Les Etats-Unis et leur allié, Al-Qaeda

mardi 14 août 2012.
 

Afghanistan dans les années 80 et 90... Bosnie et Kosovo dans les années 90... Libye en 2011... Syrie en 2012... Lors de conflits armés dans chacun de ces pays, les Etats-Unis et Al-Qaeda (ou une de ses filiales) se sont retrouvés dans le même camp. (1)

Que faut-il donc penser de la « guerre contre le terrorisme » des Etats-Unis ?

Si l’ennemi est le terrorisme islamiste, pourquoi les Etats-Unis ont-ils investi autant de sang et d’argent contre l’OLP, l’Irak, la Libye et maintenant la Syrie, tous des pouvoirs laïques du Moyen-Orient ?

Pourquoi les alliés arabes les plus proches de Washington au Moyen-Orient sont-ils les gouvernements islamiques de l’Arabie-Saoudite, Qatar, Koweit, Jordanie et Bahreïn ? Bahreïn où se trouve une base navale US ; l’Arabie Saoudite et le Qatar qui fournissent des armes aux rebelles syriens.

Si la démocratie a la moindre signification pour les Etats-Unis, pourquoi ces mêmes proches alliés du Moyen-Orient sont-ils des monarchies ?

Si l’ennemi est le terrorisme islamiste, pourquoi les Etats-Unis ont-ils poussé le Kosovo – 90% islamique et peut-être le gouvernement le plus gangstérisé au monde – à déclarer unilatéralement son indépendance de la Serbie en 2008, une indépendance si illégitime et artificielle que la majorité des nations du monde ne la reconnaissent pas ?

Pourquoi – puisque l’Armée de Libération du Kosovo (ALK) au pouvoir est connue pour ses trafics de femmes, d’héroïne et d’organes (sic) – les Etats-Unis poussent-ils le Kosovo a devenir un membre de l’OTAN et de l’Union Européenne ? (un nouveau panier économique percé : exactement ce dont l’UE a besoin.) Entre 1998 et 2002, l’ALK figurait sur la liste des organisations terroristes établie par le Département d’Etat, jusqu’à ce que les Etats-Unis décident d’en faire des alliés, une des raisons non négligeables étant l’existence d’une grande base militaire au Kosovo, Camp Bondsteel qui est située sur le tracé prévu des oléoducs et gazoducs en provenance de la région autour de la Mer Caspienne. En novembre 2005, suite à une visite de Bondsteel, Alvaro Gil-Robles, envoyé chargé des droits de l’homme du Conseil Européen, a décrit le camp comme une « version réduite de Guantanamo ». (2)

Si l’ennemi est le terrorisme islamiste, pourquoi les Etats-Unis pavent-ils le chemin du pouvoir aux rebelles islamistes libyens qui en ce moment même sont en train de tuer d’autres Libyens pour instaurer un état islamique radical ?

Pourquoi les officiels américains parlent-ils sans cesse des droits de l’homme tout en soutenant sans faille les rebelles islamistes libyens malgré le fait que Médecins Sans Frontières ait du suspendre son travail dans les prisons de la ville rebelle-islamiste de Misrata parce que la torture y est tellement généralisée que certains détenus étaient amenés aux soins uniquement pour pouvoir poursuivre les interrogatoires ? (3)

Pourquoi les Etats-Unis soutiennent-ils les terroristes islamistes en Libye et en Syrie où ils persécutent les chrétiens ?

Et pourquoi, si l’ennemi est le terrorisme islamiste, est-ce que l’ambassadrice US aux Nations Unies, Susan Rice – qui attaque quotidiennement le gouvernement syrien sur des questions morales – ne condamne pas l’assassinat de quatre hauts dirigeants syriens le 18 juillet qui ont probablement été assassinés par al-Qaeda ou ses semblables ? La chaîne de télévision Russia Today, qui transmet dans certaines régions des Etats-Unis, a souligné son silence sur cette affaire. Est-ce que quelqu’un peut me dire si un seul média US a fait de même ?

Alors, si vous voulez comprendre cette chose qu’on appelle la politique étrangère des Etats-Unis, oubliez le Guerre contre le Terrorisme, oubliez les Attentats du 11 Septembre, oubliez la Démocratie, oubliez la Liberté, oubliez les Droits de l’Homme, oubliez la Religion, oubliez les peuples libyens et syriens... et gardez l’oeil sur l’objectif final : tout ce qui peut faire avancer la domination globale américaine et tout ce qui peut jouer à court terme en faveur de cet objectif. Il n’y a aucun gêne « morale » dans l’ADN de la politique étrangère des Etats-Unis.

