Pour la préservation et le développement de l’activité économique régionale et de l’emploi dans une démarche de progrès social et écologique

jeudi 15 novembre 2012.
 

Monsieur le président, chers collègues,

Ce rapport propose une stratégie régionale de l’innovation fixant un cap industriel pour 2020.

Je veux rappeler que notre objectif doit être la préservation et le développement de l’activité économique régionale et de l’emploi dans une démarche de progrès social et écologique.

Aussi, je ferai une remarque préalable. Ce serait une erreur d’enliser notre stratégie industrielle dans les standards proposés par la commission européenne et le rapport Gallois basés sur la compétitivité des territoires à l’exportation dans le cadre de la compétition économique mondiale.

Cette conception néo-libérale de la politique de l’offre qui vise à renforcer nos avantages concurrentiels en matière de compétitivité conduit à cette idée reprise par le gouvernement selon laquelle nous devrions baisser le coût du travail dans notre pays. L’idée que les entreprises ne sont plus en mesure d’investir en raison d’un coût du travail trop élevé ne résiste pas à l’analyse : c’est la rémunération des actionnaires qui a bondi. Les dividendes ont atteint leur niveau le plus élevé depuis l’après-guerre, avec 9% de la valeur ajoutée contre 2.5% au début des années 1990 !

Ce n’est pas le coût du travail qui est élevé, mais le coût du capital.

Cette approche de la compétitivité est dépassée et ne répond pas aux enjeux économiques, sociaux et écologiques qui sont posés à la région et au pays.

Appliquée en Allemagne par Gerhard Shröder, cette stratégie s’est traduite par un appauvrissement rapide de la population. Le nombre de travailleurs pauvres y est désormais le plus élevé d’Europe. En Allemagne, on assiste aussi à la baisse importante de l’espérance de vie en bonne santé, ce qui débouche sur une aberration productive : la dégradation des conditions de vie des travailleurs fait reculer leur productivité. Le « modèle allemand » n’a donc rien d’efficace et de durable.

Quels sont aujourd’hui les freins à l’activité économique et à la désindustrialisation ? Quelles sont les faiblesses de l’industrie française ?

Ce n’est pas d’abord un déficit des exportations. En effet, quand bien même parviendrait-on à relancer les exportations françaises, que cela ne serait qu’un soutien marginal à la relance de l’activité et à la lutte contre le chômage. Tout simplement par ce que les exportations représentent moins de 20% de la richesse produite. On passe donc à côté de la relance de 80% de l’économie du pays, la consommation intérieure. Loin de réduire le coût du travail, il faut augmenter les salaires, le pouvoir d’achat et l’investissement public pour relancer l’activité économique et organiser la nécessaire planification écologique.

En s’enfermant dans une politique de rigueur , avec un plan d’austérité sans précédent de 20 milliards d’euros, l’application des obligations du Traité budgétaire européen, la poursuite de la réduction des effectifs de la fonction publique, la baisse des dotations aux collectivités, la politique économique du gouvernement ne peut que conduire à l’enlisement économique du pays et à un chômage fort. Comment espérer remplir les carnets de commandes de entreprises en diminuant l’investissement public et la consommation. ? Il est urgent de changer radicalement de politique économique, que le gouvernement cesse de s’entêter.

Si ce n’était que le Front de Gauche qui disait que l’austérité mène à la récession, cela irait encore. On pourrait nous taxer d’exagération. Mais que dire lorsqu’il s’agit des instituts de conjoncture économique qui abaissent les uns après les autres leurs prévisions de croissance pour 2013. 0,3 % en moyenne alors que le gouvernement base son budget sur une estimation de 0,8 %. La banque Natixis est plus optimiste que ses consœurs. Son conjoncturiste l’explique : « Si la France devait à tout prix tenir son objectif de 3 %, ma prévision de croissance ne serait plus de 0,7 % mais probablement inférieure à 0 %. » Oui vous avez bien entendu ! Les services de prévision des banques estiment eux-mêmes que la politique qu’elles réclament tue la croissance. Pour redresser le pays, il est urgent de rompre avec l’austérité et de donner la priorité à la relance de l’investissement public et du pouvoir d’achat des ménages.

J’en viens la question de l’innovation qui constitue en effet un enjeu majeur pour notre région et la France.

L’effort du pays pour la recherche est largement insuffisant. Je vous propose la comparaison avec l’Allemagne qui est à la mode. A l’occurrence elle est sans appel. En 2009, les dépenses totales (publiques et privées) de R&D représentaient 3 % du PIB en Allemagne contre 2% en France. Mais je vous propose d’y regarder de plus près. Cet écart ne vient pas d’un apport plus faible de dépenses publiques. Cet écart vient du différentiel de dépenses en R&D du secteur privé : en 2008 elles sont de 19 milliards de dollars en France contre 40 milliards en Allemagne.

