. Durand) est devenue – en lien avec les États qui la composent - un des principaux vecteurs des mises en œuvre des politiques néolibérales.

Mais réduire l’UE à une simple « incarnation de l’internationalisation du capital » semble très unilatéral et, pour franchement parler, « simpliste » et « mécaniste ». Cela revient au plan théorique à escamoter deux données.

Tout d’abord, historiquement l’internationalisation du capital a toujours cristallisé, comme rapport socio-politique davantage que sa simple domination directe ; en ce sens elle porte toujours des contradictions. Ensuite, la phase actuelle de mondialisation néolibérale se déploie en bouleversant les anciens territoires et en redécoupant des ensembles géopolitiques dans lesquels les institutions de « gouvernance » technocratique prennent le pas sur les institutions basées sur la citoyenneté démocratique et la souveraineté populaire. Dans ce cadre, l’UE est certes devenue un maillon dans la structuration du libéralisme, mais c’est également à travers cet espace potentiel qu’il faut développer des politiques d’émancipation. Au niveau « économique », on voit mal comment un État national isolé (surtout de la taille de la Grèce) pourrait durablement résister à la finance internationale, et, au niveau politique, on voit également mal comment de telles politiques pourraient éviter de s’engager dans des problématiques de souveraineté populaire, non pas post-nationales mais transnationales, et une problématique de citoyenneté européenne. Depuis des années Étienne Balibar donne sur cette question des indications précieuses.

En finir avec l’Europe ou désobéir pour reconstruire

Avant d’aller plus loin, il convient de prolonger à propos des discussions alors ouvertes. Ainsi, dans « La sortie sèche » de l’euro », un article publié dans ContreTemps (n° 19, 2013) , Michel Husson discutait dans le détail des textes de Jacques Sapir, Frédéric Lordon ou Emmanuel Todd, aux relents fortement « souverainistes », et également le livre En finir avec l’Europe. Outre une critique serrée des politiques réduites à la dévaluation, au protectionnisme et au retour au national, il énonçait trois axes stratégiques d’une politique de la gauche radicale [6]. La suite allait montrer leur pertinence. Il vaut de les rappeler :

« Premier principe : la sortie de l’euro n’est en aucun cas exclue a priori, mais c’est une arme dissuasive, destinée à construire un rapport de forces à l’échelle européenne qui ne doit pas être présenté comme la mesure préalable conditionnant toutes les autres.

Deuxième principe : tout projet alternatif doit combiner la rupture unilatérale avec l’Europe réellement existante et la mise en avant d’un projet de refondation coopérative de l’Europe.

Troisième principe : la rupture avec l’euro-libéralisme n’a de sens que si elle se fait au nom d’un programme de rupture avec l’ordre néolibéral à l’intérieur de chaque pays. »

Vint ensuite, en 2014, un livre d’autant plus important qu’il regroupe une série de militants liés à Copernic et Attac : Que faire de l’Europe ? Désobéir pour reconstuire. Le titre est explicite d’une stratégie qui ne parle pas « d’en finir avec l’Europe », mais affirme qu’une confrontation avec l’actuelle UE est inévitable pour qui voudra mener une politique anti-austérité, et, tout en refusant d’ériger la sortie de l’euro en un axe stratégique, parle de désobéissance, de reconstruction de l’Europe, et envisage des affrontements de type plan B. Sans entrer dans le débat concret, signalons que trois de ces auteurs (Thomas Coutrot, Pierre Khalfa et Michel Husson) ont, sous des formes parfois diverses, mené des batailles systématiques sur la question du plan B.

Le livre propose de construire sur cette base un mouvement européen anti-austérité, envisageant même un développement inégal et combiné, voyant l’émergence de gouvernements anti-austérité. C’est en fonction de cette problématique qu’il faut continuer à se situer, en tirant bien sûr le bilan de l’expérience grecque ; notamment sur la question des plans B qui doivent être préparés. Bien sûr des problèmes surgiront à nouveau. On connaît les débats au sein de Podemos, et on peut dire que l’orientation du PCF vise plutôt à réformer les institutions de l’UE, différente de la stratégie de « désobéir pour reconstruire », pour reprendre une formule de Thomas Coutrot [7].

En revanche se lancer dans une politique de restructuration de la gauche radicale sur une base dite « anti-européiste », prônant la sortie de l’euro et de l’UE comme axe stratégique, serait une grave erreur. Au demeurant le bilan électoral de l’Unité Populaire en Grèce ne permet guère une avancée substantielle dans ce sens…

Si la problématique de sortie de la zone euro et de retour à la monnaie nationale n’induit pas automatiquement un nationalisme exacerbé, elle présente un fort risque de survalorisation de la nation comme cadre d’exercice de la démocratie, c’est-à-dire d’une souveraineté populaire basée sur la citoyenneté égalitaire.

Sinon comment comprendre qu’à partir de telles prémisses se développe dans la gauche radicale une forme de souverainisme de gauche, citant alors Gramsci, ses développements d’une problématique « nationale populaire », permettant de construire un bloc hégémonique populaire, sous la direction du prolétariat. On peut, pour le passé, discuter d’une telle approche. Reste qu’elle est entièrement surdéterminée par une phase historique de dynamique d’expansion de l’État-nation, qui précisément appartient au passé.

Non pas que nous soyons entrés dans une phase post-nationale, marquée par l’effacement définitif de cet État. Celui-ci occupe une place centrale et le moment stratégique des luttes des classes autour de ce pouvoir reste décisif.

En revanche – en tout cas en Europe - nous sommes entrés dans une période transnationale de construction de la souveraineté populaire, qui a commencé à se cristalliser dans des éléments de citoyenneté européenne, non exclusifs des citoyennetés nationales.

