Jean-Luc Mélenchon dans l’Allier (6 décembre 2011)

lundi 12 décembre 2011.
 

Gare de Lyon – 8H40

J’arrive sur le quai numéro 5 de la gare de Lyon. Je pensais être la première mais tout le monde est déjà là. Jean-Luc et le reste de l’équipe sont installés dans un compartiment du Téoz qui fait route vers Moulins. Comme à l’accoutumée, on épluche les journaux du jour. Les commentaires vont bon train. Sophia, responsable du pôle presse, profite d’un moment de calme pour montrer les Carnets de route précédents à Moland, le photographe qui nous accompagne. Nous nous organisons tous les trois pour l’envoi des photos et des notes. Sophia a une connexion 3G sur son téléphone et moi mon ordinateur. Les photos devraient donc pouvoir partir en même temps que les notes que j’envoie de mon téléphone.

Gare de Lyon – 9H

Une sonnerie retentit. Le commandant de bord nous annonce que "suite à un problème technique dans la voiture de tête" le train partira avec un retard "d’une durée indéterminée". Mince. Il faut prévenir les camarades qui doivent nous rejoindre à la gare de notre retard et leur dire de prévenir à leur tour les représentants d’associations et de syndicats de l’Allier que nous devons rencontrer à notre arrivée. Christian Marre, le directeur de cabinet de campagne de Jean-Luc s’en charge. Pendant ce temps l’équipe reprend ses lectures et commentaires de la presse.

Gare de Lyon – 9H20

Nouvelle annonce du commandant de bord. "Malgré l’intervention de nos agents sur la voiture incriminée, notre train va rester en quai pour une durée que nous ne pouvons déterminer". "Qu’est-ce qu’on fait ?" demande Jean-Luc. "On va pulvériser notre programme". Christian Marre part à la rencontre du contrôleur. Dans le compartiment c’est l’angoisse.

Gare de Lyon – 9H30

Christian revient. " On saura à 10h si on part ou pas. Sinon le prochain train est à 13H ". Cela s’annonce mal. La rencontre avec les associations et les syndicats est compromise. Nous espérons pouvoir nous rendre à l’exploitation agricole de Saint-Marcel-en-Murat. Jean-Luc calme les troupes.

Gare de Lyon – 9H50

On nous annonce que le train va partir dans quelques minutes. Sourire et applaudissements de l’équipe. L’enthousiasme revient.

Gare de Lyon – 9H55

Le train part enfin. Jean-Luc se penche sur une "Lettre ouverte aux progressistes de France rédigée par Patrick Chamoiseau et Guillaume Pigeard de Gurbert", deux personnalités martiniquaises. Jean-Luc en discute avec nous. Il est d’accord avec le fondement de l’interpellation qui dit que nous sommes capable de changer le monde et que le monde est une construction humaine ("ce que les hommes ont fait, ils peuvent le défaire : se faire un autre monde", dit la Lettre). Il est aussi d’accord avec eux quand ils expliquent qu’il n’y a pas de vérité chiffrée comme veulent le croire les économistes libéraux. Il n’est par contre pas d’accord avec eux quand ils définissent la République une et indivisible et l’amour de la patrie républicaine comme un rejet de la différence. Il nous dit que c’est un peu comme si on disait que la laïcité était un rejet de la foi. Pour lui, la loi qui fonde le caractère un et indivisible de la République postule que tous les êtres humains sont semblables et donc capables d’être égaux. Il nous explique que lui ne se sent de nulle part et de partout à la fois et qu’il ne supporte pas qu’on le voit comme un oppresseur parce qu’il est favorable à cette loi.

A bord du Téoz – 11H30

Le travail parlementaire s’impose dans le voyage. Jean-Luc tient à garder un oeil sur les résolutions en négociation au Parlement européen. Nous discutons d’une résolution sur la plus que nécessaire amélioration des conditions carcérales dans l’UE. Lutter contre la surpopulation carcérale, prévenir les suicides, assurer les droits de la défense, voilà les questions qui intéressent la résolution commune que discutent les groupes du Parlement européen à l’exception des eurosceptiques conservateurs du groupe EFD. Chiara Tamburini, du groupe GUE/NGL, en charge du dossier, nous tient informés des évolutions. La résolution est pour le moment satisfaisante. Jean-Luc devrait en être signataire.

