Au cœur de la loi Macron  : l’affaiblissement du secteur public

vendredi 25 janvier 2013.
 

Lundi soir, les députés ont examiné et adopté les articles de la loi Macron préparant l’ouverture du capital de fleurons publics français.

Perdue entre le débat sur le travail dominical et la mobilisation musclée des notaires et autres huissiers, une question posée par la loi Macron, actuellement discutée par les députés, n’a pas eu l’occasion de faire sa place dans le débat public. Pourtant ses articles 47 ou 48 examinés lundi soir dans l’Hémicycle portent symboliquement toute la philosophie libérale du projet de loi, puisqu’ils ne concernent rien de moins que des privatisations ou «  ouvertures de capital  ». Pas étonnant dans ces conditions que cette séance ait été particulièrement tendue. Peu de sentiments chaleureux ont été exprimés par les orateurs, qui ont fini par les adopter. L’article 47 est particulièrement sensible, puisqu’il s’agit de la privatisation de Nexter, plus connue sous l’acronyme Giat, pour Groupement industriel des armements terrestres, célèbre notamment pour fabriquer le char Leclerc. Puisqu’il a été annoncé le 1er janvier que Nexter, 100 % publique, allait fusionner avec son actuel concurrent allemand KMW – groupe privé fabriquant le char Leopard –, cet article permet de créer la structure commune (baptisée Kant) de laquelle l’État français ne détiendrait plus que 50 % des parts, à égalité avec la famille Bode-Wegman, propriétaire de KMW.

Des questions stratégiques 
«  malvenues  »

Parmi les députés montés au créneau, le président du groupe Front de gauche, André Chassaigne, défend un amendement de suppression de l’article en question. «  Cette industrie vit des investissements réalisés par la nation pour sa défense  », rappelle-t-il. Il note aussi que «  les fondements de la nouvelle société la rattachent non pas aux commandes nationales, mais aux exportations  ». Or, rappelle-t-il, «  la règle reste l’interdiction des ventes d’armes, sauf dérogation accordée par l’État  ». Le socialiste Pouria Amirshahi, très opposé au texte, estime pour sa part que ce point pose des questions stratégiques «  malvenues  » dans une loi «  qui porte sur la croissance, sur le développement  ». Pour lui, avant de vouloir créer un «  superchampion  » européen de l’armement, il est nécessaire d’avoir «  une discussion sérieuse sur la façon dont les Allemands aujourd’hui nous aident, ou pas, sur le théâtre des opérations  ». Il résume ses craintes  : «  Je ne voudrais pas qu’il soit dit demain qu’on s’allie dans une grande opération dans laquelle, pendant que les uns font la guerre, les autres font de l’argent.  »

« Nous abaissons les digues 
et ouvrons la brèche  »

Article suivant. Autre «  pépite  » (le mot est du ministre lui-même), mais même logique. Cette fois il s’agit du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, le LFB, spécialiste du plasma. Le texte permet que la participation de l’État passe de l’Agence des participations de l’État (APE) à la Banque publique d’investissement (BPI). Par ce petit jeu, le capital reste en effet public. Ce que cela change  ? La députée Karine Berger, elle aussi opposée à la mesure, l’explique  : «  Il faut en fait distinguer selon que l’activité concernée relève ou non du pouvoir régalien. Dans ce cas, cela relève de l’APE. Sinon, cela relève d’une structure, d’un organisme de financement comme la BCI.  » En d’autres termes, il s’agit de décider si l’État veut contrôler pleinement ou non l’activité. La députée tranche  : «  Je crois que nous avons toutes les raisons de penser que le traitement du plasma et la collecte du sang doivent rester dans le champ régalien.  » Au Front de gauche, Jacqueline Fraysse partage cet avis «  pour garantir une éthique ainsi que la sécurité sanitaire des dons et de la fabrication des produits issus du sang  ». Le gouvernement assure qu’avec la BPI le capital reste public. «  Ce soir, personne ne dit certes qu’il s’agit de privatiser le Laboratoire, tranche Christian Paul, l’une des figures des frondeurs, mais nous abaissons les digues et ouvrons la brèche, et tôt ou tard, d’autres – qu’ils soient ou non de la même majorité et dans les mêmes circonstances – pourront revenir devant le Parlement. Bon nombre de vos arguments d’aujourd’hui seront alors exhumés pour justifier d’aller plus loin  », adresse-t-il au ministre. «  Ayez le courage de dire vos véritables intentions  !  » lance Jacqueline Fraysse à Emmanuel Macron.

Pascal Rouchaléou


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