Et cette citoyenneté ne saurait se limiter aux citoyens des actuels pays membres, elle doit être ouverte aux nouveaux arrivants ; c’est-à-dire articulée à une vision ouverte de l’Europe et ne renvoyant pas à sa seule histoire passée. Étienne Balibar soulève depuis longtemps cette question et l’a posée à nouveau à propos des migrants actuels.

La souveraineté populaire comme boussole

À peine une crise de l’euro vient-elle d’être endiguée qu’une nouvelle surgit avec les migrants. Cette succession est fortement symbolique de la dimension systémique de la crise et des problèmes rencontrés. Lesquels chaque fois butent sur la question de la souveraineté, tant du point de vue de sa forme que de sa définition. Étant entendu, comme souligné plus haut, qu’on parle ici de la démocratie au sens moderne : l’exercice d’une souveraineté populaire basée sur la citoyenneté égalitaire sur un territoire donné. En fait, mais c’est un autre débat, il s’agit d’une crise chronique (sous des formes historiques diverses) portée par le développement du capitalisme.

La crise des Etats-nations, produite par la mondialisation néolibérale, ne se traduit pas seulement par la mise à mal de l’Etat-providence, mais par celle des territoires politiques et la confiscation de la démocratie « classique », historiquement liée à ces États, au profit de formes de « gouvernance » technocratiques qui se déploient dans l’Union européenne, comme au demeurant dans les États nationaux.

Au-delà des problèmes socio-économiques, c’est cette crise des territoires politiques qui permet de comprendre la profondeur des ébranlements des États-nations, l’ampleur des crises identitaires et la poussée des populismes de droite à tonalité « nationale populaire », bien illustrée en France par le développement et l’évolution du Front national. Plus généralement, cette crise permet de comprendre la cristallisation du « souverainisme » (dans ses variantes de droite et de gauche) qui, à y regarder de près, est une catégorie politique assez récente.

Dans ces turbulences, ce qui doit nous servir de boussole n’est pas la souveraineté nationale – c’est-à-dire une citoyenneté basée sur la nationalité –, mais l’horizon de la citoyenneté comme droit de résidence, une radicalisation du droit du sol, et la construction d’une souveraineté populaire en Europe sur cette base. C’est ainsi qu’il est possible de penser l’Europe comme territoire politique, non pas en fonction seulement de son histoire passée, mais de sa place dans les nouveaux ensembles géopolitiques découpés par la mondialisation et des contradictions qui les traversent. Au demeurant, des éléments de citoyenneté européenne existent d’ores et déjà, mais seulement pour les citoyens des États membres.

Naturellement, l’État-national reste un élément clé pour l’exercice d’une souveraineté populaire et la mise en œuvre d’une réforme radicale du pouvoir politique, qui permette de la rendre effective. Mais il est nécessaire de développer des éléments de souveraineté transnationale en Europe.

Ce qui vaut invitation à débattre des éléments institutionnels allant en ce sens. Le débat est d’autant plus complexe que le caractère non démocratique des institutions de l’Union européenne est devenu manifeste et de plus en plus assumé : la référence à la « bonne gouvernance » remplace alors celle à la souveraineté démocratique. Ces difficultés sont d’ailleurs inscrites dans les contradictions de la phase historique actuelle.

Reste que la problématique de souveraineté populaire est un antidote décisif, non seulement par rapport à celle de la « gouvernance », mais aussi à tous les replis et à tous les replis nationalistes et/ou identitaires générés par la crise actuelle de l’Union européenne.

* * * *

La mise en œuvre d’une politique anti-austérité et de remise en cause de la dette, qu’il faut préparer d’ores et déjà au niveau européen, suppose non seulement de se heurter aux oligarchies nationales, mais aussi aux institutions de l’Union européenne qui, en lien avec ces oligarchies, sont le fer de lance d’une politique néolibérale. La rupture avec l’euro n’est pas un préalable à l’engagement de telles politiques, mais il faudra savoir désobéir pour reconstruire l’Europe sur la base d’une problématique de souveraineté populaire.

Antoine Artous

Notes

[1] Voir sur ESSF (article 35425), Question Grecque : vers une double défaite ? – Pour un bilan d’étape.

[2] Je renvoie à lui car les analyses qu’il développe depuis de nombreuses années touchent souvent justes ; voir son entretien « Deux voies pour l’Europe », dans ContreTemps n° 26

[3] Pour une systématisation d’une logique de « double » monnaie voir Thomas Coutrot, Woltek Kalinowski, Bruno Thèret, « L’eurodrachme, un ballon d’oxygène pour la Grèce », Libération, 15 mars 2015. Disponible sur ESSF (article 35851), Monnaie : L’euro-drachme, ballon d’oxygène pour la Grèce.

[4] Voir Romaric Godin, disponible sur ESSF (article 35887), La Grèce, le stupéfiant aveu de la BCE, un chantage antidémocratique – La menace de « Grexit » « n’a jamais été lancée pour de vrai ».

[5] Voir disponible sur ESSF (article 34764), Faire cause commune avec la Grèce – « il n’est pas possible de mettre en œuvre des politiques alternatives au néolibéralisme dans le cadre de l’Union européenne », et aussi Cédric Durand, « L’Europe à bras le corps », Contretemps n°21 (2014).

[6] Voir aussi son texte disponible sur ESSF (article 35539), Quel plan B – La « bonne drachme » ? Modeste contribution au débat sur la Grèce.

[7] Thomas Coutrot, disponible sur ESSF (article 35850), Options stratégiques – La seule « sortie de gauche » de l’euro, c’est l’expulsion !.


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