A bord du Téoz – 12H15

Le commandant de bord annonce notre arrivée imminente. "En route mauvaise troupe !" lance Jean-Luc avec un grand sourire.

Moulins – 12H20

Un comité d’accueil Front de Gauche nous attend sur le quai. Sylvie a même ramené son drapeau ! Nous sommes très en retard. Le temps de faire la bise et de se saluer et la petite troupe part vers les bus qui nous attendent. Sur le chemin, les copains ne perdent pas une seconde et distribuent tract sur tract. Jean-Luc et Jean-Paul Dufrègne, président Front de Gauche (PCF) du Conseil général de l’Allier passent saluer les cheminots. Sourires et brefs échanges. Nous repartons vite vers les minibus qui nous emmènent vers Yzeure, petite commune de 12 500 habitants environ dans l’agglomération de Moulins.

Yzeure – 12H40

Après quelques péripéties (notre chauffeur s’est perdu sur la route) notre minibus rejoint le reste de l’équipe à la Salle des Ozières. La conférence de presse a déjà commencé. C’est Jean-Paul Dufrègne qui a la parole. Il souhaite la bienvenue à Jean-Luc. Il rappelle que même si la fédération PCF était très proche d’André Chassaigne, l’enfant du pays, elle soutient complètement et fera complètement la campagne de Jean-Luc sans états d’âme. Il dit à quel point "ça fait chaud au coeur" de recevoir Jean-Luc dans l’Allier. Jean-Luc commence son intervention en s’excusant du retard. Il tire le constat de l’état dramatique du transport ferroviaire, "non du fait des cheminots" mais du fait de la libéralisation du marché ferroviaire. D’ailleurs le Parlement européen, avec les suffrages des sociaux-démocrates et ceux, divisés entre "pour" et "abstention" des écologistes, a franchi une nouvelle étape il y a trois semaines avec la "refonte du premier paquet ferroviaire". Jean-Luc demande aux syndicalistes de prendre la parole. "Notre campagne a pour but de rendre visibles les invisibles et de leur permettre de prendre le pouvoir" pas "une campagne pour un homme". Le militant CGT qui prend la parole s’appelle Alain Morand, délégué syndical centrale de Manitowoc. L’entreprise Potain, entreprise de fabrication de grues de chantier, a été rachetée il y a dix ans par l’étatsunienne Manitowoc, cotée en bourse. Celle-ci a supprimé 927 emplois en 29 mois "soit près de 43% des effectifs totaux" nous expliquera-t-il plus tard. Il a écrit son discours. Il s’en excuse. "Il n’y a pas de quoi" lui dit Jean-Luc. "Le Front de Gauche, c’est la bonne voie, c’est l’espoir au présent" nous dit ce militant communiste. Il fustige le pouvoir des banques qui "mettent même les gens au pouvoir en Europe". Il insiste sur "la place de l’industrie qui est dans les griffes des marchés financiers". "Ici, les grandes entreprises comme Thompson ont délocalisé et le chômage grimpe" nous explique-t-il. Jean-Luc indique qu’il répondra plus largement ce soir lors du meeting mais revient quand même sur le coup d’Etat des financiers en Europe et sur la ré-industrialisation de la France. "Quels sont les besoins dans l’Union Européenne ?". Il explique qu’il faut se développer à partir de ces besoins et se protéger en Europe, tout en soulignant la nécessité d’appliquer la planification écologique. Jean-Luc appelle par ailleurs les militants à faire de la co-éducation populaire pour expliquer la dette et comment ce prétexte cancérise la politique. Il cite pour exemple le clip du Parti communiste "On va vous faire un dessin", outil particulièrement pédagogique. Il appelle enfin tous les militants à se ranger derrière leurs syndicats le 13 décembre prochain et conclut sur un "bon appétit" particulièrement bienvenu à cette heure tardive. Le repas n’est pourtant pas pour tout de suite. Chacun se presse autour de Jean-Luc, entre autre pour lui parler de la taxation de 3,5% des mutuelles et des plans d’austérité qui aggravent la situation des familles qui ne peuvent plus se payer de mutuelles. Je n’en entendrai pas plus. L’assistance finit par s’attabler. Quatre grandes tablées dans une salle de réunion. Nous sommes plus de 100 !

