Bouge toi camarade, la droite extrême est derrière toi !

mercredi 24 avril 2013.
 

En ce printemps 2013, la droite ou plutôt les droites sont à l’offensive. Quoi de plus normal après tout, les socialistes gouvernent, font face à une situation sociale extrêmement dégradée que leur politique va encore aggraver. Et pour couronner le tout, l’affaire Cahuzac ajoute une crise morale et démontre aux yeux de tous le degré de corruption et de collusion avec le milieu des affaires d’une partie des élites socialistes.

Mais on aurait tort de n’y voir que l’expression habituelle du débat politique dans ce pays. L’ampleur, la profondeur, la violence de la crise européenne posent des problèmes nouveaux. La politique menée par le gouvernement Ayrault peut à peine être qualifiée de social-libérale tant on serait en peine de trouver la moindre mesurette sociale. Il faut lire à ce sujet L’étrange capitulation1 de Laurent Mauduit. Dès le début, ce gouvernement a mené la politique du camp d’en face. Le « choc de compétitivité » n’est qu’une variante à peine modifiée de la principale mesure proposée par Sarkozy lors de sa campagne électorale. L’élection de François Hollande risque donc bel et bien d’être l’alternance de trop qui ne sert à rien.

C’est dans ce contexte qu’il faut apprécier les différentes mobilisations menées par la droite et l’extrême-droite. Ce sont bien évidemment les manifestations contre la loi sur le mariage pour tous qui ont servi d’abcès de fixation. Portées par les organisations liées à la droite catholique voire aux courants intégristes, les manifestations ont eu un caractère massif mais, après tout, en deçà des mobilisations pour « l’école libre » de 1984. L’actuelle radicalisation pourrait donc apparaître comme l’expression d’une minorité active d’autant plus bruyante et vindicative qu’elle se sent menacée par une sécularisation inéluctable de la société. Ce serait pourtant prendre le risque de mésestimer la réalité et la portée de ce qui se passe.

D’abord parce que les formes prises par certaines actions homophobes sont d’une gravité extrême et se multiplient, lynchages, bar gay saccagé à Lille... Ensuite parce que ces mobilisations ont servi de catalyseur pour enclencher une dynamique politique réelle qui permet de construire des ponts entre droite catholique et droite extrême. Enfin, les formes d’action utilisées sont en soi inhabituelles pour la droite, avec des mots d’ordres, des comportements qui sont marqués à gauche. On retiendra à titre d’exemple la dénomination « Printemps français » dans une claire allusion au printemps arabes.

Cette situation délétère marque incontestablement un approfondissement de la crise politique. Mais elle a aussi ses racines dans la campagne de 2012. Le score élevé de Marine Le Pen bien sûr, mais aussi ceux de N. Sarkozy. Donné carbonisé à l’automne 2011 et presque incertain de se qualifier pour le second tour de l’élection présidentielle, Sarkozy réalise pourtant 48,37% des voix - presque 49% sur la seule France métropolitaine – au terme d’une campagne de second tour nauséabonde, enfourchant les thèmes racistes et autoritaires de la droite la plus dure pour ne pas dire de l’extrême droite.

De la même manière, les résultats obtenus par un Berlusconi en Italie doivent faire réfléchir. Quasiment paria au moment de son éviction du pouvoir il y a deux ans et lesté par des affaires qui renvoient l’actuelle situation française à des problèmes de cours d’école, il réussit à faire jeu égal avec la coalition de gauche et le Mouvement 5 étoiles.

La crise majeure qui touche l’Europe aura d’autres rebondissements. La généralisation des politiques d’austérité à l’échelle du continent fait chaque jour plus de ravages. Alors évidemment, la France ce n’est ni la Grèce, ni Chypre. Un gouvernement réellement de gauche aurait les moyens de modifier la donne au moins en partie. Mais la France dispose aussi d’une particularité douteuse avec l’existence d’un parti d’extrême-droite solidement ancré sur le champ politique depuis maintenant près de 30 ans. C’est une différence majeure avec les pays d’Europe du sud. La Grèce, l’Espagne et le Portugal ont connu des dictatures militaires jusqu’au milieu des années 70, c’est encore dans toutes les mémoires. En revanche, en France le souvenir de Vichy ou de la guerre d’Algérie est désormais largement estompée. Et avant même que la crise ait produit tous ses effets désagrégateurs, le FN se situe à des niveaux extrêmement hauts : presque 18% à la présidentielle, d’excellents résultats dans les différentes partielles et la perspective d’un ancrage local fortement accru avec les municipales de 2014.

Dans ces conditions, une phrase de Trotsky raisonne étrangement : « Quand le peuple ne trouve pas de solution dans l’espoir révolutionnaire, il peut être tenté de le chercher dans le désespoir contre-révolutionnaire »2. Nous n’en sommes pas là. Mais plus que jamais, il faut accélérer le développement de notre outil commun, le Front de Gauche, et faire de notre mobilisation du 5 Mai le succès le plus large possible.

Guillaume Liégard

1 L’étrange Capitulation, Laurent Mauduit, Editions Jean-Claude Gawsewitch

2Où va la France ?,Léon Trotsky


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