55% des électeurs français, 81% des ouvriers, 80% des syndiqués, 69% de l’électorat de gauche, 60% de l’électorat socialiste, 66% du canton de Cintegabelle, 53,48% des citoyens aveyronnais, ont voté Non.
29 mai 2005 Référendum sur le Traité Constitutionnel Européen Résultats nationaux (David Coronat)
29 mai 2005 : Carte du vote non par département
1) En Aveyron
32 cantons de l’Aveyron sur 46 ont voté NON : Aubin (71,5%), Belmont (56,3%), Camarès (59%), Campagnac (53,6%), Capdenac (58%), Cassagnes (50,1%), Cornus (60%), Decazeville (62%), Entraygues (51,3%), Laissac (51,4%), La Salvetat (57%), Marcillac (53,2%), Millau Est (60,4%), Millau Ouest (56,9%), Montbazens (53,9%), Najac (51,8%), Nant (63,2%), Naucelle (52,5%), Peyreleau (61,6%), Pont de Salars(50,7%), Réquista (52,9%), Rieupeyroux (55%), Rignac (51,1%), Rodez Nord Onet (50,12%), Saint Affrique (61,28%), St Beauzély (60,8%), St Rome de Tarn (59,8%), St Cernin (53%), Sévérac (58,39%), Vezins (54%), Villefranche (56,5%), Villeneuve (56%).
Quelles remarques peuvent être faites concernant l’Aveyron ?
- L’étude du vote urbain par bureau montre un vote Non beaucoup plus fort dans les quartiers ouvriers et populaires que dans les centres villes. Par ailleurs, les fiefs historiques du mouvement ouvrier en Aveyron ont voté Non. La correspondance entre tradition historique de gauche (guesdisme, jauressisme, communisme, résistance...), conscience de classe ouvrière et vote non, est particulièrement nette dans le seul canton inexpugnable de la gauche depuis plus d’un siècle, celui d’Aubin (71,5% de non).
- La carte du vote Non recoupe en gros la carte de la gauche depuis de nombreuses générations, par exemple la carte des points de résistance antifasciste. Les cantons qui ont eu au moins deux fois un conseiller général socialiste ou communiste sur un siècle, ont voté majoritairement NON, y compris lorsque cette tradition paraissait s’estomper : Sévérac, Nant, Millau, Rignac...
- La carte du vote Non recoupe aussi la carte des cantons qui ont porté le combat républicain sur deux siècles avec des mairies de gauche républicaine actives. Il s’agit en particulier du Villefranchois mais aussi de cantons ruraux, y compris lorsque cette tradition s’estompait : Réquista, Cassagnes, La Salvetat, Rieupeyroux, Naucelle, Entraygues... Les amateurs d’histoire pourront également remarquer globalement le lien entre cantons montagnards de 1793 et ceux qui ont voté Non.
- La France est un pays où les traditions politiques locales issues d’expériences de masse pèsent encore lourd. Prenons par exemple les Guerres de religion dont la cruauté et la marque sont particulièrement importantes en Aveyron. Sans théoriser, pour mon plaisir personnel et un peu par provocation, je fais remarquer à ceux qui se revendiquent d’une "philosophie républicaine anticléricale" et ont fait campagne pour le "OUI" que les cantons fiefs de l’horrible Sainte Ligue durant ces Guerres viennent de voter Oui, les cantons ayant connu une implantation protestante puis un mouvement "montagnard" fort ont voté Non sauf des secteurs peu peuplés du Nord-Aveyron.
- Le Sud du département a voté Non de façon massive comme tout le secteur géographique voisin de l’Hérault ou du Gard. L’écho de la Confédération paysanne a pesé dans de nombreuses communes rurales.
- La campagne du Parti socialiste pour le oui a eu des conséquences contraires à ces constats précédents sur deux secteurs : le canton de Baraqueville et la commune d’Onet. Dans ces deux collectivités, le face à face tendu et électoralement instable entre droite et gauche semble avoir poussé des électeurs de gauche à voter oui en solidarité avec leurs élus, pour des raisons locales.
Les 14 cantons ayant voté majoritairement OUI sont essentiellement les fiefs droite extrême droite à forte prégnance traditionnaliste du Nord Aveyron comme Laguiole (plus de 60%), Espalion, Estaing, Mur de Barrez, Saint Amans, Saint Chély, Saint Geniez, Sainte Geneviève.
2) Quelles perspectives au niveau national ?