Yzeure – 14H

"Bon, Jean-Luc, à ce soir au meeting !" lance Jean-Paul Dufrègne. Il est temps. Après un bon repas et une pause photos avec les syndicalistes pour Jean-Luc, nous reprenons les minibus direction Saint-Marcel-en-Murat au lieu-dit Ville-Vieille. Nous allons visiter l’exploitation agricole de Christophe et Benoît Tabutin. L’Allier est un département dont la physionomie est façonnée par la production agricole. Il y a ici une forte tradition de polyculture d’élevage malgré la tendance récente à la spécialisation selon les zones agricoles du département. Il y a un peu de tout : des zones de bocage, des zones d’élevage bovin et ovin, des zones céréalières, une zone viticole (à Saint-Pourçain) et une zone de production hors-sol et de sylviculture (dans la Montagne Bourbonnaise). L’exploitation de Christophe et Benoît Tabutin est spécialisée dans l’élevage de vaches charolaises. 320 bêtes à peu près. C’est l’une des 4 000 exploitations agricoles de l’Allier. Un chiffre en constante diminution : on en comptait pas moins de 20 000 dans les années 1970. Il faut dire que la situation des agriculteurs est de plus en plus difficile du fait de l’alignement des prix agricoles sur les marchés mondiaux, conséquence des politiques européennes. La rémunération des exploitants diminue. Logique : il n’y a pas de prix minimum garantis ! Les agriculteurs sont donc souvent très endettés. Dans l’Allier, la situation est grave : on estime qu’un tiers des exploitations agricoles sont surendettées. Dans ce contexte, seules les grandes exploitations parviennent à s’en sortir. C’est notoire ici : la superficie moyenne des exploitations dépasse d’ailleurs les 110 hectares aujourd’hui. L’agriculture paysanne disparaît lentement et les emplois agricoles avec elle… Dans ce contexte, le Conseil général de l’Allier a décidé, sous l’égide de Jean-Paul Dufrègne, son président, de prendre des mesures, même si l’agriculture ne relève pas de sa compétence. L’idée est de favoriser l’autonomie des exploitations en encourageant les circuits courts. Par exemple, le Conseil Général s’est engagé à alimenter les restaurants des collèges exclusivement par des productions locales. Il verse, en outre, des aides à la qualité, à la diversité, et à l’amélioration des conditions de travail et de sécurité. Des gestes forts en faveur de la relocalisation et de l’agriculture paysanne dont nous nous sentons tous fiers.

Saint-Marcel-en-Murat – 15H.

Nous arrivons à Ville-Vieille. Nous sommes accueillis par les aboiements d’une quinzaine de chiens de chasse. Etonnant comité d’accueil. L’équipe et les camarades qui nous accompagnent rient.

André Lajoignie, ancien député, et Patrick Le Hyarick, député européen GUE/NGL, membre de la commission agriculture, nous rejoignent dans le "hangar à paille" de l’exploitation où attendent Liliane, maire de Chappe qui sera notre guide, Christophe et Benoît Tabutin. Ces deux derniers sont locataires des terres de l’exploitation. Ce sont "des paysans sans terre". Mais ils sont propriétaires des bâtiments. Beaucoup de monde se joint à nous. Des syndicalistes mais pas seulement. Beaucoup de paysans sont là.

Nous nous dirigeons vers la "stabulation", l’endroit où les bovins restent l’hiver, voire de longs mois quand ils sont à l’engrais. Toutes les vaches nous observent tandis que Jean-Luc et Christophe Tabutin discutent sous les appareil-photos et les caméras. Jean-Luc explique qu’il faut protéger l’agriculture parce qu’on a besoin de produits de bonne qualité et qu’on doit rémunérer correctement les agriculteurs. Il fustige la mise en concurrence des agriculteurs de par le monde. André Lajoignie prend la parole pour dénoncer la baisse des prix des céréales liée à la mise en concurrence avec les pays de l’Est. "Et de l’indexation sur les prix du pétrole avec les biocarburants à base de céréales" dénonce Christophe Tabutin.

