La dialectique, de la pensée à l’histoire

vendredi 22 mars 2013.
 

Une analyse de la genèse historique et conceptuelle de la pensée dialectique dans le contexte de la philosophie classique allemande.

Leçons sur la genèse de la pensée dialectique, Schelling, Hölderlin, Hegel de Françoise Dastur. Éditions Ellipses, 320 pages, 25,50 euros.

Surtout connue pour être une des meilleures spécialistes de la phénoménologie, Françoise Dastur a fait le choix de consacrer sa retraite de professeure honoraire de philosophie à la publication de ses cours et à la rédaction d’ouvrages portant sur ses multiples domaines de recherche. Le présent volume est consacré à la période de l’idéalisme allemand, pour le plus grand bonheur de ses diverses générations de lecteurs. Il vient combler une lacune dans l’articulation historique de trois œuvres souvent reliées entre elles, mais rarement abordées au fil directeur d’une notion qui a joué un rôle considérable au cours des deux derniers siècles de pensée philosophique et politique. c’est tout l’héritage de Kant et de son satellite philosophique le plus proche

Ce retour en amont prend la forme d’une analyse de la genèse historique et conceptuelle de la pensée dialectique. Des siècles après Platon et sa longue mise sous tutelle par la pensée scolastique, elle revient sur le devant de la scène historique à un moment très particulier, qui correspond à la Révolution française et au triomphe du criticisme kantien. En quelques années, outre la réalisation du projet platonicien de faire de la philosophie la «  science des hommes libres  », c’est tout l’héritage de Kant et de son satellite philosophique le plus proche, Fichte, qui est revisité et qui finit par donner naissance à une nouvelle constellation philosophique. Comme «  critique de l’apparence  », la dialectique a retrouvé ses lettres de noblesse théorique. En devenant le nouvel instrument d’analyse des fausses affirmations et des prétentions exagérées de la raison. trois périodes dans ce mouvement de refondation accélérée de l’histoire intellectuelle

Françoise Dastur identifie trois périodes dans ce mouvement de refondation accélérée de l’histoire intellectuelle.

- Il y a d’abord celle, aussi courte qu’intensive, située entre 1794 et 1796, qui est marquée par les lecteurs des grands maîtres de leur temps, Kant et Fichte, que sont alors les tout jeunes «  anciens  » du séminaire de Tübingen, après avoir renoncé à exercer profession de pasteur. C’est l’époque de la rédaction du «  plus ancien programme systématique de l’idéalisme allemand  », de la Doctrine de la Science de Fichte (ouvrage un temps attribué à Kant), des premiers écrits de Schelling et surtout de ceux du bouillonnant Hölderlin avec son poème-roman Hypérion.

- Puis la période francfortoise, pendant laquelle, entre 1797 et 1800, le même Hölderlin et le grand Hegel en devenir s’attachent parallèlement à une critique radicale de la religion, notamment du christianisme et du judaïsme, ainsi qu’à une réflexion sur la tragédie.

- Enfin, au tournant du siècle, entre 1799 et 1803, les deux mêmes auteurs (avant que le premier sombre dans une longue période de brume psychique) se consacrent à la double tâche de constitution et de dépassement de l’idéalisme subjectif.

En l’espace d’une décennie sans égale, la renaissance de la dialectique a bien eu lieu. Elle devra toutefois encore attendre Marx pour se libérer vraiment de toute velléité téléologique ou transcendante et prendre, à la nuit tombée, son véritable envol politique dans l’immanence de la réalité humaine.

Stéphane Floccari


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