Ramenez la guillotine

En juillet, l’entreprise canadienne Enbridge Inc a annoncé qu’un de ses oléoducs avait fui et déversé environ 1.200 barils de pétrole brut dans un champ dans le Wisconsin. Il y a deux ans, un oléoduc d’Enbridge avait déversé plus de 19.000 barils dans le Michigan. Au Michigan, la fuite a touché plus de 50 km de voies et plans d’eau et 320 personnes ont été affectées par le contact avec le pétrole brut. L’organisme d’état US, US National Transportation Safety Board (NTSB), a dit qu’avec 800 millions de dollars de dégâts, cette fuite était la plus coûteuse sur sol de toute l’histoire du pays. Le NTSB a dit qu’Enbridge savait depuis cinq ans que l’oléoduc était défectueux. Selon les propres rapports d’Enbridge, la société a connu 800 fuites entre 1999 et 2010, déversant près de 7 millions de barils de pétrole brut. (4)

Aucun dirigeant ou employé d’Enbridge n’a été mis en accusation pour le moindre délit. Combien d’assassins de l’environnement des temps modernes ont été punis ?

Pendant une période de cinq ans, autour de 2007, plusieurs milliers d’employés d’agences de change, de banques, de compagnies d’assurance, d’agences de crédit et autres institutions financières, principalement à New York, se sont bien amusés à s’enrichir de façon obscène en jouant avec des bouts de papier appelés produits dérivés, obligations adossées à des actifs, fonds indiciels, couvertures de défaillance, véhicules de conduit, prêts hypothécaires à haut risque, et autres termes exotiques, autant de choses, il faut le rappeler, que le public n’a jamais demandé. Le résultat a été une dépression économique sévère qui touche gravement des centaines de millions de vies aux Etats-Unis et ailleurs.

Aucun employé d’une de ces sociétés n’a connu les murs d’une prison pour avoir joué avec notre bonheur.

Pendant plus de 50 ans, des fonctionnaires de la politique étrangère et de l’appareil militaire des Etats-Unis ont accumulé des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité qui feraient pâlir d’envie les célèbres bouchers de l’Histoire.

Pas un seul de ces officiels US n’a eu à s’approcher d’un tribunal, pas plus qu’il n’a eu à visionner le film « Le Procès de Nuremberg ».

Et pourtant, je vis au Etats-Unis de la Punition pour d’innombrables crimes ; plus de deux millions de personnes sont en train de moisir en ce moment dans nos prisons. Sur ce plan là, aucune autre société ne nous arrive à la cheville – quelle que soit la manière dont vous tournez les chiffres. Et beaucoup de ces personnes sont en prison pour des crimes qui n’ont fait aucun victime.

D’un autre côté, nous voyons les Chinois prononcer des peines de prison, et même la peine de mort, pour des crimes contre l’environnement.

Il y a le cas récent d’un tribunal iranien qui a jugé, pour une escroquerie sur un emprunt bancaire, 39 personnes proches de l’élite politique. Parmi les 39 condamnés, 4 ont été condamnés à la pendaison, 2 à la prison à vie, et d’autres à des peines allant jusqu’à 25 ans de prison ; en plus des peines de prison, certains ont été condamnés au fouet, à des peines d’amende, et bannis de tout emploi public. (5)

Et en Argentine, début juillet, lors d’un des derniers procès d’une longue série d’anciens dirigeants argentins, l’ancien dictateur Jorge Rafael Videla fut condamné à 50 ans de prison pour un plan systématique qui consistait à voler les bébés des femmes emprisonnées qui avaient été enlevées, torturées et assassinées pendant la guerre de la junte militaire contre les dissidents progressistes – la « sale guerre » de 1976-83 qui fit 13.000 victimes. Beaucoup de ces femmes ont « disparu » peu après leur accouchement. Le dernier dictateur argentin, Reynaldo Bignone, a aussi été condamné à 15 ans de prison. A l’extérieur du tribunal, un foule joyeuse a suivi le procès sur un grand écran et explosait de joie à l’annonce de chaque peine. (6)

En tant qu’Américain, j’envie les Argentins. Préparez le grand écran sur The Mall à Washington. Nous diffuserons les procès de Bush, Cheney, Rumsfeld et Obama. Et Henry Kissinger, soutien indéfectible de la junte argentine - une de ses contributions, parmi tant d’autres, à un monde meilleur. Sans oublier les dirigeants de Goldman Sachs, JP Morgan, Bank of America, et Enbridge Inc. Leur infliger des amendes ne sert à rien. Il faut leur infliger des années de prison, beaucoup années.

Sans l’emprisonnement de ces gens, rien de changera. C’est devenu un cliché, mais nous voyons bien que rien ne changera sans leur emprisonnement. Et les choses continuent à s’empirer, sur le plan financer comme sur le plan impérial.

(…)

William Blum

NOTES

(1) Peter Dale Scott, "Bosnia, Kosovo, and Now Libya : The Human Costs of Washington’s Ongoing Collusion With Terrorists", The Asia-Pacific Journal : Japan Focus, August 7, 2011

(2) Camp Bondsteel entry on Wikipedia

(3) Washington Post, January 27, 2012

(4) Enbridge entry on Wikipedia ; Washington Post, July 29, 2012

(5) Reuters, July 31, 2012

(6) Associated Press, July 6, 2012


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