Une victoire formidable du mouvement social, une Bérézina pour la droite, une claque pour tous les libéraux. Et maintenant ?( Gauche républicaine et laïque)

mercredi 12 avril 2006.
 

L’Elysée a annoncé le remplacement du CPE par un dispositif d’insertion professionnelle des jeunes en difficulté. La victoire est totale, la formidable mobilisation sociale a eu raison de la volonté de précariser davantage le monde du travail, ce projet est mort. Le 17 mars dernier Respublica écrivait (numéro 428) que la victoire était possible, et qu’il fallait leur faire mordre la poussière, c’est fait !

L’UMP, qui avait, à l’exception de Dupont-Aignan, voté unanimement le CPE, subit de plein fouet le séisme, accentué par la guerre impitoyable que se livrent Villepin et Sarkozy.

La réaction des médias est révélatrice à plusieurs niveaux. Tous enfoncent le Premier ministre, pour mettre en avant le ministre de l’Intérieur. Les « déclinologues » gémissent que notre pays est décidément totalement bloqué, que toute réforme y est impossible, et que les Français sont décidément d’affreux conservateurs. Certains ajoutent qu’en moins d’un an, cela fait deux fois, après le « non » au TCE, que les Français se tiennent mal à table. A l’étranger, les journaux britanniques sont plus francs. Ils disent ouvertement qu’à cause de nous et de la pagaille qu’on met, il va être plus difficile de mettre en place, dans toute l’Europe, la « flexibilité nécessaire pour préserver la compétitivité de nos entreprises... » Bref, le cœur de la France, son peuple, son mouvement social, ceux qui avaient infligé un camouflet le 29 mai 2005 à tous les libéraux, socio-libéraux, médias et élites, vient à nouveau de montrer qu’il est le fer de lance de la résistance populaire face à l’agression libérale.

L’inquiétude principale de ceux qui dirigent le monde serait qu’un débouché politique à un tel mouvement se concrétise, dans la quatrième puissance économique au monde. Pour eux, le scenario acceptable, c’est Romano Prodi (à côté de qui Strauss-Kahn fait figure d’affreux gauchiste) contre Berlusconi.

Traduction en France : pour s’opposer à la droite, et à Sarkozy, il faut tout faire pour que les Français aient à nouveau le choix, en 2007, entre les libéraux sociaux et les sociaux libéraux.

Il convient donc d’enfermer les électeurs de gauche dans le choix suivant :

si vous ne voulez pas de Sarkozy, un seul remède : Segolène ! Et le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne font pas, médiatiquement, dans la dentelle !

Unes de magazine, interviews, sondages, l’artillerie lourde est en route.

Laminé le retraité de la politique, Jospin, celui qui a voulu aider Chirac jusqu’au bout à nous faire voter « oui » il y a un an ! Dans le fossé Strauss-Kahn, qui pensait son heure venue. Aux oubliettes Jack Lang (formidâââble !) et ses paillettes ! Quant à Fabius, malgré la signature de la synthèse, malgré le calcul des siens que s’il se présentait, toute la gauche du « non » se rallierait derrière lui, les chances de le voir investi par le PS paraissent bien minces.

Donc, les médias ont décidé, cela doit être Ségolène, et pour la politique, on verra ensuite, place d’abord à l’image !

La balle est donc dans le camp de la gauche du non au TCE et au CPE. Depuis le 29 mai, il ne se passe rien de concret, si ce n’est la multiplication de colloques. La gauche du non a-t-elle pour seule ambition que chacun cultive sa boutique, et cherche à la renforcer pour certains Ou bien a-t-elle pour seul objectif d’accepter l’hégémonie idéologique des oui de gauche, pour conserver des postes, dans les instances électives, qui permettent à l’appareil de conserver des moyens militants, par ailleurs indispensables ? Raisonner ainsi serait suicidaire.

La seule option gagnante, pour les laïques et les républicains de gauche et d’extrême gauche, est celle qui consiste à être en phase avec le mouvement social anti-CPE qui vient de remporter une grande victoire. Que dit ce mouvement social ? Que c’est l’union de la jeunesse, de tous les syndicats, et de toutes les gauches qui est à l’ordre du jour.

Tous ceux qui s’écarteront de cette volonté unitaire se marginaliseront. A nous, en toute loyauté, de mener le débat et de faire en sorte que les partisans du oui de gauche et les défenseurs du non de gauche mouvance communautariste diviseur soient minoritaires.

Le séisme politique est énorme, l’UMP sort affaibli, et Sarkozy va tenter d’échapper au naufrage. Après avoir bien noyé Villepin, il va chercher à apparaître comme l’homme fort nécessaire au pays pour sortir d’une crise aux rebonds imprévisibles.

L’extrême droite pense que le silence est d’or, et qu’elle peut, malgré l’âge du capitaine, capitaliser la demande d’ordre qui peut monter du pays, et le sentiment de peur qui gagne des franges de la population.

Ce peuple français, exemplaire dans ses combats contre le libéralisme, depuis vingt-cinq ans, mérite mieux que les perspectives électorales dans lesquelles on veut l’enfermer. Il ne mérite pas un nouveau 21 avril, et le terrible choix entre la droite et l’extrême droite qu’il a dû effectuer.

Il ne mérite pas davantage de subir l’éternel chantage du moindre mal, entre les libéraux sauvages et les sociaux libéraux, dont les renoncements renforcent l’extrême droite, il ne mérite pas ce qui est arrivé aux Italiens. Face à une crise sans précédent du régime, après la bataille victorieuse contre le CPE, il faut ouvrir vite une perspective politique, sur des bases sociales, laïques et républicaines, qui coupe l’herbe sous le pied de tous les stratèges de coulisses et autres communicants qui veulent nous enfermer dans des choix qui ne sont que des impasses.

Et pour cela, il faut commencer par mesurer la profondeur de la crise. La « majorité » est largement minoritaire dans le pays. Elle vient de subir un deuxième camouflet en moins d’un an. La République ne peut rester dirigée par des gens qui ne représentent plus le peuple.

Une gauche digne de ce nom réclamerait, après la victoire du CPE, la dissolution du Parlement, et de nouvelles élections législatives. Le PS ne le fera jamais. Mais que ceux qui ont gagné le 29 mai le fassent, et disent clairement qu’ils veulent gouverner le pays au plus vite. Mais pour cela, il faudra être devant le candidat du PS pour le oui au soir du premier tour, et s’en donner les moyens, qu’on fasse l’unité avec eux, d’accord, mais en étant majoritaire, chacun son tour !

Car, entre nous, on n’a pas gagné le 29 mai 2005 et le 10 avril 2006 pour s’arrêter là !


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