Ecosocialisme : la quatrième voie

jeudi 24 décembre 2020.
 

Au-delà et en deçà d’un programme de gouvernement, une ligne d’horizon doit être visible pour tous : un projet de société fondé sur une conception de l’Humain qui ne soit pas contradictoire avec les données de la science contemporaine.

L’écosocialisme : la quatrième voie

Lors des assises pour l’éconosocialisme (ES), le 2 décembre 2012, Jacques Généreux a expliqué, avec son talent pédagogique habituel, comment il concevait une société de développement humain, autrement dit, une société écosocialiste.

Son exposé est disponible en ligne. Voir la vidéo http://www.dailymotion.com/video/xv...

En consultant cette vidéo, on peut retrouver les autres liens permettant d’accéder aux autres contributions pour ces assises.

L’objet de cet article n’est pas de traiter en général de l’écosocialisme (voir annexe) mais de rendre compte ici de l’intervention de Jacques Généreux. Nous avons écrit en italique quelques petits compléments. Il reprend en fait ici, d’une manière condensée, les thèses qu’il a exposées dans son ouvrage Le socialisme néomoderne réédité sous le titre l’Autre société.(éditions du seuil)

L’écosocialisme constitue la quatrième voie et non pas une quelconque troisième voie qui tenterait de concilier par exemple une société fondée sur l’économie de marché et une société de type étatique socialiste.

La démarche ne consiste pas à trouver un compromis ou une construction bancale entre des solutions opposées mais de développer une nouvelle manière de penser qui ne se réfère pas aux indicateurs habituels utilisés par les économistes.

Pourquoi quatrième voie ? Quelles sont donc les trois autres voies existantes ou ayant existé ? Ce sont les sociétés de type suivant :

- la dissociété partant du principe quasi exclusif de la liberté individuelle et où prédomine l’ être pour soi conduisant à l’individualisme.

- L’hyper société partant du principe quasi exclusif d’égalité et où prédomine l’ être pour les autres conduisant à une société holiste de type totalitaire.

- La dissociété communautarisée partant du principe quasi exclusif de fraternité où prédomine l’ être pour soi dans la communauté, elle-même coupée de la grande société.

Ces types de sociétés ont conduit à des impasses économiques, sociales, politiques et écologiques

Elles souffrent de deux carences fondamentales : - une conception anti scientifique de l’être humain et de ses besoins pour exister tant individuellement que socialement. - une incapacité à articuler conceptuellement et pratiquement individu et société

La quatrième voie consiste à considérer simultanément et à égale importance : liberté – égalité – fraternité qui constituent le fondement même de la république, du bien vivre ensemble, de l’intérêt général, auquel s’ajoute le principe de viabilité, c’est-à-dire la possibilité pour l’être humain de vivre en harmonie avec la Nature, dans un écosystème non dégradé.

Liberté – égalité – fraternité – viabilité, telle est la charpente d’une république sociale et d’une société éco socialiste.

Contrairement aux autres mouvances politiques, il faut s’interroger sur les fondements anthropologiques de nos conceptions politiques. L’Humain d’abord, certes, mais qu’est-ce que l’Humain ?

Les sciences de la Vie et de la Terre, les sciences humaines contemporaines nous enseignent qu’un être humain pour survivre et vivre tisse des liens entre lui et son environnement naturel, tisse des liens avec d’autres êtres humains pris individuellement, tisse des liens avec la communauté restreinte ou large à laquelle il appartient.

Écologie, sociologie, psychologie sociale, anthropologie, ethnologie sont des sciences contemporaines qui étudient la nature de ces liens.

Nous savons maintenant que nous somment tous interdépendants et dépendant de notre écosystème qui lui aussi, dépend de notre action. Ces sciences n’existaient pas ou n’existaient que d’une manière embryonnaire au XVIIIe et XIXe siècle où se sont élaborées les philosophies politiques ayant donné naissance aux institutions politiques des sociétés modernes. Nous vivons donc encore avec des institutions essentiellement fondées sur une conception métaphysique et non scientifique de la Nature et de l’Humain.

A l’inverse, l’écosocialisme prend en compte tous les apports des sciences contemporaines. Il fonde sa philosophie politique notamment sur les apports de l’anthropologie. Ce n’est évidemment pas le cas du libéralisme qui c’est développé sur un contresens anthropologique. Le libéralisme est né et s’est développé comme processus libérateur contre l’écrasement des individus par la toute-puissance d’un pouvoir féodal et par l’hégémonie religieuse du christianisme.

Ce totalitarisme de l’ancien régime était un frein pour la libre initiative des capitalistes marchands (puis industriels) et à la libre circulation des marchandises. L’État féodal avec l’Église et tous les liens sociaux qu’ils induisaient étaient donc considérés comme un obstacle fondamental à la liberté individuelle mais aussi au libre développement de la Raison.

La liberté et l’autonomie individuelles devaient donc s’affranchir de tout lien social considéré comme étouffant, sclérosant et empêchant tout développement de quelconque singularité.

C’est dans ce contexte historique qu’il faut comprendre l’apparition de la conception libérale de l’individu : un être autonome, un atome doué de potentialités, défendant égoïstement ses intérêts, doué d’une raison calculatrice qui donna naissance à l’homo économicus de la société de marché.

