Quel avenir pour le Front de gauche  ?

mardi 9 septembre 2014.
 

"Un mouvement populaire pour la VIe République"

Par Alexis Corbière secrétaire national du PG

Du passé faut-il faire table rase  ? Non. Le Front de gauche a un avenir, à la condition qu’il soit lucide sur son passé et qu’il en tire des enseignements clairs pour le futur. Aussi, parlons-nous franchement. Finalement, la seule grande irruption du Front de gauche sur la scène politique s’est produite en 2012 lors de l’élection présidentielle. En disant cela, je ne sous-estime pas nombre de luttes courageuses ou de campagnes victorieuses qui ont été menées ici et là, avant ou après, mais je considère néanmoins qu’aucune d’entre elles n’a eu autant d’impact politique et idéologique sur notre pays que la campagne de 2012. Les faits sont là pour attester de cet immense succès. C’est lors de cette élection que près de 4 millions de nos concitoyens, soit plus de 11 % des votants, se sont prononcés pour les thèmes que nous avons placés au cœur de notre action. Quelle réussite  ! Un tel résultat ne s’était jamais produit depuis plus de trente ans.

De cette «  campagne référence  » de 2012, quels enseignements pouvons-nous tirer  ? Sans oublier toutes ses audaces bouillonnantes et sa grande richesse intellectuelle, notre succès s’est forgé autour d’idées simples, exprimées par des slogans tournés vers le plus grand nombre comme «  Place au peuple  » ou «  Prenez le pouvoir  !  » et que notre candidat, Jean-Luc Mélenchon, a exprimé lors du dernier meeting à Paris, trois jours avant le premier tour, en termes clairs  : «  Nous serons, et pour toujours, la force autonome, indépendante, exigeante, qui ne marchande pas (…) qui ne s’arrange avec personne d’autre que le peuple lui-même et avec son propre programme. (…) Faisons ensemble le serment de cette porte de Versailles  : nous resterons unis tous ensemble, jusqu’à la victoire de la révolution citoyenne, jusqu’à la victoire de la VIe République.  »

Depuis, toutes les composantes du Front de gauche ont-elles respecté ce «  serment de la porte de Versailles  »  ? À l’évidence, non. C’est pourtant avec cette stratégie claire qu’il faut renouer. Le Front de gauche, pour gagner en puissance, doit devenir un Front du peuple, c’est-à-dire une force qui fédère d’abord le peuple afin qu’il devienne un acteur politique conscient apportant des réponses pratiques à ses problèmes. Le reste est subalterne. Deux ans après l’élection de François Hollande et son cortège de malheurs, notre peuple doit reprendre goût à l’action civique pour écrire un avenir conforme à sa longue histoire révolutionnaire. La bataille pour des droits politiques nouveaux dans la cité, dans l’entreprise, et pour la biosphère, peut être le cœur battant d’une remobilisation populaire qui, par une assemblée constituante, fondera l’intérêt général et le respect de sa souveraineté. Tout en portant une critique radicale contre la politique du gouvernement Valls 2, nous proposons de s’engager avec plus d’ampleur dans la création d’un mouvement populaire pour la VIe République. En faisant cela, nous ne nous éloignons pas de ce qui a fait l’identité du Front de gauche. C’est l’inverse. Nous revenons boire à la source de sa jeune histoire. Lors de son discours de rentrée, Marine Le Pen a appelé à «  revenir à la Ve République  », raillant ceux qui, comme nous, veulent la renverser. Logiquement, elle rejoint le cortège des oligarques qui défendent ces institutions antidémocratiques si pratiques puisque l’on peut continuer à gouverner même quand le peuple n’est plus d’accord. Mais les plus ardents défenseurs de ces dernières, qui en usent et en abusent, résident aujourd’hui à l’Élysée et à Matignon. Triste constat. Cela démontre clairement qu’en nous engageant pour une VIe République, nous nous dressons sans ambiguïté contre tous nos adversaires.