L’argument patronal consiste à expliquer que c’est l’existence d’un taux de marge insuffisant qui empêcherait les entreprises d’investir dans l’innovation. Pourtant, on peut remarquer que, malgré la baisse du taux de marge, la rémunération des actionnaires a continué à connaître une augmentation prodigieuse. Le choix des entreprises a donc été de continuer à augmenter les dividendes plutôt que d’investir dans l’innovation. Ainsi, les dépenses en Recherche et Développement qui représentaient 44 % des dividendes en 1992, n’en représentent plus qu’environ 25 %.

Vous conviendrez donc qu’il y’a de nombreux paradoxes aujourd’hui à engager des fonds publics par millions dans des programmes de recherches collaboratifs avec l’industrie privée.

Le premier paradoxe est que l’industrie privée bénéficiant de ces fonds publics baisse considérablement ses engagements financiers propres pour l’innovation, privilégiant la rémunération immédiate des actionnaires et ce sans aucune utilité sociale. Nous connaissons bien en Midi-Pyrénées comment cette logique se fait au détriment de la Recherche Développement mais aussi au détriment de l’emploi avec en quelques années des milliers de suppressions d’emplois à visée boursière.

Un autre paradoxe vient des cadeaux fiscaux au patronat qui continuent à se multiplier avec la décision stupéfiante du gouvernement, opposée aux engagements du candidat Hollande, d’accorder un crédit d’impôt à hauteur de 20 milliards d’euros, pour compenser une part des cotisations patronales, ce qui revient à faire payer aux citoyens, par leurs impôts et l’augmentation de la TVA, une part de leur propre salaire ! Puisque les cotisations sociales, c’est bien un salaire, même s’il s’agit d’un salaire différé.

Le gouvernement aurait mieux fait d’investir une partie de cet argent public pour redonner du souffle à l’effort budgétaire public pour l’enseignement supérieur et la recherche, en finir avec la précarité et les ravages de la RGPP à l’université et dans la recherche comme ailleurs, remplacer la LRU par une nouvelle loi rétablissant les universités dans leur mission de démocratisation des savoirs, de service public national, et de renforcer les moyens de la recherche publique.

Dans ce contexte, on est en droit de se poser des questions sur nos interventions et les priorités à donner pour l’utilisation de l’argent public impliquant la recherche privée.

La politique d’innovation portée par la région doit être mise au service du bien commun, de l’utilité économique, sociale, écologique et de l’emploi.

Pour le moins, nous demandons, comme la région a commencé à le faire pour nos pour nos aides économiques, de conditionner l’engagement de nos fonds dans des programmes de recherches et d’innovation impliquant des entreprises privés au respect par celles-ci de strictes normes sociales et écologiques. Nous sommes en droits d’exiger des comportements sociaux et écologiques des entreprises qui inscrivent leurs laboratoires de recherche dans des programmes bénéficiant de fonds publics.

Enfin, je veux finir par une note positive en disant que nous nous retrouvons dans la définition des trois domaines prioritaires de convergence des savoirs, de la recherche et de l’industrie dans notre région, à savoir la « durabilité énergétique », « l’ingénierie cellulaire » et « les systèmes embarqués intelligents ».

Ces axes peuvent correspondre à des stratégies de développement reposant sur la recherche de l’intérêt général dans notre activité économique et d’innovation. A la condition que notre stratégie régionale se limite aux logiques de niches à fortes valeur ajoutée, pôle d’excellence et de concurrence. A l’opposer, nous devons exiger des logiques de filières qui impliquent les petite et moyennes entreprises du territoire dans une logique de coopération entre grands groupes et sous-traitants, entre métropole et territoires, avec comme visée la relocalisation de l’économie. Aussi il est urgent dans cet esprit de mesurer et d’examiner comment les pôles de compétitivités peuvent être mis au service de cette logique de filière, de coopération et de relocalisation.

Nous nous abstiendrons sur le vote. Nous nous retrouvons dans le mandat donné au président de proposer les trois domaines évoqués dans le cadre de la démarche de concertation de préparation du futur programme opérationnel des fonds européens. Pour autant, nous sommes prudents et vigilant sur le cadre proposé et nous ne manquerons pas de participer à la nécessaire revisite de nos programmes d’interventions selon les propositions que j’ai formulées.


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