2015, Année des recompositions ?

vendredi 24 avril 2015.
 

Les manifestations syndicales du 9 avril ont été un succès. Tant en nombre qu’en combativité. Est-ce le signe d’un réveil social ? Il est trop tôt pour le dire, il faudra notamment attendre les prochains rendez-vous que se fixe l’intersyndicale dont celui du 1er mai. Mais une brise printanière souffle incontestablement. Elle renvoie aux succès numériques de plusieurs meetings récents : celui du 19 janvier en solidarité avec Syriza à Japy (Paris 11) ou ceux soutenant les listes de rassemblement de la gauche d’opposition pendant la campagne des départementales. Elle fait également écho aux résultats encourageants, en tous cas meilleurs que prévus, de cette même gauche d’opposition aux départementales. C’est au moins le signe que les forces de résistance existent toujours dans le pays et qu’elles constituent un socle sur lequel on peut espérer bâtir. En soi la nouvelle est déjà bonne à prendre, ne serait-ce que pour le moral militant.

Cette France qui résiste perturbe déjà le tripartisme que l’on veut nous imposer en vue de 2017. Jean-Christophe Cambadélis l’a bien compris. Il dit refuser un PS minoritaire dans une gauche « Mélenchonisée ». Il va même jusqu’à recopier dans sa motion de congrès nos mots et nos concepts : « nouvelle alliance populaire », « écosocialisme », « implication citoyenne », « chantiers de la citoyenneté active », « dépassement du PS » comme nous parlons de « dépassement du FdG »… Le hasard n’y est évidemment pour rien. Ce « marquage à la culotte » de Cambadélis consiste à enrober d’un vocabulaire de gauche une politique purement sociale-libérale. Guy Mollet savait y faire en son temps. Le premier secrétaire a un objectif : justement conserver au PS sa centralité et à son candidat à la présidentielle les bénéfices du vote utile au 1er tour. Toute l’astuce consiste à faire mine de recomposer largement la gauche sans toucher à la centralité de son parti et à son paradigme social-libéral. Et au passage, minoriser un peu plus son aile gauche maintenant qu’il a enrôlé Martine Aubry dans la motion majoritaire.

Mais comme on ne peut dénier à Jean-Christophe Cambadélis un certain flair politique, même s’il est désormais dévoué à l’économie de marché, cela renvoie à une réalité : un spectre hante bien la vie politique française, celui d’une recomposition en cours. L’année 2015 pourrait même voir son accélération. Du côté du PS et de l’exécutif on en comprend l’objectif : au nom du vote utile contre la droite et l’extrême droite, c’est toujours d’occuper l’espace politique « à gauche ». Mais une gauche qui aurait plus à voir avec un parti « démocrate » à l’américaine qu’une union de la gauche classique, même si le vocabulaire utilisé donne le change. Et ça tombe bien, puisque la mue de l’UMP en parti « républicain » complète le tableau d’ensemble. La droite, en effet, tourne manifestement le regard de l’autre côté de l’Atlantique pour ce qui est du modèle. Il y a quelques années, on aurait parlé d’accélération vers le bipartisme. Libéraux de droite et de gauche en rêvent toujours. Et le FN ? On n’a peut-être pas assez prêté attention à la « charte d’engagement politique » proposée par Marine Le Pen en vue d’éventuels accords pour le 3ème tour des départementales. Est-il imaginable qu’un FN, en position de force, réédite les mêmes propositions vis à vis de la droite pour des majorités régionales ? Avec cette fois plus de succès, tant la perspective de diriger les grandes régions va être autrement plus tentante que pour un simple département ? La discorde entre Marine Le Pen et son père, qui a permis aux médias de nous survendre encore la dédiabolisation du FN, prendrait alors tout son sens.

Une chose est sure : ce que craint Cambadélis n’est pas une feinte. Il sait que « notre » gauche n’est pas effacée du paysage et des recompositions en cours. C’est essentiel. C’est même la leçon principale de ce printemps. Mais il y a des conditions : qu’elle soit audacieuse et qu’elle ne prépare pas la suite, dont les régionales, en restant sur le même braquet. Les élections départementales ont montré qu’elle, et notamment le FdG, était toujours là. Et même en meilleure santé dès lors qu’elle était justement en passe de concrétiser une « nouvelle alliance populaire », même partielle, notamment avec EELV. Les mobilisations du 9 ont montré qu’il y a du répondant populaire contre l’austérité. Dans ce cadre, le FdG a un rôle essentiel à jouer s’il est capable de mettre en place les outils de son propre dépassement, qui ne signifie pas pour autant son effacement ni celui des partis qui le composent. Soit - l’autonomie vis à vis des forces gouvernementales étant le préalable - de travailler à un rassemblement le plus large possible de la gauche d’opposition, à doter le rassemblement citoyen à faire émerger d’une lisibilité nationale lors des régionales et la volonté, justement, de l’adosser à une véritable démarche citoyenne qui passe par des assemblées représentatives de tous ceux et toutes celles voulant s’y engager au plan national comme régional et départemental. C’est ce que propose le PG à ses partenaires, c’est à quoi, sans attendre, nous voulons contribuer partout sur le territoire dans les semaines à venir.

On ne pourra conclure sans évoquer la gravité du projet de loi sur le renseignement que s’apprête à adopter l’Assemblée nationale. Il semble, en élargissant les prérogatives de renseignements aux gardiens de prison ou en imposant des « boites noires » aux opérateurs télécoms, aux hébergeurs et aux grandes plateformes internet, qu’une majorité de députés PS, alliés à l’UMP, veuillent durcir encore cet « autoritaire act » à la française. Cette évolution de ceux, les mêmes, qui ont adopté la Loi Macron en première lecture, confirme que dans une société austéritaire, les libéraux se doublent vite de liberticides. Sur ce terrain aussi la résistance est toujours plus de mise.

Eric Coquerel SN à la coordination politique


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