Refuser la « Macron braderie » !

lundi 22 décembre 2014.
 

Certains disent qu’il s’agit d’un projet de loi « fourre-tout ». En apparence peut être. Mais le texte dit « Pour la croissance et l’activité » ou « projet Macron » est d’une grande cohérence. Il s’inscrit totalement dans les injonctions de « contre réformes » structurelles réclamées par des instances internationales comme l’OCDE ou le FMI, le G20, par le Conseil européen qui pour permettre au capitalisme de se déployer dans sa propre crise, insistent pour abaisser sans cesse et partout les droits des travailleurs.

Il est un décalque parfait du « Pacte Euro plus » signé en 2011(1) par M. Sarkozy et Mme Merkel. Le cap général vise à détruite les règlements existants sur les « marchés » de biens et de services, sur le travail et les systèmes de protection sociale et de retraite.

Il n’est pas anecdotique que ce soit le ministre de l’économie, ancien banquier qui tente de faire changer des législations qui relèvent d’autres ministres, comme ceux du travail, de la justice, du commerce ou de l’artisanat, des transports, du logement. Le projet gouvernemental vise à modifier des pans importants de notre droit du travail : travail du dimanche élargi à la possibilité de douze dimanches travaillés par an, travail de nuit modifié, facilitations des licenciements, allongement du temps de travail, juridictions prud’homales mises en cause, inspection du travail affaiblie, médecine du travail dénaturée. Il veut aussi introduire les logiques marchandes dans des professions qui étaient jusque là protégées, non pas pour diminuer les tarifs mais pour les livrer à de grands consortiums capitalistes anglo-saxons.

On vient d’en avoir un exemple scandaleux contre les taxis en ouvrant la porte à une grande société de taxis, utilisant des chauffeurs en dehors de notre droit du travail. Notons qu’à chaque plan de la Troïka(2) dans un pays européen, il est exigé le démantèlement de professions comme les notaires, les avocats, les pharmaciens. Le transport privé en autocar nous est présenté comme une révolution alors qu’il s’agit d’organiser la concurrence avec le rail. Passons sur ce faux argument du prix qui va diminuer, dont on a pu mesurer la justesse avec l’exemple de l’ouverture à la concurrence du gaz et de l’électricité. Comment dire vouloir diminuer les accidents de la route et multiplier le nombre de cars roulant le week-end ? Comment vouloir agir contre la pollution et le réchauffement climatique et étouffer le rail ? On se souviendra longtemps qu’un gouvernement socialiste tente de rétablir pour les pauvres une troisième classe dans le mode de transport le moins sûr ! Et ce texte prévoit aussi la vente de biens publics comme des aéroports régionaux pourtant rentables à des fonds étrangers, et ce qui reste de nos industries d’armement. Comme cela semble devenu la règle, les grands médias et les forces de l’argent s’efforcent de cacher la violence de la cohérence de ce projet qui constitue un saut supplémentaire, visant à étendre la sphère d’activité du capital pour y capter de nouvelles possibilités de profits.

Tout progressiste, tout socialiste et même nombre de républicains devraient encore méditer cette proclamation de Lionel Jospin lorsqu’il était Premier ministre : « Je suis pour une économie de marché. Je ne suis pas pour une société de marché ». Or, avec le projet Macron, nous y entrons. Il organise l’envahissement des logiques marchandes dans toute la vie sociale, la vie familiale, les temps de repos, l’éducation, les renforce dans les transports, dans le travail, la santé. Aucun espace temps ne serait soustrait à la consommation, valeur reine d’une société mercantile et de l’obsolescence programmée avec une mise à disposition de tout un chacun au marché roi. Pas même le temps du dimanche ne serait épargné. Pas même celui que l’on consacre à soi-même, aux siens, où l’on prend de la distance avec ce qui rythme le quotidien. Ce temps hors travail, parfois consacré aux autres, au bien commun, ce temps bien mérité après une semaine d’activités professionnelles et de transports souvent harassants. Consacrer ses dimanches à pousser son chariot dans les allées d’un supermarché en ayant son gamin à l’intérieur, ne constituera jamais un projet de société viable et harmonieux. Comment peut-on faire croire que c’est en intégrant le dimanche dans la semaine de travail que l’on va créer des quantités d’emplois, alors que par ailleurs on réduit le pouvoir d’achat des ménages et que près de huit millions de nos concitoyens voudraient bien travailler en semaine ? Ouvrir les magasins le dimanche en continuant de fermer usines et bureaux la semaine, tel est le choix d’une société du chacun pour soi, une société de plus en plus invivable. Elle a ses théoriciens, avec Jacques Attali qui présidait la commission mise en place par Sarkozy, et comme sociétaire Macron lui-même. C’est le grand mélange à l’œuvre entre droite et fractions socialistes sur le thème de la politique unique. A la fin, seul le capital gagne. Le projet de M. Attali, présenté comme le grand penseur des temps nouveaux sur la nouvelle conception de l’existence est d’une simplicité confondante : il suffirait « d’être soi même », de « créer soi même son emploi » pour trouver dans cette marchandisation généralisée le « bonheur ». L’auteur d’un ouvrage remarqué sur Marx qui en vient à proposer que chacun devienne son propre exploiteur. On croit rêver ! Le Medef jubile ! Cela se comprend. Dans un monde où l’argent circule sans entrave à la vitesse de la lumière pour spéculer là où il pense en retirer profits instantanées, comme l’abeille butine de fleur en fleur pour en retirer le nectar, la logique de la loi Macron est de faire admettre que plus rien ne doit échapper à la loi du marché capitaliste et à sa recherche de plus-value, extorquée du travail et de la consommation. Ni l’organisation du temps de la semaine, ni les infrastructures d’un pays. Pour y parvenir, la prétendue loi naturelle du « marché capitaliste » prime sur la souveraineté des individus, leur organisation collective fondée sur l’idéal d’émancipation, condition de l’exercice de la citoyenneté. Elle prime aussi sur la souveraineté nationale, bradée sur l’autel décrépi des instances européennes et sur celui encore plus grand des intérêts privés, y compris étrangers, comme on le voit avec la vente d’une partie d’Alsthom aux américains de Général Electric ou de l’aéroport de Toulouse aux capitaux canadiens et chinois. Jusqu’aux industries d’armement proposées à la salle des ventes des rapaces de la finance internationale.

En cela les fondements de la République sont gravement fissurés, cette République sociale et solidaire dont la force était de garantir la souveraineté de la Nation et celles des individus, de protéger les citoyens contre le fait accompli de la loi du plus puissant, de la concurrence de plus en plus faussée. La loi Macron porte une certaine idée de la société et des êtres humains. Ce ne peut être la nôtre. Son sens et ses conséquences doivent être étudiées, décryptées, débattues dans des ateliers citoyens, dans les usines, les magasins, les bureaux, les quartiers.

Au nom de la République et d’une certaine idée du progrès humain, unissons-nous pour la rejeter.

(1) Ceci a fait l’objet du livre « Le pacte des rapaces » (2011)

(2) Troïka – alliance commission européenne, FMI, Banque centrale européenne pour imposer les plans d’austérité.


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