Ce fut pour les libéraux une longue bataille culturelle qui marque encore profondément les mentalités du monde occidental. L’exacerbation de la notion de compétition et de concurrence entre individus ou groupes d’individus sont des conséquences de cette conception.

Mais il se trouve que les sciences contemporaines montrent, au contraire, que le lien social joue un rôle fondamental pour tout être humain : c’est par le développement des liens sociaux avec sa famille, à l’école, sur le lieu de travail, par la variété de ses expériences humaines qui le met en contact avec des communautés diverses, que l’individu construit son identité et sa liberté. L’individu se développe en étant pour soi et pour les autres, avec soi et avec les autres.

L’humain est d’abord de nature sociale et on ne peut isoler la biologie neuronale de son cerveau du bombardement incessant des informations provenant de son milieu, et ce, depuis sa naissance. Toutes ces informations émanant tant de son environnement humain que de son environnement naturel structurent biologiquement son réseau neuronal, le fonctionnement de sa pensée, sa psychologie. L’écosocialisme fait écho à cette socialité originelle.

Au contraire, ce n’est pas la manière de voir du libéralisme pour qui le lien social est originellement nocif . Il met en opposition individu et société. Cette idéologie dissociative met aussi en contradiction la singularité, l’identité et le lien social Le développement de ce type de société par l’ultralibéralisme conduit à une atomisation des rapports sociaux et à une montée en puissance de la violence.

Jacques Généreux appelle dissociété, une telle société bâtie sur ces prémisses fausses. C’est par la contractualité inter-individuelle, pour reprendre une terminologie de Jacques Bidet, que le lien social entre individus est domestiqué au niveau du droit. ..

L’autre voie, suivie par l’hyper société, prétendant supprimer toutes les inégalités, a conduit à un étouffement des formes singulières, au profit de l’unité sociale. Le lien est alors celui de l’individu avec la Société qui est censée lui donné sens. La contractualité centrale, entre les individus et l’État, joue alors un rôle prépondérant pour domestiquer le lien social.

La dissociété communautarisée développe une conception et une pratique étriquées du vivre ensemble : les individus ne peuvent vivre ensemble que s’ils partagent des caractéristiques communes discriminatoires : même ethnie, même religion, même langue, mêmes convictions politiques ou philosophiques, même nationalité, etc. Les communautés ainsi constituées peuvent entretenir un lien antagonique avec la Société.

Dans tous les cas, l’individu et la société établissent des liens antagoniques.

Il fallait trouver une forme de fonctionnement économique et social, une finalité de l’ordre social qui ne répriment par la liberté des individus (pour la dissociété) et ne désintègrent la cohésion de la société (pour l’hypersociété). L’abondance des biens matériels devint alors l’alpha et l’oméga de toute stratégie économique et politique. Ainsi naquit l’idéologie de la croissance destructrice de l’environnement.

La société capitaliste parle de croissance de la production et de la consommation stimulée par la compétitivité , la société socialiste étatique parle du développement des forces productives stimulé par l’héroïsme au travail. Le productivisme prend donc racine dans l’incapacité d’une société à concevoir la réalité anthropologique du lien social et de saisir simultanément les quatre principes : liberté – égalité – fraternité – viabilité.

L’écosocialisme est la quatrième voie qui consiste à considérer simultanément l’existence de tous les liens  : ceux existants entre individus, entre individus et société, entre les individus et la Terre, entre les communautés et la société. L’individu n’est plus prisonnier d’une communauté car il multiplie la diversité de ses liens sociaux. Être avec soi et être avec les autres ne sont pas contradictoires mais elles sont deux tendances qui se nourrissent l’une de l’autre. De la même manière, solidarité et autonomie ne sont pas antagoniques.

Une société écosocialiste n’est donc pas fondée sur la compétition mais sur la coopération.

Si la compétition doit exister, elle ne peut être que ludique et en aucune manière être source de pouvoir. Une telle société attache plus d’importance à l’accumulation des liens qu’à l’accumulation des biens. La transition écologique nécessite une expansion sans précédent des services publics mais aussi une décroissance de l’accumulation des biens matériels.

Les différents adhérents ou sympathisants du Front de gauche, malgré des histoires et des cultures différentes, et plus largement, des membres d’associations ou de syndicats, ont en fait une ligne d’horizon qui leur est commune. C’est une même conception de cette capacité d’avoir pour chacun une vie bonne qui n’est pas réduite à n’être qu’une simple vie de producteur ou de consommateur.

Ce sont en quelque sorte des alpinistes partis de camps de base différents, qui utilisent des voies différentes mais se retrouvent ensemble avant le sommet.

Mais avant de l’atteindre, ils devront convaincre les millions de gens qui sont restés dans la plaine.

Comment ? C’était l’objet de mon article : la longue marche vers la victoire. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Hervé Debonrivage

Annexe : trois liens parmi d’autres sur l’écosocialisme

Article de wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89...

Intervention de Jean-Luc Mélenchon aux assises de l’ES : http://www.lepartidegauche.fr/video...

Article de l’Humanité : http://www.humanite.fr/politique/me...


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