"Un Mai 68 à froid ?"

vendredi 26 avril 2013.
 

«  Il y a crise de régime quand le système institutionnel est incapable de répondre à la perte de confiance  », a déclaré Arnaud Montebourg. Nous y sommes, précisément ! Et depuis trop longtemps. La crise de régime touche l’Europe austéritaire, certes, mais aussi la France, avec une défiance enracinée des citoyens envers les institutions et le politique.

Face au renoncement démocratique et économique, la question de la souveraineté populaire est posée. Renoncement économique, car l’arbre Cahuzac cache une forêt : les 2 000 familles françaises cachant 60 milliards d’euros en Suisse, les centaines de filiales d’entreprises et de banques françaises rompues au dumping fiscal, comme le soulignait-il y a quelques jours à l’Assemblée nationale le député communiste Alain Bocquet. Loin d’être une perversion du système, ces zones sont le cœur battant du capitalisme financiarisé. L’Europe et les États-Unis les ont sciemment tolérés à leur porte. Défendre leurs multinationales, ou défendre l’action publique au service des citoyens ? Les États ont fait le choix d’un capitalisme in fine prédateur de ces mêmes États ! Comment croire que morale et transparence pourraient venir à bout de ce système miné par l’argent roi ?

Renoncement démocratique, car nous assistons depuis trop longtemps à une déconnexion totale entre la représentation politique et les citoyens. Le bipartisme a perverti la démocratie, laissant des courants de pensée en dehors des institutions. La Ve République a lentement affaibli le pluralisme politique. Notre République étouffe sous le corset de sa concentration des pouvoirs, de sa monarchie présidentielle. Depuis le référendum de 2005 et la mobilisation contre l’Europe libérale, le fossé entre les élites tirant profit de la mondialisation et le peuple qui la subit ne cesse de s’élargir. Le camouflet du récent référendum en Alsace n’en est qu’une énième illustration. Que dire de l’autisme du système politique face à une abstention devenue le premier parti de France  ? Derrière l’apparente résignation, une colère populaire profonde. Toute chose égale par ailleurs, n’est-ce pas un Mai 68 à froid ?

Fixons le cap pour sortir de la crise. Imposons tout de suite le non-cumul et la limitation du nombre de mandats, une véritable proportionnelle aux élections, le droit de vote des étrangers, l’implication des citoyens à tous les niveaux. Souvenons-nous que le mot «  crise  » était chargé d’un sens positif dans la Grèce antique : « l’heure de la décision ». De la décision à l’alternative, il n’y a qu’un pas. Vite, inventons cette VIe République  !

Tribune dans L’Humanité


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