France : droite et extrême droite communient dans l’homophobie

samedi 18 mai 2013.
 

Entretien avec avec Luz Mora, syndicaliste et membre de l’association Vigilance et initiatives syndicales antifascistes (Visa) qui regroupe des militant·e·s syndicaux de la FSU, de la CGT, de la CFDT et de Solidaires qui, depuis 1996, recensent, analysent, dénoncent, les incursions de l’extrême droite et plus particulièrement du Front national sur le terrain social.

« solidaritéS » – Comment expliques-tu le succès des mobilisations contre mariage pour tous  ?

Luz Mora – Le succès des mobilisations contre l’égalité civile de tous et toutes s’explique par plusieurs facteurs.

Au préalable, il est important de rappeler que «  la famille  » est un thème essentiel dans la pensée de droite. Il existe évidemment des nuances, mais, de façon générale, toute contestation de la «  famille  » (hétérosexuelle et dominée par l’autorité du père) revient, pour la droite, et notamment pour la plus radicale, à tenter d’ébranler le pilier que constitue l’institution familiale. Donc à affaiblir l’ordre naturel ou divin, sur lequel reposerait la société. Ce «  danger pour la civilisation  » qui serait engendré par la simple égalité civile, serait expliqué par le «  bon sens  », ou bien fondé sur des études sociologiques ou psychologiques.

En réalité, à bien lire et écouter ces discours, on constate leur profond lien avec la conception catholique de la famille

L’Eglise catholique française a clairement soutenu la contestation de la loi, par la voix de l’épiscopat. Les réseaux catholiques, encore bien implantés dans l’Ouest parisien et dans certaines régions (Ouest de la France, notamment) se sont mobilisés par l’intermédiaire, entre autres, des associations familiales religieuses et en particulier de l’association des familles catholiques. Des réseaux déjà constitués et identifiés comme «  pro-vie  », comme Alliance Vita, ont largement contribué à la réussite des diverses mobilisations.

Les réseaux politiques de droite ont aussi saisi l’occasion pour rassembler leurs militants et sympathisants. A droite, c’est l’UMP et l’UDI (formation centriste de J.-L. Borloo, réd.) qui étaient à la manœuvre. Les réseaux traditionnels, et notamment leur aile la plus réactionnaire (Christine Boutin, les membres de la Droite populaire), ont été largement acteurs de toutes les «  manifs pour tous  » et des actions publiques, à Paris comme en province.

L’UMP a saisi l’opportunité politique de se rassembler autour de cette mobilisation antimariage pour tous, au sortir de sa défaite électorale de mai 2012 et de la guerre des chefs qui s’en est suivie pour prendre la tête du parti. Au-delà de cette opportunité, la teneur des discours assumés d’une majorité des responsables de la droite démontre que la ligne la plus réactionnaire, autour de Jean-­François Copé et de courants comme la Droite populaire, fédère la majorité des militants et les sympathisants.

L’extrême droite, que l’on disait divisée sur la question, était aussi de la partie. Par simple souci tactique  ?

L’extrême droite a aussi tenu toute sa place  : si sa présidente a dénoncé une «  manœuvre  » du gouvernement et n’a pas participé aux cortèges, les députés et cadres du Front national se sont largement investis dans le débat, aux côtés de la droite, tant dans la rue qu’à l’Assemblée.

Malgré des divergences stratégiques internes, le Front national s’est placé à la fois en défenseur des valeurs familiales et en opposant au gouvernement socialiste. Il s’est aussi présenté en partenaire acceptable pour la droite  : ce moment d’opposition concrète sur une valeur commune à la droite a clairement permis l’établissement de passerelles entre le FN et la droite.

L’extrême droite la plus radicale, identitaire ou catholique traditionaliste, a fait de cette mobilisation une campagne centrale. Ils ont été particulièrement actifs dans les «  débordements  » à l’issue des manifs pour tous et dans les actions les plus radicales. Ces mois de mobilisation leur ont permis d’avoir une tribune et de tenter de recruter une partie de la jeunesse de droite, dont on constate la radicalisation.

A l’intérieur de la droite, la question du mariage pour tous a créé un clivage certain, même si les défenseurs de l’égalité civile ont été minoritaires. Dans le contexte de la recomposition des droites, il est aussi intéressant de constater que la question de l’alliance avec l’extrême droite, et notamment le Front national, est remise à l’ordre du jour à l’intérieur de l’UMP. A ce stade, la direction de l’UMP et celle du Front national ont certes déclaré que des alliances électorales étaient inenvisageables. Cependant, il est indéniable que les mobilisations anti­mariage pour tous ont rapproché les parlementaires, les cadres et les militants des deux formations.

L’homophobie n’a-t-elle été qu’un dérapage de quelques un·e·s  ?

Des discours de responsables politiques, clairement homophobes, puis appelant à l’insurrection ou à la violence ont été tenus durant ce débat. Le retour de l’expression publique des idées homophobes par des responsables politiques, chose que la France n’avait plus connue depuis le débat sur le PACS à la fin des années 90, a permis la réapparition des discours et des actes homophobes dans la société française. L’homophobie, qui était latente, mais que l’on n’osait pas exprimer, est largement réapparue au grand jour. Il est urgent de retrouver un front large et unitaire autour de la question de la lutte contre toutes les discriminations et pour l’égalité des droits. Cette mobilisation unitaire est la seule réponse politique possible pour faire reculer la banalisation des idées les plus réactionnaires.


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