On se dirige vers une seconde stabulation. Même effet de fascination sur les charolaises ! Ici, c’est Benoît qui prend la parole. Il explique qu’il prend une semaine de vacances chaque année et que "c’est déjà pas mal". "On peut le faire parce qu’on est deux". Christophe remplace Benoît et inversement dans ces cas-là. Benoît nous raconte le labeur quotidien. Ici pas de week-end, pas de dimanche. L’agriculture s’automatise, notamment pour le lait "mais il faut toujours être là" explique Liliane. Benoît raconte qu’avec le temps sec de ces derniers mois "les bêtes ont maigri". On discute changement climatique. Jean-Luc se désole du peu d’avancées de la Conférence de Durban.

Christophe explique qu’ils sont autonomes en beaucoup de choses mais pas pour la paille, ni les protéines. Ils sont obligés d’acheter du soja. "On essaie d’être autonomes en paille, il suffit de trouver des hectares à louer, on est sur un projet en ce moment". Par contre pour le soja, Christophe estime que c’est mission impossible : "en France on n’a pas les conditions climatiques".

Saint-Marcel-en-Murat – 15H20

Nous retournons dans le hangar à paille. Les militants CGT plantent le micro devant un grand monticule de compostage de bois (qui remplace en partie la paille et permet de l’économiser). Après une brève présentation de Liliane, Patrick Le Hyarick prend la parole. Il revient sur la libéralisation des marchés agricoles. Il explique que sous prétexte d’exportations automobiles, ce sont bientôt 350 000 tonnes de viandes bovines des grandes exploitations du Brésil qui seront importées en France à bas prix. Autant de conséquences sur les prix agricoles en prévision ici… Il appelle les paysans à être attentifs à la nouvelle réforme de la PAC. "Ils refusent toujours de rémunérer le travail paysans par des prix garantis" indique-t-il. "Il n’y aura pas de plan protéïne" annonce-t-il par ailleurs. On continuera donc à importer les protéïnes d’Amérique Latine et du Nord, en dépit de notre souveraineté alimentaire et de l’empreinte écologique que supposent ces importations massives. Jean-Luc, lui, décrit le système de libéralisation qui transforme tout en marchandise. Il explique que nos amis, nos frères latino-américains ont besoin des protéines qui sont exportées vers l’Europe. Que c’est à eux qu’elles doivent aller. Et qu’ici, en Europe "on est dans l’obligation de produire des protéines" pour nos populations, que l’Europe doit pouvoir être auto-suffisante. Il parle de "ce que le Front de Gauche attend de l’agriculture" : "une agriculture qui nourrissent de manière saine et contrôlée pour toute la population". Il dénonce le fait que seuls les plus riches peuvent s’acheter de la nourriture bio. Il explique qu’il faut réduire par la loi les coefficients multiplicateurs entre la production et le rayonnage. Et augmenter les salaires à l’autre bout de la chaîne, pour mieux rémunérer le travail paysan.

Jean-Luc appelle l’assistance à prendre la parole. Une dame veut poser une question. Surprise : elle ne porte pas sur l’agriculture. "Qu’est-ce qu’on va faire des traders ? Y aura-t-il une réforme du système boursier ?". Jean-Luc répond qu’ "il faut briser les reins à la finance". "La BCE doit pouvoir prêter directement aux Etats". Il explique qu’il faut arrêter la cotation jour et nuit des titres, et surtout par des machines. Il explique qu’il faut stopper la spéculation sur les titres de la dette et donc interdire les ventes à découvert, ce que la France n’a toujours pas fait, contrairement à d’autres Etats européens. "Nous devons définanciariser l’économie" et ça concerne aussi l’agriculture, domaine où règne aussi la spéculation.