Le bilan de cette campagne ne peut se tirer seulement en terme sociologique ou politique. PRS a tenu une quarantaine de réunions publiques en Aveyron ce printemps. Nous avons distribué, essentiellement de la main à la main, 25000 brochures et environ 40 000 tracts. Il en ressort un constat : le niveau culturel des citoyens français est plus élevé aujourd’hui qu’en Mai 68 ou en 1981. Leur soif de comprendre, se faire une opinion, peser politiquement sur les choix collectifs a illuminé toute la campagne. Le long effort de la gauche et des enseignants en faveur d’une école démocratique ( école primaire pour tous, collège unique, objectifs ambitieux pour le bac, non sélection préalable à l’inscription universitaire) porte ses fruits sur ce plan.
Ceci dit, la période 1983 1993 puis 1997 2002 de la gauche au gouvernement ont laissé un mauvais souvenir dans une majorité des milieux vraiment ouvriers et populaires. Pour le moment, la gauche anticapitaliste me paraît hégémonique idéologiquement en leur sein, suite aux grands mouvements sociaux de 1995 et 2003. Mais rien n’est acquis. Ne sous-estimons pas le risque de voir le Front National devenir majoritaire idéologiquement dans ce milieu si les forces politiques anticapitalistes restent éclatées et concurrentes, si le Parti socialiste continue sa dérive dans le sens des intérêts du grand capital et du libéralisme.
La gauche est une réalité bien plus large, plus complexe, que les cabinets ministériels parisiens. Le type d’argumentation de Dominique Strauss Kahn ou Ségolène Royal, symbolise un rapprochement politique entre la direction du PS français et le social-libéralisme majoritaire au sein du PSE.
Une refondation- recomposition politique de la gauche est à l’ordre du jour, dans chaque rue, chaque usine, chaque bureau, chaque village. Ayant discuté dans des dizaines de hameaux avec les passants et habitants, je fais là un constat expérimenté et non de la prose romantique. Cette refondation-recomposition implique de répondre d’abord à une aspiration : prouver qu’une force politique peut être utile pour protéger les ouvriers et milieux populaires du mépris inhumain pratiqué par le capitalisme d’aujourd’hui.
Dans de telles conditions, la tactique politicienne doit être limitée au strict minimum au profit du grand vent des espérances émancipatrices de notre peuple, comme de toute l’Europe et de toute la planète. Le problème sera d’une part d’être rigoureux, précis, clair dans nos orientations mais aussi, d’autre part, de faire partager nos choix politiques aux grandes masses citoyennes.
Durant la campagne de ce printemps nous avons côtoyé des groupes altermondialistes et d’extrême gauche qui vont devoir choisir entre la réaffirmation de leur spécificité idéologique et l’effort pour se féconder mutuellement avec ces grandes masses. S’ils choisissent de préserver leur spécificité plutôt que leur utilité historique, les forces social-libérales du parti socialiste ont encore de beaux jours devant elles pour longtemps.
3) Conclusion provisoire
La gauche à laquelle nous aspirons est nécessairement à la fois :
républicaine antilibérale porteuse d’une politique alternative aux logiques du capitalisme
organisée et démocratique
de masse
liée au mouvement social et à la construction d’un rapport de force
internationaliste
Quant à nous, nous serons attentifs aux évolutions possibles tout en poursuivant le seul choix d’être utiles à la gauche, au mouvement ouvrier et aux objectifs historiques d’émancipation humaine.
A ce jour, une majorité informelle de la direction de PRS 12 serait favorable à ce que nous maintenions l’activité publique autonome de ce printemps, favorable aussi à prendre une initiative, ne serait-ce que départementale, pour poser les enjeux d’une recomposition-refondation de la gauche, donner nos points de vue, en débattre avec les autres forces et autres militants ayant fait campagne pour le non (en n’excluant pas tel ou tel partisan du oui). A titre personnel, je suis hésitant. Que va faire PRS national ? Avec qui discuter sur l’Aveyron ? La perspective de création d’une force politique antilibérale unitaire et nouvelle a-t-elle la moindre chance de se concrétiser ? Le PC est-il mûr pour dépasser une tradition d’autoaffirmation nombriliste ? Un rassemblement des Non peut-il voir le jour au sein du PS et ainsi modifier significativement son orientation et sa direction ? Comment vont évoluer ATTAC ? les Verts ? le MRC ? la LCR et autres organisations d’extrême gauche ? les réseaux dont Bové est le symbole ? Notre choix dépendra évidemment de ces données.
Je ne peux terminer sans deux appels :
à la prise en compte
appeler à l’adhésion à notre association et plus globalement aux forces politiques progressistes. Le dénigrement du politique et des partis correspond aux intérêts des potentats financiers soucieux de profiter tranquilles. Dans notre société un vrai citoyen est nécessairement engagé et organisé politiquement à gauche ; sortir des impasses historiques actuelles ne se fera pas sans volonté collective.
Jacques Serieys
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