Les Bourses dévissent ? Austérité. Elles remontent ? Austérité. La croissance est en panne ? Austérité.

mercredi 21 décembre 2011.
 

La purge ou la saignée ? Tels les médecins de Molière, les modernes Diafoirus et autres Purgon ont pour chaque mal ces deux « remèdes » pour seules réponses. Le Figaro s’illustre en ce domaine, art de faire mourir des malades ainsi guéris. Samedi, le quotidien de Serge Dassault et d’Étienne Mougeotte ajoutait une louche à la potion amère qui attendrait les Français en titrant en une : « La panne de croissance impose une rigueur accrue ». Dans le genre circulez, il n’y a rien à voir, vous paierez quand même, on atteint là un pic.

Les Bourses dévissent ? Austérité. Elles remontent ? Austérité. La croissance est en panne ? Austérité. À l’aune d’une telle finesse argumentaire, l’on mesure la portée de la rencontre organisée mardi dernier par le chef de l’État, dessinant sa feuille de route jusqu’à la semaine prochaine et pour la rentrée. Il s’agit de « préparer l’opinion », notait avec à-propos l’organe central de l’ultraconservatisme à la française qui, en somme, prépare la préparation...

Et si, au-delà de cette assertion, par ailleurs déclinée sur tous les tons dans les différents médias, l’on se posait une question : « Et pourquoi ? » Pourquoi la panne de croissance ?

Pourquoi une « rigueur accrue » ? N’y aurait-il pas, au contraire, une relation de cause à effet ?

Inversons les termes du problème : la saignée du pouvoir d’achat, la purge du travail pour nourrir les dividendes, la corne d’abondance des cadeaux fiscaux ne sont-ils pas des facteurs explicatifs de la « panne » actuelle, qui plombe les exportations, nourrit la casse industrielle et le chômage de masse, donc la capacité de production, et prive les budgets publics de nombreuses ressources ? Quand à cela, qui est une donnée de fond, s’ajoute, de « bouclier » en crédits impôt-recherche captés par les mêmes grands groupes, d’exonérations de cotisations sociales des heures supplémentaires en étranglement des services publics, telle l’éducation ou la santé, une politique d’État entièrement tournée vers la satisfaction des mêmes intérêts, encore et toujours, que doit-on faire ?

Continuer dans la voie du désastre social ou opérer une vraie « rupture » avec cette politique-là ? L’on connaît sur ce point la réponse de Nicolas Sarkozy. Sa réunion d’aujourd’hui avec Angela Merkel vise à enfoncer le clou, dans la continuité de leur pacte commun : il faut imposer encore plus d’austérité aux peuples, détruire encore plus les budgets publics, pour assurer aux marchés un retour sur investissement à leur spéculation sur des dettes qui les ont sauvés, voici à peine deux ans.

La gauche est donc plus que jamais face à ses responsabilités. L’on peut se donner des airs de «  bravitude » économique en préconisant la suppression des départements et des augmentations d’impôts comme un Manuel Valls, qui va finir à ce train par dépasser un François Bayrou sur sa droite. Mais l’on peut aussi dire que la politique doit prendre le pas sur l’économique et sur les «  marchés », que la croissance et l’emploi doivent être au coeur de toute démarche publique pour s’en sortir. Et que cela peut se faire en France, sans abandon de souveraineté. Martine Aubry, ce week-end, se positionne dans ce sens. C’est un débat digne de ce nom, pour le pays, que les propositions de Jean-Luc Mélenchon et de Pierre Laurent ont nourri dans ces colonnes la semaine passée. Car on peut lire aussi, dans le pilonnage idéologique actuel, une crainte : que ces idées-là rencontrent des salariés, retraités, chômeurs, jeunes et vieux qui donnent de la voix. Propositions audacieuses et exigences populaires, si elles se rejoignent, peuvent renvoyer en boomerang le coup de massue.

Les Bourses dévissent ? Austérité. Elles remontent ? Austérité. La croissance est en panne ? Austérité.

Par Michel Guilloux, L’Humanité du 16 août 2011


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