À Montreuil, le Front de gauche approfondit ses débats

lundi 15 septembre 2014.
 

Le Front de gauche est bien décidé à rassembler, même si la nature de ce rassemblement reste inconnue : c’est l’acquis essentiel de l’assemblée de rentrée tenue à Montreuil samedi.

Présentée comme la « réunion de la dernière chance », l’assemblée de rentrée du Front de gauche, ce 6 septembre à Montreuil, peut prendre des allures de verre à moitié vide ou à moitié plein. La réunion, tenue pour partie à huis clos, en présence de pas loin de deux cents participants, a acté des lignes de forte convergence. Mais aussi la persistance de débats loin d’être anodins entre ses composantes. La nouvelle donne politique, ouverte par l’orientation sociale-libérale affirmée du gouvernement Valls II, a ravivé les questions sur la nature du rassemblement à mettre en œuvre.

Des points de convergence

Dans une ambiance studieuse et marquée par la volonté de l’ensemble des participants de ne pas commettre l’irréparable, les explications de texte ont bien eu lieu. C’est déjà l’avantage de cette rencontre que chacun l’ait abordée avec l’envie de ne pas casser le Front de gauche sans pour autant mettre son mouchoir sur ses convictions.

Contrairement à ce que d’aucuns craignaient, la réunion, débutée à 9h30 pour se conclure en présence de la presse à 18 heures passées, n’a pas non plus été le théâtre d’un affrontement entre les seuls Parti de gauche et Parti communiste français. De nombreux « non alignés » ont exprimé leur voix, faisant remonter de riches expériences de terrain.

Au titre des points d’accord : la caractérisation de la ligne politique du deuxième gouvernement formé par Manuel Valls, à la suite de l’éviction des ministres jugés « trop proches des frondeurs » : Montebourg, Hamon et Filippetti. L’ensemble des parlementaires Front de gauche votera, le 16 septembre, contre la confiance que réclame le premier ministre. Autre point de convergence, la nécessité de débattre, de manière constructive, avec les « frondeurs ». Ainsi, Clémentine Autain a souhaité « tendre la main à tous », tout en marquant une distance nette vis-à-vis de la politique menée par l’exécutif.

« Les conditions de l’alternative »

Le débat avec les « gauches » du Parti socialiste repose, de facto, la question de l’élargissement du rassemblement, tel que le Front de gauche pourrait le porter. Et là, les divergences se sont exprimées. Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, a défendu, autour du Front de gauche, une « alliance rouge, rose, verte », prenant appui sur les démarches entamées par des clubs de réflexion tels Gauche avenir mais aussi sur les déclarations émanant de dirigeants écolos ou socialistes opposés à la ligne Valls. « Nous devons créer dès maintenant les conditions de l’alternative en rassemblant les Français et les forces politiques qui ne se reconnaissent plus dans la politique gouvernementale », a précisé le chef de file des communistes. Un propos explicité par le conseiller régional PCF d’Île-de-France Francis Parny, un des coorganisateurs de cette journée : « Le rassemblement de la gauche que nous appelons de nos vœux ne peut plus prendre la même forme qu’il y a dix ou quinze ans… »

Une ligne qui n’a pas rassemblé l’ensemble des délégués. « Je ne doute pas de la sincérité du tourment des frondeurs socialistes, que je connais bien pour certains, a répondu, à distance, Alexis Corbière, secrétaire national du Parti de gauche. Mais si ça se finit par des abstentions, à quoi bon… Les faits trancheront, mais on ne peut pas bâtir une stratégie sur l’évolution au PS. » Éric Coquerel, secrétaire national du PG et organisateur de la journée, a jugé nécessaire de se tenir à distance du PS pour ne pas y être assimilé : « Nous ne sommes pas d’accord sur l’idée de rassembler la gauche, car pour les gens, la gauche va jusqu’à Valls et Hollande. »

L’exemple de Podemos

Aussi, pour certains intervenants, l’élargissement du Front de gauche doit se traduire par une adresse en direction des abstentionnistes et du mouvement social. Nombre de délégués ont plaidé pour une meilleure implication du Front de gauche dans les luttes sociales et sociétales. Jean-Luc Mélenchon a été plus loin en proposant, dans la ligne de son discours au Remue-méninges cet été, que le front de gauche devienne l’aile marchante d’un mouvement en faveur de la VIe République, « destiné à fédérer le peuple ». L’exemple de Podemos qui, en Espagne, talonne la social-démocratie, a plané sur Montreuil. La VIe République a certes été intégrée, dans la résolution finale, comme « un des moyens essentiels de sortie de la crise ». Pour autant, d’autres points de mobilisation ont été présentés comme nécessaires : travail du dimanche, seuils sociaux, utilisation du CICE, réforme territoriale… « Il s’agit de stopper Valls sur des points précis, tout en redonnant espoir », explique Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF. Des ajouts que Jean-Luc Mélenchon a pris le soin d’intégrer dans la démarche, comme autant de points d’appui pour une unité du Front de gauche.

Reste que d’autres modes de rassemblement ont été mis sur la table. Ensemble !, la troisième composante du Front de gauche, a ainsi voulu prendre appui sur l’expérience des collectifs unitaires anti-libéraux, nés avec la mobilisation pour le Non au Traité constitutionnel européen, en 2005. « Être clair sur notre positionnement et créer des passerelles », jusqu’à des socialistes, explique ainsi Clémentine Autain. Qui poursuit : « Nous sommes aujourd’hui en tension entre la nécessité d’occuper un espace politique distinct de la gauche gouvernementale et la difficulté de ne pas tomber pour autant dans la logique de cordon sanitaire avec le PS. »

À voir les visages des participants, l’exemple de l’échec des collectifs unitaires en 2006 est dans toutes les têtes. Et personne n’assumerait une nouvelle fracture au sein de la gauche radicale. Une nouvelle assemblée du Front de gauche devrait se tenir au mois de novembre pour approfondir les discussions en suspens.

Serge Knittel


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