Il rappelle l’existence de l’article 410.1 du Code pénal français qui pénalise les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation pour tout sauf l’économie. Il s’applique par exemple aux espions. Jean-Luc estime que dans certains cas, il devrait s’appliquer à l’économie.

Un paysan pose la question des prix des engrais et du matériel agricole, vendus par des grosses multinationales états-uniennes et qui sont de plus en plus chers. "Comment on peut faire pour changer ça ?" demande-t-il. C’est Patrick Le Hyarick qui répond. "Il faut trouver le moyen à certains moments d’interdire l’augmentation des intrants agricoles, par exemple interdire toute augmentation supérieure à l’inflation" explique-t-il. Patrick dénonce par ailleurs le maintien des primes à l’hectare (plus on possède de terre, même inexpoitées, plus on touche de primes). "Nous on prône la prime en fonction de l’emploi". On parle alors de l’accès à la terre. Le même paysan dénonce le fait que les "biziots" (les bourgeois) achètent de la terre. "La terre aux paysans c’est pas pour demain" crie-t-il. Derrière moi, Gérard, un camarade du Font de Gauche me glisse "bounoum, ici paysans, on dit bounoum, note-le pour le blog". Mission accomplie !

"Bon. On poursuit la discussion autour du verre de l’amitié" propose Lilianne. Il fait froid. L’annonce est saluée par l’assistance. Mais d’abord, nous partons tous chez Christophe Tabutin. Jean-Luc, Patrick Le Hyarick et Christophe et Benoît Tabutin s’attablent. Les journalistes se postent autour d’eux. La conférence de presse peut commencer. On y parle de la crise financière mais aussi de la question de la croissance et de la décroissance. Jean-Luc explique la lutte contre le productivisme et le gaspillage, et la relance de l’activité d’une façon qui tienne compte de l’impératif écologique. On parle aussi de l’austérité qui ne peut produire que la restriction des services publics et de la protection sociale. On parle "règle d’or" dont Jean-Luc rappelle qu’elle a été mise en place sous la dictature de Salazar. "C’est un garrot pour les économies de nos pays" dit-il. Un garrot que l’UE cherche à imposer en se passant de l’avis des peuples. On fait le constat de l’avancée des idées du Front de Gauche. Jean-Luc rappelle que l’agriculture est malade de la finance avec son système de prix erratiques et sa concurrence libre. Et non pas des quatre maux qu’on lui suppose "c’est-à-dire l’automne, l’hiver, le printemps et l’été".

La conférence de presse se termine. Nous repartons vers le hangar à paille où tout le monde nous attend autour de cidre, de jus de fruits, de chocolats et de gâteaux. "Approchez-vous ! Faites-vous servir un café si vous avez froid" dit Liliane. Le café est le bienvenu par ce froid. Jean-luc profite de ce moment convivial pour discuter tranquillement avec les gens.

Saint-Marcel-en-Murat – 17H10

La nuit est presque tombée. L’équipe repart vers les minibus. Nous partons à Cosne sur Allier pour le meeting de ce soir.

Cosne – 17H40

Nous arrivons au centre culturel de Cosne. Il est encore tôt. Une vingtaine de militantes et de militants sont là qui préparent la salle. L’accueil est très chaleureux. On échange quelques mots puis Séverine, jeune militante, nous emmène vers la loge. Nous y déposons nos affaires avant de laisser Jean-Luc au calme pour préparer son discours.

Cosne – 17H55

Dans la salle on s’active. Essais micro, essais musicaux, disposition des drapeaux et des affiches, organisation de la tribune, mise en place des tables militantes… Scotch et escabeau passent de main en main. Moland mitraille les militants à l’oeuvre. Pendant ce temps, la salle se remplit petit à petit. Le meeting ne commence pourtant pas avant 19h.

Cosne – 18H30

Olivier, photographe, se rend dans la loge où Jean-Luc travaille pour prendre quelques clichés. Patrick Le Hyarick est là. Les deux députés européens discutent de l’actualité avec une franche bonne humeur.