"Rassemblement majoritaire et bataille d’idées"

Par Jean-Louis 
Le Moing Membre 
du conseil national du PCF

« Sa faiblesse, ce sont les bulles qui enflent et qui éclatent. Sa force, c’est qu’il n’y a pas d’autre système qui ait pu passer l’épreuve de la réalité  » (Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, à propos de la crise des subprimes – NDLR). Ainsi donc le capitalisme, qui charrie tant de souffrances, d’inégalités, de violences, se trouverait acquitté au bénéfice du doute. Il faudrait se rendre à la raison et se couler dans son moule. La sphère dirigeante du Parti socialiste nous sert une version remastérisée du TINA (There is no alternative) de Miss Thatcher. Ce postulat éreinte la société. Il donne des ailes au patronat, libère les pulsions les plus extrêmes de la droite et ouvre la porte aux pires aventures. Cette capitulation amène de l’eau au moulin, déjà si puissant, de l’offensive idéologique du capitalisme visant à extirper durablement toute velléité de transformation sociale et solidaire. D’où l’impérieuse nécessité de rehausser le contenu de la bataille d’idées au service d’une alternative de dépassement du système capitaliste. Dans cette bataille, les moyens sont disproportionnés. Mais ce n’est pas «  la fin de l’Histoire  »  : les points d’appui ne manquent pas au sein de notre peuple et dans le monde pour faire face à cette hégémonie.

Il s’agit d’engager une bataille d’idées frontale, déterminée, durable, pour faire renaître l’espoir au présent. Pour ce faire, nous avons besoin d’un projet utile pour résister et pour changer. Un projet apte à nourrir les résistances locales et une visée émancipatrice globale. Pas une addition de propositions, pas un catalogue de présentations d’un monde idéal, mais un projet porteur de sens, d’une ambition moderne et universelle. Un manifeste pour l’avenir qui, partant des contradictions actuelles du système, indique le sens de réformes à accomplir. Un projet attractif, fort, cohérent, porteur de valeurs, de repères, permettant à la riposte de grandir, apte à générer des rassemblements majoritaires. Oui, majoritaires, car notre choix de la démocratie comme but et comme moyen n’est pas un choix de circonstance, pas davantage une concession. Il est illusoire de penser les transformations hors de leur pleine maîtrise par les gens eux-mêmes. Cette maîtrise permettra la vigilance et la mobilisation nécessaires à l’application de ces réformes face à un système capitalisme tentaculaire. Il est vain et dangereux de tromper l’Histoire. En vérité, il n’est pas de voie royale, pas de raccourci. Il n’est pas de nouveau projet hors de son émergence et de sa promotion par les gens eux-mêmes. C’est pourquoi notre objectif de rassemblement doit conserver sa vocation majoritaire.

Or, il faut le reconnaître, le Front n’est pas – aujourd’hui – l’outil permettant le rassemblement et l’intervention du peuple de gauche autour d’exigences de progrès auxquelles il n’a pourtant pas renoncé. Et penser que nos résultats médiocres lors des européennes sont la résultante des choix des communistes aux municipales dans plusieurs grandes villes de France est – au mieux – extrêmement court. Ne passons pas outre les résultats décevants des législatives (7 %) et de toutes les consultations partielles intervenues depuis la présidentielle.

Pour dégager une voie d’avenir pour le Front de gauche, un diagnostic est incontournable. Encore faut-il procéder à cet examen sans contourner des questions qui sont réellement au cœur de nos difficultés. Je reviens pour ma part sur la question première de la maîtrise partagée du contenu et des conditions du changement. De ce point de vue, il convient de dépasser la posture, la dénonciation du système, certes nécessaires, mais insuffisantes. Il s’agit de convaincre, d’entraîner, de susciter l’adhésion en faisant appel à la réflexion et à l’intelligence. Pour donner la force nécessaire à un nouveau projet progressiste, il s’agit d’inspirer la confiance du peuple en lui-même autour d’une offre politique crédible et rassembleuse. La crise politique actuelle est avant tout une crise de l’offre. Au fond, pour devenir un outil de promotion populaire d’idées nouvelles, le Front de gauche a deux défis de crédibilité à relever. Le défi de la bataille d’idées, sur laquelle nous butons et qu’il faudra pourtant bien gagner. Et le défi de son propre dépassement, d’une ouverture déterminée de son arc de rassemblement. Donc, pas de diversions ni de mauvais procès, mais du travail sur les contenus en rehaussant le niveau de notre apport idéologique, et une volonté de rassembler sans étroitesse, avec opiniâtreté mais sans forfanterie, en écartant toute notion de ralliement. Nos convictions, notre mémoire et notre patrimoine idéologique et humain nous placent en situation de responsabilité pour réorienter ainsi le Front. C’est bien pourquoi la situation implique un nouveau déploiement de la pensée et de l’action communiste.

