Depuis la rentrée de septembre, le Front de Gauche à l’unisson d’économistes de tous bords, n’a cessé de tirer la sonnette l’alarme. En appliquant en France une politique d’austérité renforcée, le gouvernement prenait la responsabilité d’une hausse massive du chômage. Les effets cumulés de l’austérité provoquent aujourd’hui un véritable emballement. Chaque jour, la France compte plus de 1 500 nouveaux chômeurs. Face à cette catastrophe, le gouvernement oscille entre fatalisme et mesurettes, sans remettre en cause le cap général d’une politique économique qui devient la principale responsable du creusement du chômage.
Tristes records
Loin d’enrayer la hausse du chômage débutée sous Nicolas Sarkozy, l’arrivée d’un nouveau gouvernement a vu son accélération rapide depuis 9 mois. D’un rythme de plus 20 000 chômeurs par mois durant l’été, on est ainsi passé depuis l’automne à une hausse qui dépasse les 30 000 par mois. Le chômage aura ainsi augmenté deux fois plus vite en 2012 qu’en 2011, avec plus de 300 000 nouveaux chômeurs en un an. Après avoir franchi la barre des 10% de la population active, il s’approche désormais du record historique de 11,2% qui avait été atteint à la fin du gouvernement Juppé en 1997. Dans sa définition la plus restreinte, on compte désormais 3,13 millions de chômeurs dits de catégorie A. Mais si l’on comptabilise l’ensemble des demandeurs d’emploi, en intégrant le sous-emploi, on arrive à 5,24 millions de personnes touchées par le chômage. La hausse globale du chômage entraîne le franchissement de deux tristes records. Celui du nombre de chômeurs de longue durée. Et celui du nombre de jeunes au chômage qui atteint désormais le demi-million. Un chômage des jeunes qui augmente 50% plus vite que celui des 25-49 ans.
Un mal social global
Après avoir d’abord touché principalement les catégories sociales les plus fragiles, notamment les jeunes, les femmes et les intérimaires, la hausse du chômage touche désormais toutes les catégories et tous les âges. Elle place les services de Pôle Emploi, déjà sinistrés, dans une situation critique.
Elle touche ainsi toute la société et entraîne des conséquences économiques en chaîne : baisse des revenus des nouveaux chômeurs qui aggrave la contraction de l’activité. Et comme la hausse du chômage est ininterrompue depuis 19 mois, un nombre croissant de chômeurs arrivent désormais en fin de droits. Le nombre de « bénéficiaires » de l’ASS, minima social destiné aux chômeurs non indemnisés, a ainsi bondi de 15% en un an. Et l’assurance chômage prévoit que plus de 100 000 nouvelles personnes arriveront en fins de droits en 2013. Cumulées à la contraction générale des revenus, ces fins de droits vont augmenter la pauvreté. Au-delà des seules conséquences quantitatives, la montée rapide du chômage installe une peur générale dans l’ensemble du salariat. Cela facilite la pression patronale à la baisse des salaires et à la précarisation des contrats.
Entre fatalisme et mesurettes
Alors que le chômage est depuis plusieurs mois la préoccupation centrale des Français, le gouvernement n’a pas engagé de mobilisation réelle contre ce fléau. Aveugle face à cette urgence sociale, il martèle que la priorité pour 2013 est le redressement des comptes publics. A cet objectif technocratique s’est ajouté le mirage du choc de compétitivité. Mais le choc anti-chômage que la situation imposerait reste introuvable. Contraints malgré eux de parler du chômage, le président et le gouvernement adoptent un fatalisme consternant. Ainsi François Hollande a-t-il affirmé le 21 décembre sur Europe 1 que « le chômage ne va cesser d’augmenter pendant un an. » Ce fatalisme est d’autant plus révoltant que le gouvernement n’a présenté aucune mesure nouvelle pour réagir, en dehors des mesurettes prévues dans le programme présidentiel. Et encore, leur mise en œuvre les rétrécit le plus souvent par rapport à leur énoncé dans la campagne. Par exemple, alors que le chômage des jeunes explose, Hollande a divisé par deux le nombre de contrats d’avenir destinés aux jeunes (150 000 contre 300 000 dans le projet du PS). Quant aux fameux contrats de génération qui vont être discutés au Parlement en janvier, les économistes comme les employeurs reconnaissent qu’ils vont remplacer des embauches de jeunes qui auraient eu lieu de toute façon. Le gouvernement n’a donc rien prévu de massif, ni de nouveau pour combattre la hausse du chômage.