Cosne – 18H35

Daniel Roussat, maire de Cosne, passe saluer Jean-Luc dans sa loge. Jean-Luc le reçoit avec plaisir. "Vous avez vu, j’ai ramené Patrick Le Hyarick avec moi" lance-t-il avant de lui raconter les travaux et les votes en séance au Parlement européen avec Patrick et les autres députés du Front de Gauche et de l’Alliance des Outre-Mers.

Cosne – 18H40

Les jeunes camarades qui organisent le meeting entrent dans la loge. Ils veulent savoir s’ils font rentrer les intervenants en musique ou pas. Le maire de Cosne n’est pas franchement enthousiasmé par l’idée. Jean-Luc propose de laisser les jeunes décider.

Cosne – 18H45

Tout le monde sort sauf le photographe, Olivier, Patrick Le Hyarick et moi. Jean-Luc retourne à ses travaux. Je me demande comment il peut se concentrer avec un objectif braqué sur lui. Il y arrive pourtant visiblement.

Cosne – 18H50

Le téléphone de Jean-Luc vibre. C’est un message. Jean-Luc apprend que son blog a été classé huitième blog le plus lu en France.

Cosne – 19H

Je sors de la loge. La salle est pleine à craquer. Il y a des dizaines de gens debout et ça continue d’arriver. Yannick Monnet (Parti Communiste Français) et Sylvie Boussant (Parti de Gauche) qui ont co-piloté l’organisation de ce meeting et de la journée sont contents et il y a de quoi ! Il y a bien plus que les 600 personnes qu’ils espéraient. C’est un très gros meeting pour cette ville d’à peine 2400 habitants.

Cosne – 19H15

Au micro, Yannick Monnet appelle les responsables locaux du Front de Gauche à le rejoindre du la scène. Puis il appelle les cinq intervenants Daniel Roussat (Maire de Crosne), Patrick Le Hyarick (député européen), Mireille Schurch, Jean-Paul Dufrègne (Président du Conseil Général) et Jean-Luc. Toute la salle se lève pour les accueillir.

Daniel Roussat est le premier à prendre la parole. Il commence par nous dire à quel point il est ému de voir cette salle aussi pleine. "J’ai reçu des personnalités très importantes dans cette salle, André Lajoignie, Marie-George et aujourd’hui Jean-Luc Mélenchon. C’est un très grand honneur" indique-t-il avant de redire son attachement au Front de Gauche. "C’est ensemble que nous pouvons réussir" termine-t-il avant de laisser la parole aux autres intervenants.

C’est à Mireille Schurch de parler. "Nous sommes heureux de t’accueillir Jean-Luc dans notre département de l’Allier, terre du communisme rural" commence-t-elle. Avant de regretter que Jean-Luc ne soit plus sénateur à ses côtés. Elle raconte ses batailles d’élue au Sénat et notamment celle pour le droit de vote des étrangers aux élections locales et celle contre le budget d’austérité du gouvernement. Elle dénonce le "vote utile" et appelle le Front de Gauche et ses militants à "être ambitieux" et à "oser la réussite".

Vient le tour de Jean-Paul Dufrègne. "C’est vrai que c’est impressionnant. Il y en a du monde dans cette salle. On est au moins 700 là." Après avoir lancé un appel vibrant à tous les précaires et à tous ceux qui ne supportent plus la politique des nantis, il explique que dans l’Allier (350 000 habitants environ) on dépasse désormais les 13 000 demandeurs d’emplois, dont 15% sont des jeunes. "Il nous faut des choix nouveaux en rupture avec la domination des marchés financiers sur l’agriculture et Jean-Luc le fera très bien" explique-t-il. Il appelle à "une campagne citoyenne dynamique et surtout politique" autour de Jean-Luc et des candidats aux législatives.