"Les objectifs fixés par le Front de gauche en échec"

Texte collectif (Premiers signataires  : Caroline Andréani, 
Paul Barbazange, Marie-Christine Burricand, Jean-Jacques Karman, Jean-Pierre Meyer, Pasquale Noizet, Danièle Trannoy, membres du conseil national du PCF)

Il est urgent que les communistes ouvrent un examen sans tabou de la stratégie suivie depuis 2008. En effet, des avis divers s’expriment quant à l’analyse des résultats et aux propositions pour l’avenir. Nous appelons les communistes dans leur diversité à s’emparer de la conférence nationale du Parti communiste français (PCF) des 8 et 9 novembre, à en transformer l’ordre du jour pour permettre un débat utile pour notre parti et notre peuple. Les élections municipales et européennes ont créé une situation nouvelle lourde de dangers. La gauche est durablement disqualifiée, la droite a conquis de nombreuses communes, le Front national confirme sa dynamique avec le gain de plusieurs villes et sa course en tête aux élections européennes. L’abstention structure durablement les comportements politiques, y compris d’anciens électeurs communistes. Notre parti a subi une défaite importante avec la perte de nombreux élus et villes communistes puis d’un député communiste européen, pertes qui s’ajoutent à celles des conseillers régionaux et généraux en 2011, députés en 2012. Cette perte d’élus utiles au mouvement populaire accompagne et aggrave l’affaiblissement de notre organisation, du rayonnement de nos idées, de notre lien populaire. Notre représentation est atteinte à tous les niveaux, notre crédibilité affaiblie.

Il nous faut nous poser avec lucidité la question de notre visibilité et de notre capacité à être audibles par le peuple. De nombreux camarades, quelle qu’ait été leur opinion dans les débats antérieurs, constatent que les objectifs fixés au Front de gauche par le PCF n’ont pas été atteints. Pire, l’affaiblissement du PCF s’est poursuivi, particulièrement dans son ancrage populaire et ouvrier, jusqu’à menacer notre existence nationale. Suffit-il de rechercher de nouvelles formes d’accord de sommet  ? Nous sommes convaincus par l’expérience que ce serait une mauvaise réponse. Faut-il faire plus, relancer le Front de gauche, imiter le modèle Syriza, nous savons tous que cela ne fera pas le compte. Les résultats de Die Linke et du Front de gauche le montrent amplement. Nous appelons à des ruptures stratégiques dans l’esprit des textes que nous avons soutenus et déposés depuis 2000, notamment le dernier «  Unir les communistes  ». Nous les invitons à débattre et à agir autour de quatre points pour sortir de l’impasse dans laquelle le PCF s’est mis  : la conception du rassemblement populaire doit se libérer des accords de sommet et du modèle de l’union de la gauche  ; la réappropriation par le PCF de son combat historique pour la nation, la souveraineté nationale et l’internationalisme, valeurs et objectifs abandonnés depuis notre adhésion au Parti de la gauche européenne  ; le renforcement de l’organisation du PCF et de sa capacité d’intervention idéologique et concrète autonome  ; enfin, la rupture avec les orientations du congrès de Martigues qui ont conduit à l’effacement du PCF et de la recherche du rassemblement des communistes. Nous invitons donc les communistes à travailler au renouvellement stratégique nécessaire afin de construire leur unité de pensée et d’action pour un parti de résistance au capitalisme et de construction du socialisme.

Contributions publiées dans L’Humanité


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message