LORSQUE LE DIEU DES PAUVRES DEVIENT LE DIEU DES PUISSANTS
Le candidat favori du Parti républicain aux élections présidentielles étasuniennes 2012, MITT ROMNEY, a eu, tout récemment, cette Déclaration bien particulière à l’effet que « Dieu avait créé les Etats-Unis d’Amérique pour dominer le monde. ». Rien de moins. Que les adversaires se le prennent pour dit. Le bras divin est bien là pour les accompagner dans cette grande mission de la militarisation et de la domination du monde. L’empire devient le véritable Emmanuel des temps modernes. Dieu avec nous.
Cette déclaration, venant d’un pasteur chrétien (Mormon), transforme le Dieu des Évangiles en un Dieu de domination, de conquête et de militarisation. Tout ce qu’il y a de plus opposé à Jésus de Nazareth. De quoi soulever le tollé général de toutes les confessions chrétiennes qui font de ce Jésus et de son message évangélique la pierre angulaire de leur foi.
En effet, comment associer une telle déclaration au message Évangélique ? Comment transformer, sans sourciller, le Prince de ce monde, qu’est l’Empire, en un messager du Dieu des évangiles ? Comment ne pas faire le rapprochement avec cette scène où Jésus, confronté au Prince de ce monde lui offrant tous les royaumes de la terre en échange d’une soumission, lui répond de façon cinglante et sans appel : « Retire-toi, Satan ! Car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, et à Lui seul tu rendras un culte » ? En des termes plus contemporains, « ces royaumes, fondés sur les ambitions de conquête et de domination, sur la cupidité et la puissance militaire, ne sont pas du genre de celui voulu par son Père et pour lequel il est venu sur la terre. » Son royaume n’est pas de ce monde-là.
S’il y a dans les Évangiles des points qui reviennent constamment sont ceux où l’autorité de domination devient autorité de service, où la force physique est substituée par celle de l’amour, où le courage devient justice et partage, où la vérité devient transparence. Et que dire du sermon sur la montagne qui est rempli pour certains de promesses et pour d’autres de malédictions :
« Heureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous. Heureux êtes-vous, quand les hommes vous haïront, quand ils vous frapperont d’exclusion et qu’ils insulteront et proscriront votre nom comme infâme, à cause de la justice (…) Mais malheur à vous, qui êtes repus maintenant ! Car vous aurez faim. Malheur, vous qui riez maintenant ! Car vous connaîtrez le deuil et les larmes. Malheur, lorsque tous les hommes diront du bien de vous ! C’est de cette manière, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. (…)
Mais je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent…Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pour eux pareillement. » Lc. 6…
N’est-ce pas là une approche diamétralement opposée à la déclaration du candidat républicain et de la pensée religieuse de la droite chrétienne qui domine la vie politique. Pour ces derniers, les intérêts des Etats-Unis sont la mesure avec laquelle le monde doit s’ajuster.
« Nous nous réservons le droit d’agir seuls pour protéger nos intérêts nationaux" » « Les Etats-Unis doivent toujours conserver leur suprématie militaire pour dissuader leurs agresseurs potentiels et défendre leurs alliés" »
Il est donc impératif que les Conférences des Évêques catholiques, aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde, dénoncent, avec vigueur, pareilles prétentions. En tant que représentants de la catholicité de la foi, il faut que le monde sache qu’ils se dissocient complètement d’une telle récupération de Dieu et qu’ils ne sauraient se prêter de quelque manière que ce soit à une telle mission dominée par la force des armes et l’ambition de domination. Leur silence ne ferait que confirmer leur complicité avec les forces de l’Empire et trahirait le caractère universel de la foi et de l’Église.
Ce mouvement de protestation et de dénonciation, en raison de ses implications évangéliques et théologiques, devrait être mené par Benoît XVI lui-même qui ne s’était pas gêné de lamenter, à l’occasion de sa visite à Grounds zéro, en 2007, l’Usage que les terroristes faisait du nom de Dieu pour commettre leurs crimes.
« La tragédie du 11 septembre est d’autant plus grave que ses auteurs ont dit agir au nom de Dieu".
Dans le cas présent, il s’agit de quelque chose d’encore plus grave du fait que le terrorisme est étendu, au nom de Dieu, au monde entier.
Il y a dans la foi comme dans tout engagement de vie une radicalité qui vient chercher la totalité de l’être. Sur les questions de fond Il ne peut y avoir de demi-mesure. Les réponses de Jésus aux trois tentations auxquelles il a été soumis au désert nous en disent long à ce sujet. On ne peut servir à la fois, d’une part la justice, la vérité, la solidarité, la compassion, la paix, la liberté et d’autre part l’injustice, le mensonge, l’individualisme, l’intransigeance, la guerre, la domination. On ne peut servir « Dieu » et « Mammon » à la fois.
Une mise à jour de la foi des diverses églises doit être faite à la lumière des impératifs de justice, de vérité, de solidarité, de compassion et de bonne foi qui interpellent le monde d’aujourd’hui. Nous n’en sommes plus aux problématiques de culte et de sacramentalité, mais de vie et d’humanité.
Oscar Fortin Québec, le 8 octobre 2011
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