Puis c’est à Patrick Le Hyarick. Voici un bref aperçu de sa longue intervention. "J’ai entendu parler de votre département jour après jour pendant dix-huit ans" dit-il en introduction. Il a en effet été le collaborateur d’André Lajoignie, qui nous a accompagnés aujourd’hui mais qui n’a pas pu venir ce soir. Patrick parle de l’Allier, "terre de résistance". Il appelle les militants à se mobiliser dans cette campagne qui prend place dans "une période particulièrement inquiétante". Il fustige la politique menée par les libéraux et les sociaux-démocrates qui ont mené à la crise actuelle en exacerbant l’injustice dans la répartition des richesses. Il dénonce les sommets franco-allemands et les sommets européens qui se succèdent et qui ne règlent rien. "Il y a bien quelque chose qui cloche dans leur raisonnement" s’exclame-t-il. Il dénonce l’application de Nicolas Sarkozy à répondre aux exigences "des trois maîtresses d’école aux noms barbares qui donnent des notes aux Etats, aux départements, aux banques, aux entreprises" (les agences de notation Moody’s, Standard & Poors et Ficht). "Il faut prendre la contre-offensive" contre les plans d’austérité qui sont imposés partout en Europe et augmenter tout de suite les pensions et les salaires, explique-t-il. "Il faut plus et mieux de services publics dans nos pays, il faut même un système public bancaire" ajoute-t-il avant de déplorer que Jean-Luc soit le seul candidat à prôner la relance et la répartition juste des richesses contre l’austérité. Il appelle à "débarrasser les Fillon, Guéant et Sarkozy de la place" avant de demander à l’assistance de faire du 13 décembre, journée de mobilisation syndicale, une réussite. Il appelle à ramener la retraite à 60 ans, à porter le Smic à 1700 euros, à nationaliser le secteur bancaire, à rémunérer correctement le travail agricole. "Jean-Luc est le candidat anti-crise, le candidat anti-Sarkozy" s’exclame-t-il avant de fustiger les propos de François Hollande favorables à la "règle d’or". Il fustige encore les appels du pied de Hollande à Bayrou, "l’homme qui murmure à l’oreille du président Sarkozy". Il termine enfin en appelant la foule à voter Front de Gauche pour "sortir de cette nuit bizarre qui nous envahit et faire ce pour quoi s’était battu Jean Jaurès : rallumer tous les soleils !"

La parole est alors à Jean-Luc. Je vous livre ici un aperçu très partiel de son discours.

"Mes premiers mots sont pour dire merci à celles et ceux qui ont rendu cette soirée possible" commence Jean-Luc en rendant hommage aux militants du Front de Gauche et à leur dure tâche dans la campagne. Il appelle la salle à ne pas perdre de vue l’ampleur de cette tâche : changer radicalement les choses. Il explique la panique qui gagne les tenants du système, ceux qui continuent néanmoins à croire au capitalisme, à la loi de la main invisible. "Le capitalisme est malade du productivisme" explique Jean-Luc, qui insiste sur le fait que ce dernier est en train de détruire notre écosystème. Il parle du marché carbone et de la spéculation sur les droits à polluer, seule chose que le capitalisme a été capable de créer face au changement climatique. Jean-Luc appelle à chercher ensemble l’intérêt général auquel nous rappelle l’écologie, la conscience d’appartenir à un même écosystème qu’il nous faut préserver, ce que "seule la démocratie peut faire". Jean-Luc appelle à la relance en fustigeant le productivisme. "Il faut partir des êtres humains, de leurs exigences qui n’ont rien de démesuré" explique-t-il. Il dit combien il est dur de penser au bien commun quand on est inquiet pour le bien des siens. Il dit qu’il est inacceptable qu’on monte celui qui est inquiet pour le lendemain contre celui qui est inquiet pour le surlendemain, à l’heure où il faut se serrer les coudes et réfléchir à l’intérêt commun. "Je n’ai vu personne aller manifester avec écrit sur sa bannière "je veux la paie de Madame Bettencourt"" insiste-t-il.

