D’autres arguments contre la réédition de « Mein Kampf »

dimanche 10 juillet 2016.
 

Non ! Pas « Mein Kampf » quand il y a déjà Le Pen !

Mon opposition à la réédition de Mein Kampf élargit un débat dont je remercie les organisateurs médiatiques. Rien n’eut été pire que d’avoir à subir cette infamie sans avoir tenté auparavant de l’empêcher ou d’avoir alerté pour que chacun prenne position en connaissance de cause. Pour ce post, je veux m’en tenir encore aux seuls arguments contre la réédition sans dispute avec ceux qui en sont partisans. Je voudrais traiter l’objection de ceux qui m’opposent le refus de la censure et le droit pour tout le monde d’accéder à ce texte.

Je commence par rappeler que, dans les faits, aucune liberté n’est sans limite dans notre société, sauf la liberté de conscience. Je prends un exemple proche de notre sujet. Ainsi, en République, l’expression d’une pensée raciste est considérée comme un délit et non comme une opinion. Elle est donc punie par la loi. Vous pouvez penser comme un raciste. Mais il vous est interdit de propager votre avis sur le sujet. Dès lors, comment comprendre qu’un livre entier voué à présenter une doctrine exclusivement fondée sur la discrimination ethnique et le racisme ne soit pourtant pas illicite ?

On me dit que ce livre serait l’objet d’une autre époque. Un cas d’auto-obsolescence programmée, en quelque sorte. Admettons. Mais ne sait-on pas que la diffusion, la vente et l’achat d’insignes, uniformes et documents de propagande nazis sont interdits et donc punis par la loi dans notre pays ? Et pourtant le livre qui institue, explique, et représente tout ce matériel ne serait pas concerné par cette interdiction ?

Il me semble que le cœur de la discussion entre gens de bonne volonté sur ce sujet se concentre sur un point : la censure d’un ouvrage. J’y réponds avec deux arguments. Le premier est que la République n’est pas un régime neutre. Elle est un parti pris au moins sur un point fondamental : celui de la similitude de tous les êtres humains et de l’égalité de leurs droits. Elle n’est donc pas neutre s’agissant de la propagande qui vise à saper le fondement de toute la construction politique qui en résulte. C’est d’ailleurs le point un de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le dernier mot, « citoyen », compte autant que le premier. Le citoyen est celui qui exerce le pouvoir de dicter la loi de la cité, de ce qui est licite ou illicite conformément non à ses caprices ou à la mode du moment mais aux droits de l’homme dont le premier est que tous sont égaux en droits ! La répression des atteintes à l’intérêt de la Nation ne procède-t-il pas d’une logique exactement parallèle ? Condamner le racisme et criminaliser ses auteurs est une pratique républicaine élémentaire. Le second argument est que la censure dont il est question ne concerne pas une œuvre d’art ou une information. Il s’agit d’un livre politique appelant au délit de racisme. La censure dans ce domaine est liée au délit commis. Je dis qu’on a connu plus définitif dans notre pays en matière de répression du nazisme. À la Libération, on a fusillé des gens pour avoir collaboré avec eux. Dont des écrivains dont la collaboration avait consisté à faire l’apologie des principes racistes du nazisme. Il ne s’agit pas ici d’approuver la peine de mort qui leur fut infligée mais de rappeler que la répression totale du point de vue nazi est une longue pratique que personne, sauf à l’extrême droite, n’a jamais contestée !

Après cela, je demande à qui ce livre est-il nécessaire pour comprendre le nazisme ? On parle d’y ajouter un « appareil critique ». Permettez-moi de sourire amèrement. Quelle critique supplémentaire faut-il après le bilan connu de tous qu’est la Shoah, le meurtre de masse des tziganes, des homosexuels, des handicapés mentaux et une guerre faisant 50 millions de morts ? L’argument de l’appareil critique censé désamorcer le contenu du texte est extrêmement fallacieux à mes yeux. Éditer c’est diffuser. Une maison d’édition diffuse avec l’objectif de faire de l’argent, ce qui se comprend sans mal et s’admet sans problème de même. Encore dans ce domaine aussi tous les coups ne sont pas permis comme le prouve l’institution du prix unique du livre. Dans ce cas, l’édition de ce texte infâme n’a pas d’autre but que d’exciter la curiosité là où elle n’existait pas et de vendre du papier à qui n’en aurait pas acheté sans cela.

On dit aussi « on ne devient pas nazi en lisant Mein Kampf ». Ben voyons ! Ceux qui le devinrent prouvent pour une part le contraire. Et c’est bien pourquoi le livre a été écrit. C’est pourquoi aussi son auteur, Adolf Hitler en personne, contrôla personnellement sa seconde édition en français pour le rendre le plus convainquant possible. Les livres politiques sont écrits pour convaincre, c’est leur raison d’être ! C’est bien pourquoi j’en écris moi-même ! Je ne veux pas qu’une seule personne soit convaincue de l’infériorité humaine des juifs, des communistes, des francs-maçons et des autres obsessions névrotiques du criminel Hitler. Pas une seule. La tolérance dans ce domaine n’a aucune place à réclamer. Si le livre est publié, son appareil critique n’empêchera pas qu’il puisse être considéré comme un trouble à l’ordre public républicain et une incitation à la haine raciale !

Post Scriptum : Je veux souligner qu’à mes yeux tous les partisans de la réédition de Mein Kampf ne sont pas complices de ce qu’a écrit Adolf Hitler. Même s’il y en a, comme en attestent un certain nombre des commentaires et messages que j’ai reçu. J’ajoute même que je n’ai pas comparé Hitler à madame Le Pen, quoiqu’on ait voulu me faire dire sur le sujet pour faire du buzz. J’ai dit que, dans l’ambiance créée par la force du FN en France, la réédition de Mein Kampf est encore plus insupportable et dangereuse, ce qui n’est pas du tout la même chose. Je ne souhaite pas que le débat sur le fond du sujet soit pollué par des disputes connexes sans rapport direct avec l’affaire elle-même. J’ai bien vu qu’après avoir résumé en une phrase ma lettre aux éditions Fayards, tel journal est allé aussitôt chercher quelqu’un pour me contredire longuement. Quelle que soit la qualité de cet argumentaire d’historien, le scandale déclenché par ce parti pris pavlovien contre tout ce que je dis a contraint la chefferie de ce bulletin en perdition à publier un dossier où, selon la bonne méthode traditionnelle de la pseudo morale médiatique, on donne cinq minutes au bourreau et cinq minutes à la victime. Mais de cela, je n’en veux pas aux intéressés, puisque j’en parle. Au contraire, ils auront contribué à imposer le débat dans le petit monde de la social-bobocratie abrutie par les hallucinogènes de la société de l’indifférentialisme moral. Maintenant, tout le monde doit prendre position. Et chacun est invité à réfléchir. Et cela nous grandira tous.


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