L’austérité creuse le chômage
Au contraire, en programmant l’aggravation de l’austérité jusqu’en 2016-2017, le gouvernement prend la responsabilité d’une nouvelle aggravation du chômage. On sait déjà que les économistes d’institutions aussi opposées que le FMI et l’OFCE ont prévu que le budget 2013 entraînerait une contraction d’activité responsable d’au moins 300 000 chômeurs supplémentaires. Désormais, ce sont les organismes officiels eux-mêmes qui commencent à confirmer cette catastrophe : l’INSEE considère ainsi que l’acquis de croissance à mi-2013 ne devrait être que de 0,1%, là où le gouvernement a prévu 0,8% pour l’ensemble de l’année. La lourde responsabilité des politiques d’austérité dans la hausse du chômage est aussi illustrée de manière extrême dans plusieurs pays européens. Plus les mesures d’austérité ont été fortes, plus le chômage a progressé. En Grèce, après 11 plans d’austérité en trois ans, le chômage a plus que doublé et atteint 25% et même 58% chez les jeunes. En Espagne, le chômage a augmenté de 140% sous le gouvernement social-démocrate de Zapatero qui a enclenché les premières mesures d’austérité. Il touche désormais 25% de la population active et 52% chez les jeunes. Alors que l’Espagne avait une dette maîtrisée et un chômage autour de 10% il y encore quelques années, son naufrage montre ce qui attend la France si elle persévère dans les politiques d’austérité.
L’erreur de la politique de l’offre
Le journaliste économique Laurent Mauduit a noté récemment l’anachronisme de la politique économique du gouvernement. Hollande et Ayrault recyclent avec 40 ans de retard, la politique menée par Helmut Schmidt et Valéry Giscard d’Estaing dans les années 1970. Sans aucune originalité, ils ont ainsi repris à leur compte le théorème de Schmidt selon lequel « les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain et les emplois d’après-demain. » Ce qui ne s’était déjà pas vérifié dans les années 1970 a encore moins de chances de se vérifier aujourd’hui. Car entre temps le capitalisme s’est financiarisé. Les profits sont massivement détournés par les actionnaires au détriment de l’investissement et donc de l’emploi. Ainsi, selon l’INSEE, machines, équipements et bâtiments industriels ne représentent plus que 15% des actifs des entreprises françaises, contre 30% il y a 30 ans. Et à l’inverse, les actifs financiers représentent désormais 65% du total des actifs des entreprises contre 36% il y a trente ans. Cela signifie que le capital se vide de sa substance productive. En s’appuyant sur ce capitalisme parasite, la « politique de l’offre » ne peut donc déboucher sur aucune relance productive. En misant sur l’amélioration des marges des entreprises, le gouvernement va uniquement faire gonfler les dividendes sans effet notable sur l’économie réelle.
Flexibilité : le remède qui aggrave le mal
Une autre erreur est en train de se profiler face au chômage. Le patronat explique qu’un droit du travail plus flexible faciliterait les embauches. François Hollande a repris cette thèse lors de ses vœux en invitant à réformer le droit du travail pour lutter contre la « peur de l’embauche ». Cet autre remède s’est pourtant avéré totalement inefficace dans le reste de l’Europe. Avec le marché du travail le plus flexible d’Europe, l’Espagne a vu son chômage augmenter plus vite que tous les autres pays européens. Ce sont au contraire les protections du droit du travail, que le patronat qualifie de rigidités, qui freinent la progression du chômage dans les périodes de contraction de l’activité. S’il soutenait de nouvelles mesures de flexibilité actuellement envisagées dans les négociations sur le contrat de travail, le gouvernement activerait donc un deuxième moteur de creusement du chômage.
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