Il revient sur le feuilleton à rebondissements de la crise, des sommets européens au quotidien de chacun d’entre nous avec les trains qui ne démarrent plus, les enfants qui n’ont plus d’instituteur etc. Le responsable reste astucieusement caché, explique Jean-Luc. Il s’appelle le fric. Jean-Luc explique la crise, comment il aurait fallu mettre au pas la spéculation quand elle a attaqué la Grèce au lieu de se "plier à quatre pattes" comme l’ont fait la Grèce, l’Espagne ou le Portugal. "Il faut résister" explique-t-il "nous sommes inattaquables quand nous voulons nous défendre" rappelant que nous sommes la cinquième puissance du monde, la deuxième puissance maritime et bientôt la première population d’Europe. Il insiste sur le fait que la BCE et l’euro doivent servir à d’autres fins que celles auxquels ils sont pour le moment destinés. Il rappelle que la France est en pleine croissance démographique et qu’elle a besoin d’activité, pas d’austérité. L’Allemagne, elle, est vieillissante. Elle a été en outre le bon élève du capitalisme et est complètement soumise aux aléas des marchés pour ses fonds de pensions et pour le reste.

Jean-Luc appelle à tourner la page du Traité de Lisbonne, de la concurrence libre et non faussée, à reprendre le pouvoir, à le récupérer collectivement, à faire une révolution citoyenne pour régler les problèmes concrets auxquels nous sommes tous confrontés. Pourquoi le train ne démarre pas ? Pour mon enfant n’a pas d’instituteur ? Pourquoi il n’y a que trois heures d’urgence à l’hôpital ? Que font les partis politiques à part s’occuper d’eux-mêmes ? Jean-Luc appelle tout le monde à la vigilance, à se souvenir des leçons de l’Histoire. "Pour eux, pour les biziots, souvenez-vous "mieux vaut Hitler que le Front Populaire"."

"L’élection présidentielle est un référendum pour ou contre l’austérité. L’austérité c’est les autres, la relance c’est nous", souligne Jean-Luc. A la question de savoir comment on va financer, il indique : "Jamais le pays n’a été aussi riche et jamais il n’y a eu autant de pauvres". Et de rappeler que 195 milliards sont passés des poches du travail à celles du capital en dix ans.

Jean-Luc raconte sa visite de l’exploitation des Tabutin cet après-midi et rappelle les propositions du Front de Gauche pour l’agriculture. Cette partie du discours est particulièrement applaudie. Jean-Luc y parle réduction des marges des intermédiaires, garantie de prix rémunérateurs pour les agriculteurs, agriculture de qualité et donc produits de qualité pour tous.

Il revient aussi sur l’augmentation du Smic. Il explique que soit on augmente le Smic à 1700 euros, soit on nous donne les moyens de vivre avec 1000 euros par mois. "Enfin 1000 euros pour qui les a", souligne Jean-Luc, rappelant les temps partiels obligés dont les femmes sont les premières victimes.

Jean-Luc souligne aussi la résistance des partis de l’autre gauche en Grèce et en Italie contre les gouvernements d’union nationale et leurs politiques d’austérité. "Nous n’avons pas de leçons à recevoir" s’exclame-t-il, dénonçant l’assimilation du Font de Gauche à l’extrême-droite que lancent certains sociaux-démocrates qui oublient que les mêmes gouvernent avec l’extrême-droite en Grèce.

"Si vous faites les moutons, vous serez tondus", "si vous laissez vos idéaux sur le pas du bureau de vote, ne vous étonnez pas de ne pas les retrouver en sortant", voilà les deux mots d’ordre pleins d’humour que Jean-Luc a appelé les participants à répéter autour d’eux. "Faites une campagne qui vous ressemble" a-t-il ajouté. "Vous rallumerez partout les feux" a-t-il insisté avant de conclure par ces mots : "Nous allons rallumer le grand feu. Vive la République ! Vive la France !"

L’assistance applaudit à tout rompre et entonne d’une seule voix une vibrante Internationale sans même attendre que la musique démarre. Impressionnant de solennité. Plein de simplicité et d’espoir. A l’image de cette journée dans l’Allier.

Cosne – 21H40

Le meeting a duré beaucoup plus longtemps que prévu. Toute l’équipe suit Jean-Luc dans sa loge. On récupère les affaires en deux temps trois mouvements. "Allez hop à cheval ! Tout le monde à ses affaires ?" demande Jean-Luc. Apparemment oui. Nous partons en courant vers les minibus. Demain une autre longue journée nous attend, dans le Loiret cette fois.

Jean-Luc Mélenchon dans le Loiret (7 décembre 2011)


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