Les indices des Bourses vont de record en record ; le monde de la finance est en pleine euphorie. Le chômage et la pauvreté sont en pleine croissance. Vous n’avez pas de compte à la banque américaine Goldman Sachs ? Moi non plus. Pourtant, ni vous ni moi n’avons oublié le nom de cette forteresse financière : elle a provoqué, en 2008, la catastrophe mondiale générale…
Eh bien, son président, M. Blankfein, a annoncé hier la bonne nouvelle à la terre entière : « Le pire est terminé et c’est la première fois que je le dis. » En général, ces gens-là ne parlent pas ou parlent très peu. C’est dire l’événement. Il nous vient de Davos, où la crème des 2 500 maîtres du monde était réunie pendant quelques jours : ils sont comme le banquier, envahis par un « sentiment de délivrance ». D’ailleurs, certains banquiers, qui avaient emprunté début 2012 près de 1 000 milliards d’euros à la BCE (Banque centrale européenne), remboursent avant l’échéance : c’est dire leur bonne santé. Mieux, comme l’écrit un quotidien, les patrons internationaux se sont séparés, « le baume au cœur ». Mieux encore : ces trois derniers mois, l’euphorie boursière les a comblés… Il y a donc, aujourd’hui, à la surface du globe, un bonheur nouveau. Mais ce n’est pas le vôtre.
Le journal le Monde titre aujourd’hui à la une : « Wall Street retrouve ses plus hauts niveaux historiques. » Et là-bas, à New York, un rapport annuel a même cherché à définir les risques que le monde de la finance en pleine exaltation pourrait éventuellement rencontrer (un ouragan malencontreux avait, en décembre dernier, paralysé les affaires). Il n’y en a pas beaucoup, mais tout de même, un des plus sérieux serait « l’accroissement des inégalités des revenus »… Tiens, tiens… ! Mais cela n’empêche pas les places boursières – Francfort, Paris, Londres, Milan… – de voler de sommet en sommet… Alors ? Alors rien, ont conclu les puissantes puissances qui mènent la danse ; désormais, ce sera comme avant, pour les peuples : « Compétitivité, productivité, austérité. » Tout le monde a compris.
Dans quel monde vivons-nous, où le capital financier connaît une considérable expansion nouvelle et où les hommes au travail – de PSA, par exemple – doivent lutter pied à pied pour leur avenir ? Où la grande finance internationale étale ses triomphes, quand le chômage, la pauvreté, l’inquiétude, parfois la peur du lendemain ont envahi nos sociétés ? Où les seigneurs de la Bourse sablent le champagne et où les hommes d’État et de pouvoir organisent la paupérisation générale…
Il ne fait aucun doute que cette contradiction, ou plutôt ce scandale, va faire bouger les lignes. Les lignes de la lutte et les lignes de la conscience. PSA, Renault, Sanofi, Goodyear, Virgin, Fralib, etc., la chaîne se forme. Elle aurait pu être soutenue, stimulée, encouragée, par le pouvoir d’État issu des élections de mai dernier. Elle ne l’est pas. Autrefois, un humoriste, en notant que le ministre de la Guerre avait démissionné, avait conclu : la guerre est supprimée. Aujourd’hui, le ministre du Redressement productif a, en quelque sorte, et au sens figuré, démissionné : le redressement productif est donc supprimé… !
Le chef de l’État avait promis pendant sa campagne une loi contre les licenciements boursiers. On l’attend toujours. Ces licenciements, eux, se multiplient, et ils sont comme une tâche honteuse sur le visage de notre pays.
Par Claude Cabanes, L’Humanité
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