La France tangue. Déçue, méprisée, maltraitée, la France gronde. Elle se sent trahie. Les unités de bruit médiatique et les incitations à regarder ailleurs ne pourront encore bien longtemps couvrir cette colère qui monte, ce rejet général des responsables politiques qui s’amplifie et tourne à l’écoeurement.
Un cri parcourt la France : ça ne peut plus durer ! Ca ne peut plus durer, mais la colère sourde qui monte de nos quartiers et de nos villages, des usines comme des universités, ne doit pas se détourner vers des solutions encore pires. Ni la poursuite de la politique droitière actuelle, avec une étiquette de gauche, ni le retour de la droite, ni la venue de l’extrême-droite n’apporteront du mieux pour chacune et chacun.
Continuer à brandir la menace lepéniste pour faire accepter à nos concitoyens des choix autoritaires d’austérité n’est qu’un sordide calcul qui risque de mener vers une douloureuse impasse que pourraient amèrement et douloureusement regretter nos concitoyens. Songeons que pour la première fois, les enquêtes d’opinion révèlent que l’image du Front national est meilleure que celle du parti au pouvoir, le parti socialiste. Une enquête d’opinion confirme qu’en cas de duel entre F. Hollande et Mme Le Pen, celle-ci serait élue. Qui aurait pu imaginer cela il y a encore quelques mois !
Fous seraient ceux qui s’en réjouiraient, alors que dans le même temps, les paramètres issus des élections partielles puis des municipales et des européennes, sont confirmés avec un niveau historiquement bas de toutes les forces de gauche et de l’écologie politique.
Ceci pose, à tout progressiste, à toute femme ou homme se réclamant de la gauche ou de l’écologie politique, une responsabilité particulière : celle d’inventer du neuf, ce qui ne résume évidemment pas à mettre un bulletin dans une urne.
Déverrouiller le système. Chercher une perspective progressiste. Pas en vase clos ! C’est le peuple qui doit parler. Il faut donc d’urgence se tourner résolument vers tous nos concitoyens, tous les jeunes, les travailleurs, les femmes, les créateurs et intellectuels, pour leur donner la parole, recueillir leurs opinions, leurs propositions pour bâtir une alternative progressiste crédible, émanation de leurs attentes et de leurs espoirs.
Ni N. Sarkozy hier, ni F. Hollande aujourd’hui n’entendent le coeur battant et les aspirations de la société. La société ne les écoute plus non plus. Le fossé s’élargit sans cesse. Le dégoût de la politique et des partis est à son comble. Nous ne sommes pas loin d’une crise de régime. La combinaison d’institutions étatiques qui donnent de considérables pouvoirs au Président de la République, sa prééminence sur les parlementaires et le gouvernement qui dépendent de lui seul, avec un formatage des responsables politiques de droite comme du Parti socialiste dans le cadre d’un poids de plus en plus grand des injonctions européennes sur les politiques nationales, auquel s’ajoute la liberté donnée aux marchés financiers et au capital multinational, aboutit à une sorte de monarchie présidentielle, qui ne se préoccupe plus de l’intérêt général, du bien commun.
Ceci conduit des candidats différents à l’élection présidentielle à faire des promesses différentes mais la même politique une fois installés à l’Elysée.
Les citoyens sont appelés à voter, mais il n’est jamais tenu compte de leur avis et ils sont exclus des décisions dans la cité comme dans l’entreprise. Dans ces conditions, ils sont de moins en moins nombreux à se rendre aux urnes d’autant plus que le système électoral est très injuste.
Il faut en finir avec cela ! La refondation démocratique est plus que jamais à l’ordre du jour. Le système doit, non seulement être déverrouillé, mais être profondément révolutionné, avec de nouvelles règles de vie commune à partir de l’intérêt général et une moralisation de la vie politique aujourd’hui gangrénée par le mensonge et la multiplication des affaires.
Ceci suppose la combinaison d’une nouvelle République démocratique, laïque et sociale, jusque sur les lieux de travail ; une nouvelle République qui intègrera le droit au travail, à la formation et à la culture pour chacune et chacun, comme le droit à bénéficier des biens communs humains, avec de nouveaux services publics ; une République combinant le bien être humain et la préservation de la planète. Le grand chantier de l’élaboration d’une nouvelle constitution est à l’ordre du jour.
Sortir de l’actuelle débâcle, impose que chacune et chacun prenne la parole pour un autre pouvoir et une autre société.
Par Patrick Le Hyaric, eurodéputé du Front de gauche, directeur de L’Humanité
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