Loi renseignement : besoin de transparence contre l’autoritarisme

dimanche 26 avril 2015.
 

Les évolutions technologiques ont des implications sur les grands équilibres relatifs à nos libertés et à nos droits fondamentaux. Par exemple, de plus en plus de voix s’élèvent pour revendiquer la protection légale d’un principe fondateur  : la neutralité du Net. Il s’agit de garantir que les opérateurs télécoms ne discriminent pas les communications de leurs utilisateurs en fonction de leurs ressources et restent de simples transmetteurs d’information. L’affirmation de tels grands principes est typiquement le rôle d’une Assemblée constituante pour une VIe République. Nous avons tous notre mot à dire sur la redéfinition de nos libertés à la lumière des nouvelles technologies de l’information. Pourtant, à contre-courant de ce besoin de transparence et de débat parmi le grand public, le gouvernement entame une discussion à l’Assemblée nationale sur la loi sur le renseignement selon la procédure accélérée. Il s’agit d’une confiscation démocratique, dans la même veine que l’utilisation du 49-3 pour adopter la loi Macron. C’est l’utilisation des pires traits autoritaires de la Ve République.

Contre l’avis de la Cnil, de la CNCDH, du défenseur des droits, de la commission numérique de l’Assemblée nationale, le gouvernement demande aux députés d’abdiquer leur pouvoir et de légaliser la surveillance généralisée de la population par le biais de «  boîtes noires  ». L’objectif serait de repérer les comportements suspects. Comme il n’est pas physiquement envisageable que des personnes physiques analysent tant de métadonnées, c’est un algorithme qui repérera les différences entre comportements non suspects, présumés majoritaires, et comportements suspects. Ainsi, pour définir ce qui est suspect, il faut connaître la nature du comportement de toute la population dans son ensemble  ! Et les députés accepteraient cela  ! Un cauchemar digne des meilleurs films de science-fiction.

Reconnaissant que la collecte massive de métadonnées violait nécessairement le caractère privé et secret des communications, le gouvernement a annoncé qu’un amendement à la loi avait été déposé in extremis le vendredi 10 avril pour protéger les journalistes, et que cet amendement serait accepté par le gouvernement. Concrètement, cet amendement permettrait aux journalistes de continuer à utiliser des réseaux privés virtuels (VPN). On imagine qu’il s’agit de calmer les oppositions provenant des milieux journalistiques. On aurait tort cependant de se rassurer à bon compte. Si la loi peut prévoir des protections expresses pour la profession de journaliste, alors que ne le fait-elle pas pour les autres professions qui doivent absolument protéger le secret des informations qu’elles détiennent, comme les médecins ou les avocats  ? Et surtout, comment comprendre que le gouvernement refuse d’inclure dans cette loi une protection des militants  ?

En brandissant la menace terroriste pour justifier l’injustifiable, le gouvernement trompe les citoyens. C’est parfaitement à tort que cette loi est présentée comme antiterroriste. Le véritable objet de cette loi est l’étendue du pouvoir de surveillance de l’État sur les citoyens. Contournant les juges au profit de l’administration exécutive, refusant d’accorder une protection textuelle aux citoyens engagés dans des causes d’intérêt général, cette loi montre son véritable visage  : contrôler les citoyens. Pis, la droite a déposé des amendements autour de la notion de «  participation à une entreprise terroriste  », infraction qui serait constituée non pas par des actes mais par un faisceau d’indices. La potentialité du peut-être.

Il est encore temps de se mobiliser contre ce projet de loi. Cette fois, nous sommes vraiment tous concernés, sans exception.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message