Il est une souffrance que nous partageons tous avec nos camarades grecs, avec le peuple grec tout entier : celle de voir depuis des années leur pays ravagé par l’incurie des dirigeants et la cruauté sans limites de la Troïka, Commission et Banque Centrale européennes, Fonds Monétaire International. La stupidité et l’injustice des politiques d’austérité apparaît avec un éclat dont les reflets ternes et sans gloire ne sont que l’image pathétique et révoltante d’une classe dominante prête à tout pour sauvegarder les intérêts du capital financier. La lutte du peuple grec pour la démocratie et pour la fin du délire dans lequel il a été plongé est notre lutte. Pour la mener et en saisir toute la nécessité, il faut approcher de près l’horreur de ce dernier.
De crépuscule sans fin à nuit sans répit
Cette carence démocratique patente ne date pas de 2008 et du déclenchement de la crise, mais se trouve en amont dans l’histoire contemporaine de la Grèce. Depuis 1974 et la chute de la dictature des colonels, l’alternance sans aucune possibilité d’alternative a constitué le quotidien politique du peuple grec : Nouvelle Démocratie et PASOK se partagent un pouvoir placé sous le signe de la croyance fanatique dans le libre marché et les miracles de la concurrence. Le Président de la Banque Centrale grecque résume cet état d’esprit lorsqu’il écrit en 1974 que « seules les conditions de la libre concurrence peuvent assurer l’accumulation accélérée du capital, le progrès technologique et l’amélioration du niveau de vie ». Les Grecs savent désormais ce qu’il en est. En 2009, Georges Papandréou, membre de la famille historique de la social-démocratie grecque, parvient au pouvoir. L’espoir suscité dans le pays s’essouffle vite lorsque la prévision de déficit public est réévaluée, qui passe de 6% à 12,7%. Et pour cause : la Banque Goldman Sachs, lors du passage à l’euro, avait camouflé une partie de la dette grecque, notamment sous la direction de l’actuel Président de la BCE, Mario Draghi, en poste de 2002 à 2005.
Politiques obscures de la Troïka
L’avènement de ce que nous appelons le martyre du peuple grec correspond à la crise de 2008 et à sa prolongation invraisemblable au travers de politiques pro-cycliques, qui ne faisaient qu’empirer les souffrances du peuple grec. En effet, les politiques de la Troïka ont eu un effet tangible et catastrophique : prolonger la crise en saignant les Grecs sans pitié. Georges Papandreou, dans un élan démocratique, demande en 2011 que les plans d’austérité soient soumis à référendum : la Troïka s’essuie les pieds sur ces bonnes intentions, et il l’accepte sans protester. Ce n’est pas un seul plan d’austérité qu’ont eu à subir les Grecs, mais onze entre 2010 et 2013. Leurs conséquences sont dévastatrices, leur inefficacité et leur injustice évidentes. La dette – que ces politiques ont pour seule et unique préoccupation de réduire – passe de 113% du PIB en 2008 à 174,9% en 2014, alors qu’elle augmente légèrement en valeur nominale sur la même période : autant dire que ces remèdes tuent le malade, que ces solutions miraculeuses détruisent en réalité la richesse productive du pays. De 346 milliards de dollars en 2008, le PIB s’effondre à 282 milliards en 2012. Mais il ne faut pas uniquement en rester à ces indicateurs qui à d’aucuns peuvent sembler abstraits : le chômage est passé de 12,6% en 2010 à 27,5% en 2014. Ce n’est pas seulement l’inanité des politiques menées qui apparaît ici, mais également les centaines de milliers d’êtres humains subissant cette course absurde vers le néant. Baisse des pensions, réduction drastique des salaires des fonctionnaires, salaire minimum diminué sans vergogne : dans ces conditions, nul n’est surpris que la confiance des citoyens en leurs gouvernements connaisse une chute vertigineuse – en la matière, la Grèce passe de la 78ème à 106ème place mondiale entre 2009 et 2014. Un tel contexte a profité à Aube Dorée, parti néonazi qui infiltre la police grecque de façon préoccupante : il porte bien mal son nom, ce parti aux couleurs de l’obscurantisme le plus noir. La folie de la Troïka – très rationnelle du point de vue des intérêts qu’elle défend – présente donc des conséquences pour le moins désastreuses. Deux personnes par jour mettent fin à leur vie à cause de ces bourreaux bureaucratiques.
Un horizon d’espoir : Syriza
La longue nuit néolibérale, heureuse expression du Président Correa, qui convient tristement à l’Europe de nos jours, peut cependant prendre fin : un horizon bouscule la grisaille habituelle, nos camarades de Syriza peuvent l’emporter. Seule force politique à avoir compris la bêtise profonde que constituerait la continuation de la politique de la Troïka, elle souhaite reprendre la main sur le bien le plus précieux d’un peuple : la souveraineté. L’accès gratuit à tous les services publics de santé et d’éducation, l’électricité gratuite jusqu’à 3600Kwh par an, le relèvement des petites retraites, la réduction des tarifs des transports publics, l’abrogation de la taxe foncière non progressive, sont autant de mesures qui permettent de répondre à l’urgence de la crise humanitaire provoquée par le cyclone libéral. Mais, surtout, condition sans laquelle nulle politique révolutionnaire ne serait possible, nos camarades souhaitent annuler la majeure partie de la dette détenue par le mécanisme de stabilité européen après l’établissement d’un moratoire. Quant au reste, elle sera restructurée en vue de relancer l’activité économique du pays. Syriza exigera également le paiement par l’Allemagne de la dette qu’elle conserve envers la Grèce depuis la Seconde Guerre Mondiale : celle-ci s’élève à 168 milliards d’euros. Un plan de relance de 12 milliards d’euros permettra au peuple grec de retrouver l’air qui lui a été enlevé ces dernières années : parmi les mesures essentielles figure le rétablissement du salaire minimum antérieur aux saignées successives, soit 751 euros par mois. Outre ces mesures économiques, Syriza souhaite revivifier une démocratie en berne : référendum d’initiative citoyenne, initiative législative populaire et droit de vote et d’éligibilité accordés aux immigrés vont participer de l’amplification de la participation du peuple grec trop longtemps bafoué. L’égalité des droits pour les homosexuels est également au programme.
Nous souhaitons de toutes nos forces qu’advienne le changement tant espéré, première brèche dans les politiques mortifères menées partout en Europe. La lumière peut nous venir d’Athènes. Le PG a toujours soutenu Syriza dans les diverses campagnes que cette force amie a mené, tout particulièrement pendant les deux élections législatives de 2012. Comme le dit justement Alexis Tsipras : « Le changement nécessaire en Europe commence ici en Grèce, et gagnera progressivement toujours plus de pays ».
Pierre-Yves Cadalen
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